o Interdiction des bouteilles en plastique et redevance sur la pollution de l’eau par les plastiques

L’idée de créer une redevance pour pollutions diffuses sur les plastiques toxiques a été repoussée, mais pas enterrée. On en reparlera sans doute.

Voici un sujet qui semble bien éloigné du domaine de l’eau, puisque cette proposition de loi porte sur la limitation des emballages en plastique. Mais il ne faut pas sous-estimer l’imagination des députés, qui se manifeste aussi par des amendements plus ou moins pertinents. On a donc aussi parlé d’eau lors de cette première niche parlementaire de la législature.

La proposition de loi « visant à lutter contre les plastiques dangereux pour l’environnement et la santé » a été présentée par Jimmy Pahun (Morbihan, Dem) et par les députés de son groupe. Le groupe Modem et Indépendants est classé parmi les groupes minoritaires, comme le groupe Horizons. Cela signifie qu’il fait partie de la majorité sans en être le groupe le plus nombreux, et qu’il est donc bien placé pour faire accepter ses textes et amendements. Et de fait, cette proposition de loi a reçu le meilleur accueil de Bérangère Couillard, secrétaire d’État chargée de l’écologie.

Elle a d’ailleurs été soutenue par la quasi-totalité des dix groupes actuels de l’Assemblée nationale, sauf les députés LFI et LR, et même par le non-inscrit Nicolas Dupont-Aignan (Essonne), pourtant très proche du groupe RN qui était plutôt tiède. Mais le député de l’Essonne lutte depuis longtemps pour réduire les rejets de microplastiques dans la Méditerranée, d’où son soutien inattendu à ce texte centriste.

Interdire la publicité pour les bouteilles jetables ?

Après l’adoption des cinq articles du texte, Anne Stambach-Terrenoir (Haute-Garonne, LFI) a défendu un amendement n31 visant à interdire la publicité en faveur des bouteilles en plastique jetables, avec cet argument : « Seules 49 % des 25 millions de bouteilles jetées quotidiennement sont recyclées et les bouteilles en plastique et leurs bouchons font partie des dix déchets les plus fréquemment trouvés sur les plages. »

L’auteur du texte, qui en était aussi le rapporteur au nom de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, s’est montré défavorable, de même que la secrétaire d’État, en estimant que la législation en vigueur suffirait à réduire progressivement la vente de ces bouteilles. « Interdire totalement la publicité pour les bouteilles d’eau est complètement disproportionné et juridiquement incertain », ajouta Bérangère Couillard. Malgré le soutien des groupes LFI, Écolo, LR et RN, le n31 fut repoussé.

Interdire la vente des bouteilles en plastique ?

Dans le même esprit, le n30, défendu par Gabriel Amard (Rhône, LFI), proposait d’interdire la mise sur le marché des bouteilles en plastique à compter du 1er janvier 2024, et le n22, défendu par Benjamin Saint-Huile (Nord, Liot), à compter de 2035.

Le rapporteur réitéra son avis défavorable, tandis que la secrétaire d’État jugea le n30 irréaliste et s’intéressa seulement au n22 : « Vous dites que vous vous inscrivez dans la trajectoire fixée. Mais celle-ci vise à réduire de moitié le nombre de bouteilles en plastique à usage unique en 2030, puis à supprimer les plastiques à usage unique en 2040. Vous ne suivez donc pas la trajectoire : vous la contredisez en fixant une nouvelle date. Les échéances sont bien les suivantes : en 2030, 50 % de bouteilles en plastique à usage unique en moins ; et en 2040, suppression totale des plastiques à usage unique. Avis défavorable. »

Malgré une intervention de Caroline Fiat (Meurthe-et-Moselle, LFI) en faveur des canalisations de Saint-Gobain Pont-à-Mousson, dont on ne voit guère le rapport avec le sujet en discussion, les nos 30 et 22 furent repoussés.

Le dernier amendement, le n60 défendu par Hubert Wulfranc (Seine-Maritime, GDR), était sans doute l’un des plus intéressants de ce débat, même s’il était plutôt en décalage par rapport à l’objet du texte. Il visait à demander un rapport sur les modalités de financement par les agences de l’eau de la lutte contre les pollutions liées aux plastiques, notamment aux microplastiques.

Créer une autre redevance pour pollutions diffuses ?

L’idée sous-jacente était de créer une redevance pour pollutions diffuses acquittée par les personnes qui mettent sur le marché français des produits contenant des matières plastiques toxiques, sur le modèle des redevances existantes sur les produits phytosanitaires. Elle serait affectée aux agences de l’eau, pour leur permettre de financer la lutte contre la pollution de l’eau par les plastiques.

Cet amendement fut reçu avec la plus grande prudence par le rapporteur : « Je comprends très bien votre préoccupation, mais vous soulevez un point important qui mérite à lui seul une grande réflexion, voire un projet de loi. […] Je crois que vous êtes trop ambitieux pour ma proposition de loi. » Son avis fut donc défavorable, mais plutôt pour des raisons formelles, sans se prononcer sur le fond de la proposition.

La secrétaire d’État en profita pour faire un point sur les perspectives de son gouvernement en matière de politique de l’eau : « À ce stade, il n’est pas utile de concentrer nos efforts sur la rédaction d’un nouveau rapport. Je préfère que nous concentrions notre énergie sur l’action, notamment sur la mise en œuvre du plan national sur les micropolluants, qui vise à préserver la qualité des eaux et de la biodiversité. Pour rappel, ce plan comporte trois objectifs principaux : le premier est de réduire dès maintenant les émissions de micropolluants présents dans les eaux et les milieux aquatiques ; le deuxième est de consolider les connaissances pour adapter la lutte contre la pollution des eaux et préserver la biodiversité ; le troisième est d’établir des listes de polluants sur lesquels agir.

« Nous avons également lancé la semaine dernière, à Marseille, […] un important travail sur l’eau à la suite des difficultés que nous avons connues cet été. Nous souhaitons trouver des solutions concrètes avec les acteurs de l’eau, notamment les [comités de bassin] et les agences de l’eau, pour faire en sorte que cet épisode ne se reproduise plus.

« Dans un second temps, qui vient de s’ouvrir, nous consacrerons également une part importante des travaux conduits dans le cadre du Conseil national de la refondation (CNR), lancé par le Président de la République, au sujet de l’eau. Vous le voyez, l’eau et sa qualité constituent bien une préoccupation du Gouvernement. Avis défavorable sur cette demande de rapport. »

Le n60 fut donc repoussé. Mais puisque le ministère de la transition écologique réfléchit toujours à une réforme des redevances des agences de l’eau, on devrait le retrouver dans un texte ultérieur.

AN, 6 oct. 2022, 1re séance.

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