o Éditorial : JO 2024

En temps normal, quand un pays et une ville ont obtenu d’accueillir les Jeux olympiques, ils sont censés respecter le dossier de candidature qu’ils ont soumis au Comité international olympique, puisque c’est sur la base de ce dossier qu’ils ont été choisis. Toutefois, cette obligation est de plus en plus théorique. D’abord, nous ne sommes pas en temps normal : on ne sait toujours pas si les jeux de Tokyo, déjà reportés d’un an, pourront se tenir le mois prochain, ni dans quelles conditions. Et surtout, le coût des JO est devenu tel qu’il y a de moins en moins de villes candidates. Les instances olympiques sont donc obligées de faire preuve de souplesse et de compréhension, en acceptant des révisions parfois importantes des conditions d’accueil des sportifs et du public.

Ce sera le cas pour les jeux d’été de 2024, attribués à Paris. Au fil des mois et des révisions budgétaires, on a appris ainsi que tel équipement ne serait pas réalisé, que tel autre serait moins ambitieux que prévu, que le village des médias pourrait être construit dans un autre site ou même aménagé dans des locaux existants, et enfin que les cérémonies d’ouverture et de clôture pourraient se dérouler, non pas dans le Stade de France, mais sur la Seine ou sur ses berges, selon une formule qui resterait entièrement à inventer.

La Seine doit aussi accueillir deux épreuves : le triathlon et la nage en eau libre. Le dossier de candidature liait ces épreuves à une amélioration sensible de la qualité de l’eau du fleuve, qui devra permettre à terme la réouverture de baignades fluviales à Paris et en banlieue. En réalité, cet objectif qualitatif ne concerne pas les JO eux-mêmes, même si Paris a la ferme intention de le respecter à cette occasion : aucune règle n’impose d’organiser des épreuves sportives en eau libre dans une eau propre, ni dans le règlement olympique ni dans le droit français. En revanche, si l’on veut par la suite permettre au public de nager dans l’eau de la Seine, les sites aménagés pour cela devront respecter la directive eau de baignade. Et ce n’est pas gagné, du moins à Paris même.

D’abord, il n’est pas question de laisser qui que ce soit barboter librement dans le fleuve : la Seine à Paris est une véritable autoroute fluviale, empruntée par des centaines de bateaux chaque jour, y compris le dimanche. On a donc prévu d’amarrer des bassins flottants alimentés en eau de la Seine, comme l’était à ses débuts la défunte piscine Deligny. Mais on a découvert que ces équipements en plein air ne serviraient au mieux que quatre mois par an, alors que la capitale a surtout besoin de piscines pendant l’année scolaire. Comment rentabiliser ces investissements le reste du temps ? La question reste posée.

Une autre difficulté à résoudre est la qualité de l’eau, d’abord pendant les JO, ensuite pour l’approvisionnement de ces baignades artificielles. Un premier essai, dans le bassin de la Villette, est loin d’être concluant : il a déjà fallu plusieurs fois y interdire la baignade en raison de dépassements des valeurs limites dus à la chaleur ou au nombre de baigneurs. L’eau de la Seine à Paris est en général d’assez bonne qualité, mais elle est dégradée par les rejets d’eaux usées. Cette qualité peut être améliorée par une désinfection poussée des rejets des stations d’épuration de la banlieue est, et par un raccordement à l’égout des bateaux amarrés en permanence et transformés en logements. Ces deux chantiers sont en bonne voie et devraient être achevés d’ici à 2024.

Il restera la question des rejets urbains par temps de pluie. L’assainissement de Paris et de sa banlieue est en grande partie unitaire, avec des déversoirs d’orage qui rejettent le trop-plein dans le fleuve ou dans ses affluents. Et dans les secteurs en séparatif, les mauvais branchements sont courants. En cas de grosse pluie estivale, les valeurs limites sont dépassées dans le fleuve durant les jours qui suivent. On s’est aperçu assez vite que cela ne pourrait pas être corrigé d’ici à 2024, même avec la réalisation d’un gigantesque réservoir enterré, au pont d’Austerlitz, qui accueillera le premier flot en cas d’orage pendant les JO. Une solution a néanmoins été trouvée : les dates des deux épreuves dans la Seine pourront être décalées en fonction de la météo.

Et enfin, que faire en cas de crue ou de pollution grave en juillet 2024, juste avant les épreuves de natation ? La sagesse commanderait de prévoir un plan d’eau de secours dans un autre site. Mais malgré la crue de juin 2016 et l’incendie de la cathédrale Notre-Dame en 2019, les organisateurs des JO de Paris se contentent de répondre que ces craintes sont infondées.

René-Martin Simonnet

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