Éditorial : Incompréhensible

Plus fort que Cadet Roussel et ses trois maisons, j’ai actuellement la charge de gérer quatre logements situés dans autant de régions. Rassurez-vous, il ne leur manque ni poutres ni chevrons, même si j’attends le couvreur pour quelques tuiles tombées. Mais nous ne sommes pas ici pour parler de toits. Ce qui m’a frappé, c’est que les factures d’eau de ces quatre logements portent le logo du même délégataire et que je peux ainsi les comparer. Un exercice très intéressant pour un habitué comme moi ; mais si j’étais un Français ordinaire, je n’y comprendrais rien.

Pourquoi le prix au mètre cube est-il différent d’une facture à l’autre, alors qu’elles portent toutes le même logo ? Pourquoi les redevances destinées aux groupements de communes ne sont-elles pas identiques ? Pourquoi y a-t-il dans certains cas des redevances supplémentaires à destination du groupement de communes et, sur deux factures seulement, au profit de Voies navigables de France ? Pourquoi des redevances d’assainissement sont-elles destinées dans un cas au délégataire qui a établi la facture, dans un autre cas à l’un de ses concurrents, et dans les deux derniers cas à un groupement de communes ? Pourquoi les taux des redevances destinées à l’agence de l’eau ne sont-ils pas tous identiques ? Pourquoi, pourquoi, pourquoi ?

Bien entendu, vous êtes capables de répondre à toutes ces questions : chaque service est géré par un groupement de communes différent parce que ces logements ne sont pas situés dans un même territoire. Il arrive que l’eau potable et l’assainissement relèvent de deux groupements différents pour une même commune, voire de deux délégataires concurrents. Ces groupements peuvent percevoir certaines redevances pour couvrir les dépenses qui ne relèvent pas du contrat de concession. La taxe VNF n’est due que dans les territoires traversés par une voie navigable. Et il y a six agences de l’eau en France.

Toutes ces explications sont exactes, mais vous admettrez qu’elles ne tombent pas sous le sens pour un abonné ordinaire. S’il a l’occasion de comparer deux factures d’eau, par exemple celle de son domicile et celle de sa résidence secondaire, les différences entre elles lui paraîtront sans doute incompréhensibles. Or une facture qu’on ne comprend pas est une facture qu’on rechigne à payer. Vous me direz peut-être que la plupart des gens ne la lisent pas, à part le total à régler et parfois leur consommation ; mais est-il sain et acceptable de parier sur l’inertie des consommateurs ? Il vaudrait mieux faire un grand effort de pédagogie et mettre à la portée de chacun les différents termes de la facture. C’est une obligation morale pour un service public.

René-Martin Simonnet

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