o Des drones pour surveiller les inondations et les barrages

L’observation aérienne pourra épauler la prévention et la gestion des catastrophes naturelles et technologiques. Il faudra toutefois améliorer la sécurité des données collectées.

Deux articles ont été ajoutés au code de l’environnement par la loi Climat et résilience, pour autoriser l’utilisation de drones par des agents publics intervenant dans le domaine de l’environnement : l’article L. 125-2-2, pour permettre d’observer tout lieu dans lequel un phénomène naturel est en cours ou risque de se produire et de mettre en danger la vie des populations, et l’article L. 171-5-2, pour permettre la surveillance des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) et des ouvrages hydrauliques.

Surveillance aérienne des inondations

Le présent décret en Conseil d’État applique ces deux articles. Pour le premier, il ajoute au code de l’environnement des articles R. 563-21 à R. 563-27. Les services de l’État, les collectivités territoriales et leurs établissements publics chargés de la prévention des risques naturels peuvent recourir à des traitements de données qui proviennent des caméras et capteurs installés sur des aéronefs circulant sans personne à bord et opérés par un télépilote, et qui sont captées en tous lieux pertinents pour la connaissance et la prévention des risques naturels.

Ces données peuvent être en particulier les niveaux d’eau ou des laisses de crue pendant ou à la suite d’une inondation, ainsi que la délimitation d’emprises inondées. Sont considérées comme des inondations dans ce cadre les débordements de cours d’eau, y compris torrentiels, les submersions marines, les phénomènes de ruissellement et les remontées de nappe.

Voir l’état des barrages et des digues en cas de crue

Il peut aussi s’agir de la position du trait de côte et des mouvements hydro-sédimentaires entraînant l’érosion du littoral. Il peut s’agir enfin des crues ou des submersions marines pouvant avoir une incidence sur les ouvrages hydrauliques relevant des rubriques 3.2.5.0 (barrages de retenue et ouvrages assimilés autorisés) et 3.2.6.0 (ouvrages construits ou aménagés en vue de prévenir les inondations et les submersions) de la nomenclature des Iota, ou sur les ouvrages hydrauliques autorisés ou concédés en application du code de l’énergie.

Les informations et données à caractère personnel qui peuvent être enregistrées dans ces traitements sont les images et données physiques telles que les distances, aires, volumes mesurés ou calculés, températures des milieux ou des surfaces d’installations, captées par les caméras et capteurs installés sur des aéronefs, les données géographiques et temporelles, et les cordonnées des agents responsables du drone lors de la captation des données. Il est interdit d’analyser ces images au moyen de dispositifs automatisés de reconnaissance faciale et de procéder à des interconnexions et à des rapprochements des données à caractère personnel issues de ces traitements avec d’autres traitements de données à caractère personnel.

Accès réservé à l’État et aux collectivités locales

Ces données et informations sont accessibles, à raison de leurs attributions et dans la limite du besoin d’en connaître, au chef du service de l’État, de la collectivité territoriale ou de l’établissement public qui opère le drone et aux agents que ce chef de service désigne individuellement et habilite spécialement. Le chef de service veille à ce que l’habilitation ne puisse être délivrée qu’à des agents ayant suivi une formation portant sur le survol d’espaces publics et privés, sur la gestion des données et sur la conservation des enregistrements. Il peut procéder au retrait de l’habilitation s’il constate que les conditions ne sont plus réunies.

Un arrêté du ministre chargé de l’environnement désigne les services de l’État et définit les collectivités territoriales et établissements publics dont les agents peuvent être destinataires des données provenant des caméras et capteurs installés sur des drones, à raison de leurs attributions, de leur capacité d’expertise ou des nécessités de leur formation pour la prévention des risques naturels et dans la limite du besoin d’en connaître. Ces destinataires reçoivent une formation préalable sur la protection des données personnelles.

Les opérations de collecte, de modification, de consultation, de communication et d’effacement des données à caractère personnel font l’objet d’un enregistrement comprenant l’identifiant de l’auteur, la date, l’heure et le motif de l’opération. Une information préalable au survol par le drone est publiée sur le site des services de l’État dans le département, au moins quarante-huit heures avant le début des opérations de survol. Lorsque l’urgence de la situation tenant à la nature des risques ne permet pas de respecter cette obligation préalable, cette information est réalisée et publiée sur le site dans les meilleurs délais. Les droits d’accès et de rectification et le droit à la limitation des données s’exercent auprès du responsable de chacun des traitements. Le droit d’opposition ne s’applique pas.

La doctrine d’usage, prévue au troisième alinéa de l’article L. 125-2-2, précise, en tant que de besoin, les modalités d’application de ces articles. Elle est publiée au Bulletin officiel du ministère chargé de l’environnement.

Pour l’application de l’article L. 171-5-2, le présent texte ajoute au code de l’environnement des articles R. 172-10 à R. 172-16. Les chefs de service et les agents des services de l’État chargés du contrôle des ICPE et des enquêtes sur les mêmes ouvrages hydrauliques que ci-dessus peuvent utiliser, en tout lieu relevant de leurs pouvoirs de contrôles ou d’enquête, les traitements des données provenant des caméras et capteurs installés sur des aéronefs circulant sans personne à bord et opérés par un télépilote.

Vérifier la conformité et l’état des barrages

Ces traitements ont pour finalité l’exercice des missions de police administrative dont ils ont la charge, notamment la vérification du respect des dispositions législatives ou réglementaires applicables à ces installations et ouvrages et, le cas échéant, la constatation des non-conformités passibles des sanctions administratives correspondantes. Ils servent aussi à vérifier l’état des ouvrages hydrauliques.

Les informations et données qui peuvent être enregistrées dans les traitements sont les mêmes que ci-dessus, de même que les modalités d’accès. Toutefois, seuls les chefs de service et agents de l’État peuvent y accéder, et non ceux des collectivités locales.

Les règles de traçabilité des opérations et d’information du public sont identiques, de même que les droits d’accès et de rectification et le droit à la limitation des données. Le droit d’opposition ne s’applique pas davantage. Comme plus haut, une doctrine d’usage précisera les modalités d’application de ces articles ; elle sera publiée au Bulletin officiel du ministère chargé de l’environnement.

Ce texte a fait l’objet d’un avis assez tiède de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil), parce que ces drones pourront filmer des logements, par exemple en cas d’inondation, et que l’émission ou le téléchargement des images ne lui semblent pas assez sécurisés. Le ministère de la transition écologique a modifié le projet de décret sur plusieurs points pour répondre à certaines de ces critiques, tout en promettant que d’autres seraient prises en compte dans la doctrine d’usage et que les agents qui réaliseront les survols ou consulteront les images recueillies seraient formés et habilités.

Que pourront savoir les fabricants des drones ?

Les critiques les plus vives ont porté sur les mesures de sécurité. D’une part, puisque le ministère prévoit de s’équiper de drones ordinaires, leurs fabricants pourront avoir accès à des données comme la durée et la géolocalisation de chaque vol. Or il s’agira là d’une transmission de données, au sens du règlement général sur la protection des données (RGPD), voire d’un transfert si cette transmission intervient en dehors de l’Union européenne, ce qui nécessite un encadrement adapté.

« Il conviendrait ainsi de vérifier et de formaliser ces points auprès de chaque industriel choisi, voire d’inciter les futurs utilisateurs à opérer des produits limitant fortement ce risque, notamment en passant par le biais d’un marché dédié », conseille fermement la Cnil.

Mais le principal problème de sécurité est que, dans un drone commercial, les images et les autres données captées sont stockées en clair sur l’appareil, sans aucune mesure de chiffrement. Si le drone tombe ou si on peut y accéder, toute personne tierce sera en mesure de prendre connaissance de ces données. Et si l’engin transmet des images en direct par ondes hertziennes, toute personne assez proche peut les capter et accéder ainsi aux images, si elles ne sont pas chiffrées.

La Cnil invite donc le ministère à envisager le chiffrage des données transmises et stockées et, pour éviter la perte d’un drone en cas de chute, à l’équiper d’un traceur GPS externe et autonome. Il faudrait imposer un contrôle pour l’extraction des données enregistrées, et il serait fortement souhaitable que cette opération ne soit possible que sur un dock dédié et reconnu.

Décret no 2022-1638 du 22 décembre 2022 portant sur l’encadrement de l’utilisation de caméras et capteurs sur des aéronefs circulant sans personne à bord pour la connaissance des phénomènes naturels et la police administrative des risques technologiques

Commission nationale de l’informatique et des libertés : délibération n2022-076 du 12 juillet 2022 portant avis sur un projet de décret portant sur l’encadrement de l’utilisation de caméras et capteurs sur des aéronefs circulant sans personne à bord pour la connaissance des phénomènes naturels et la police administrative des risques technologiques (demande d’avis n21022221) (JO 24 déc. 2022, textes nos 94 et 289).

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