Éditorial : Actualité chargée

Une bonne nouvelle d’abord : pour ses vingt-cinq ans, le Carrefour des gestions locales de l’eau a battu son record, mercredi et jeudi derniers au parc des expositions de Rennes. Avec 15 000 participants et 550 exposants annoncés, il devient le lieu de réunion le plus important de France pour les acteurs de l’eau. C’est une bonne nouvelle pour son organisateur IdealCO et pour les participants qui exultaient ; mais ce l’est surtout pour le monde de l’eau en général, car c’est le signe d’un redémarrage de cette politique, après quatre ans à subir puis à cuver la pandémie de Covid-19. Le plan Eau annoncé l’an dernier par le Président de la République contribue sans doute à cette embellie, mais il ne fera sentir pleinement ses effets que l’an prochain. Ce sont donc bien les acteurs de l’eau eux-mêmes qui sont à l’origine de cette reprise du marché.

Un minuscule scandale ensuite, révélé par Les Échos lundi dernier, puis creusé par d’autres médias. Nestlé Waters a reconnu du bout des lèvres avoir désinfecté pendant des années ses eaux minérales des marques Perrier, Vittel, Hépar et Contrex, avec une filtration sur charbon actif suivie d’une exposition aux rayons ultraviolets. D’autres minéraliers auraient fait de même. Or le paragraphe 3 de l’article 4 de la directive 2009/54/CE du 18 juin 2009 est formel : « Tout traitement de désinfection par quelque moyen que ce soit et […] l’adjonction d’éléments bactériostatiques ou tout autre traitement de nature à modifier le microbisme de l’eau minérale naturelle sont interdits. » Évidemment, il est plus facile et plus rentable de désinfecter l’eau, plutôt que d’en limiter le pompage et d’instaurer un périmètre de protection du captage assez grand et assez contraignant. Mais cette histoire sera vite oubliée, car on ne pourra jamais faire comprendre au grand public pourquoi il faut désinfecter l’eau du robinet et pas l’eau minérale naturelle.

Un vrai scandale enfin, étalé sur toute la semaine dernière, avec la reculade de l’État face au monde agricole en matière d’eau et d’environnement. Déjà en décembre dernier, le précédent gouvernement avait renoncé à augmenter la contribution des agriculteurs aux recettes des agences de l’eau. À présent, c’est le plan Écophyto qui passe à l’as. Certes, on nous promet qu’il sera réactivé après le salon de l’agriculture ; mais combien de temps après, et sur quelles bases ?  Le Premier ministre a aussi annoncé une pause sur la protection des zones humides, et le principal syndicat agricole fait encore pression pour obtenir la suspension des études sur l’hydrologie, les milieux, les usages et le climat (HMUC) qui concernent les agriculteurs

Pourquoi est-ce un scandale ? Parce que la majorité des agriculteurs sont prêts à s’intégrer dans une logique de partage concerté de la gestion de l’eau, mais ils sont manipulés dans ce domaine par ceux qui veulent accaparer l’eau sans contrepartie. Or suspendre le plan Écophyto, c’est continuer à contaminer ceux qui sont les premières victimes des pesticides, à savoir les agriculteurs de terrain. Et continuer à assécher des zones humides, c’est aggraver les effets du changement climatique dans les territoires concernés. Certes, la situation actuelle de l’agriculture française nécessite des mesures de soutien importantes, et elles ont été annoncées la semaine dernière. Mais ce n’est pas en reculant sur la préservation des milieux aquatiques et de la ressource en eau qu’on l’aidera à s’adapter au changement climatique.

Et quand des agités sont venus saccager la délégation Allier-Loire amont de l’agence de l’eau Loire-Bretagne, mercredi dernier à Clermont-Ferrand, on aurait pu s’attendre à une réaction énergique des pouvoirs publics. Mais pour l’instant, les agents menacés ce jour-là n’ont obtenu qu’une banale phrase de soutien au détour d’un discours du ministre de la transition écologique, très en retrait par rapport à la protestation vigoureuse du président du comité de bassin Loire-Bretagne, Thierry Burlot. Je doute fort que l’État aille plus loin dans l’immédiat : il a besoin d’un salon de l’agriculture apaisé et d’un monde rural tranquille d’ici aux élections européennes et aux Jeux olympiques. Ensuite, on verra. Ou pas.

René-Martin Simonnet

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