Comment recouvrer les factures d’eau en souffrance

La loi Brottes interdit de couper l’eau des résidences principales, mais pas de faire un procès au mauvais payeur qui est de mauvaise foi.

Question de Didier Rambaud, sénateur (RDPI) de l’Isère :

Quel que soit le mode de gestion choisi pour le service de l’eau, les distributeurs font face à des difficultés croissantes en matière de factures impayées, parfois sans justification de la part de l’abonné. Dans le même temps, les collectivités et les délégataires de service public connaissent des problèmes de trésorerie importants. Or l’article 19 de la loi n2013-312 du 15 avril 2013 visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre et portant diverses dispositions sur la tarification de l’eau et sur les éoliennes, dite loi Brottes, a non seulement posé le principe de l’interdiction générale des coupures d’eau dans une résidence principale par les distributeurs, quel qu’en soit le motif, mais elle a aussi interdit la pratique de réduction du débit d’eau.

Pourtant, diminuer l’alimentation en eau constituait une mesure efficace, puisqu’elle ne privait pas l’usager d’une ressource vitale et indispensable, tout en étant assez gênante pour contraindre les abonnés à régler leurs factures. La disposition législative qui a interdit la réduction du débit d’eau résulte en fait d’une maladresse rédactionnelle, comme on peut le constater à la lecture des débats parlementaires de l’époque.

Toujours est-il que le droit en vigueur pénalise les distributeurs, qui estiment être démunis de tout moyen d’action face aux impayés. Ils décident par conséquent d’arrêter le financement des travaux inscrits dans les plans pluriannuels d’investissement et craignent parfois de ne plus être en mesure de payer les agents, les collaborateurs ou de ne plus pouvoir rembourser les échéances des emprunts. Cela les place dans une situation financière délicate, dans la mesure où ils font de leur mieux sans parvenir à obtenir les recouvrements nécessaires. Que prévoyez-vous pour corriger cette anomalie ?

Réponse de la ministre déléguée chargée des entreprises, du tourisme et de la consommation :

En modifiant l’article L. 115-3 du code de l’action sociale et des familles, la loi Brottes a interdit les coupures d’eau pour impayés à toute époque de l’année pour l’ensemble des résidences principales, sans condition de ressources. Pour autant, l’interdiction des coupures d’eau n’emporte pas annulation de la dette. La facture impayée reste due par l’abonné.

Cet état du droit pourrait encourager les comportements inciviques et avoir des effets financiers notables, non seulement pour les services, en raison des difficultés de recouvrement des paiements, mais également pour les autres usagers, qui pourraient voir leur facture augmenter si les distributeurs d’eau décidaient de compenser les pertes de recettes qui découlent de ces impayés.

Le recours aux aides du Fonds de solidarité pour le logement (FSL) ou aux aides directes des collectivités, ainsi que l’accompagnement des foyers dans les démarches permettant d’en bénéficier, constituent une voie préventive, qui pourrait contribuer à l’amélioration du recouvrement des factures.

Par ailleurs, dès la constatation d’un dépassement du délai de paiement, l’entreprise peut engager une procédure de recouvrement amiable, éventuellement avec l’aide d’un commissaire de justice, pour adresser au débiteur une mise en demeure ou lui signifier une sommation de payer.

Il est aussi possible de mettre en place une solution de paiement échelonné après étude et analyse de la situation. Si les démarches amiables restent vaines, l’entreprise peut en outre engager une procédure judiciaire pour procéder au recouvrement, légitime, de sa créance. Elle peut aussi saisir la médiation du crédit.

Sénat, 9 avr. 2024.

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