Conflit de légitimité autour des bassines des Deux-Sèvres

Qui sont les interlocuteurs pertinents de l’État ? Les élus ? Les agriculteurs ? Les défenseurs de l’environnement ? Les populations locales ?

Question de Delphine Batho, députée (Éco) des Deux-Sèvres :

Quand un conflit se durcit, la responsabilité politique, c’est d’ouvrir la voie à la démocratie et à l’échange de paroles, ce n’est pas d’imposer un rapport de force (NDLR : c’est valable aussi pour les manifestants). Au lieu d’autoriser et de financer dans mon département la construction de seize grandes réserves d’eau pour l’irrigation, contre l’avis des acteurs locaux, et de lancer les travaux, ne feriez-vous pas mieux d’appliquer l’article L. 123-20 du code de l’environnement et d’organiser un référendum local pour demander aux habitants des 120 commues concernées s’ils approuvent ce projet ?

Réponse de la secrétaire d’État chargée de l’écologie :

La question de l’usage de l’eau est nécessairement liée à celle du partage de cette ressource. Cela implique de se concerter avec les usagers locaux, afin de garantir un partage équilibré qui répond aux besoins de chacun. C’est ce que l’État a fait dans le cadre du projet des seize grandes retenues d’eau destinées à l’irrigation agricole dans le bassin de la Sèvre niortaise et du Mignon.

Pas besoin de référendum, puisqu’un protocole a été signé

En effet, l’État a proposé à tous les acteurs du territoire un cadre d’échange et de travail en commun pour aboutir à un projet équilibré. Le protocole adopté en 2018, qui en est le fruit, a été signé en présence des élus de toutes les sensibilités. S’agissant de la méthode, il ne me semble donc pas opportun d’organiser un référendum.

Sur le fond, les agriculteurs doivent être en mesure de faire face aux sécheresses à venir et d’assurer notre souveraineté alimentaire. Les réserves de substitution dont il est ici question s’inscrivent dans des projets plus globaux qui tiennent compte de l’ensemble des usages de l’eau et qui s’accompagnent de transformations des pratiques.

Ainsi, pour les Deux-Sèvres, le protocole d’accord est conditionné à des engagements ainsi qu’à des contreparties, telles que la baisse des prélèvements d’eau et la réduction de 50 % de l’usage de pesticides d’ici à 2025. Et les études du BRGM montrent l’intérêt des réserves de substitution dans le bassin de la Sèvre niortaise, afin d’augmenter le débit des cours d’eau et de gagner en hauteur de nappe en période d’étiage.

Réplique de Delphine Batho :

Le protocole que vous évoquez n’existe plus depuis au moins deux ans : l’association Deux-Sèvres nature environnement et l’association agréée de pêche et de protection des milieux aquatiques s’en sont retirées, et le dialogue est rompu. Par ailleurs, les engagements agroécologiques qui étaient envisagés sont piétinés : seuls 10 % des agriculteurs concernés par les ouvrages de Sainte-Soline, en cours de construction, et de Mauzé-sur-le-Mignon, déjà achevé, ont pris des engagements en matière de diminution de l’usage des pesticides.

Vous ne comprenez pas que ce qui se passe dans les Deux-Sèvres a pris une dimension nationale et que le projet de construction de retenues d’eau finira par être abandonné. Vous gagneriez du temps en permettant aux habitants de se prononcer, en arrêtant les travaux et en rétablissant les conditions d’un dialogue serein.

AN, 6 déc. 2022, 1re séance.

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