La loi d’orientation agricole pourra alléger les contentieux sur les projets d’irrigation

Plus précisément : le Parlement va pouvoir débattre d’un allègement éventuel des règles contentieuses relatives aux projets d’ouvrage hydraulique agricole. En ce qui concerne son adoption, ce sera sans doute plus compliqué, puisque ce projet de loi a déjà été rejeté à l’Assemblée nationale avant même d’être débattu.

Dans l’immense jurisprudence du Conseil constitutionnel, il y a un parent pauvre : les procédures portant sur une fin de non-recevoir, signalées par les lettres FNR dans la numérotation des décisions. On n’en recense qu’une poignée.

Ces procédures sont prévues par l’alinéa 4 de l’article 39 de la Constitution : « Les projets de loi ne peuvent être inscrits à l’ordre du jour si la Conférence des présidents de la première assemblée saisie constate que les règles fixées par la loi organique sont méconnues. En cas de désaccord entre la Conférence des présidents et le Gouvernement, le président de l’assemblée intéressée ou le Premier ministre [peuvent] saisir le Conseil constitutionnel qui statue dans un délai de huit jours. »

Les règles applicables à cette procédure ont été précisées par la décision n2014-12 FNR du 1er juillet 2014. En particulier, dans un tel cas, « le Conseil constitutionnel ne peut statuer que sur la seule question de savoir si ladite présentation du projet de loi a respecté les conditions fixées par la loi organique du 15 avril 2009 ; […] il ne saurait donc se prononcer sur la conformité des dispositions contenues dans ce projet à d’autres règles constitutionnelles, conformité qui ne pourrait faire l’objet de son appréciation que s’il en était saisi dans les conditions prévues aux articles 61 et 61-1 de la Constitution ».

Une décision FNR ne peut porter que sur la fin de non-recevoir

Dans la présente décision, le considérant 3 de la décision n2014-12 FNR est reproduit texto, et il a été appliqué très précisément. Il s’agit là d’un nouvel épisode de la guérilla parlementaire qui se livre à l’Assemblée nationale depuis son dernier renouvellement. Le texte qui en a fait les frais est le projet de loi d’orientation pour la souveraineté en matière agricole et le renouvellement des générations en agriculture.

Il a été déposé le 3 avril sur le bureau de l’Assemblée nationale, mais sa Conférence des présidents a décidé à la majorité, le 9 avril, que le texte ne respectait pas les règles fixées par la loi organique n2009-403 du 15 avril 2009 relative à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution. En désaccord avec ce constat, le Premier ministre a saisi le Conseil constitutionnel afin qu’il se prononce sur le respect de ces règles.

Conformité formelle de l’étude d’impact

D’où la présente décision, qui revêt un caractère assez formel : les Sages vérifient surtout que les obligations prévues par cette loi organique ont bien été respectées. Or le projet de loi est bien précédé d’un exposé des motifs et accompagné d’une étude d’impact. Et cette étude d’impact définit les objectifs poursuivis par le projet de loi, recense les options possibles en dehors de l’intervention de règles de droit nouvelles et expose les raisons des choix opérés par le Gouvernement.

Elle répond aussi aux autres prescriptions applicables de la loi organique du 15 avril 2009. Le Conseil constitutionnel limite toutefois la portée d’une disposition de cette loi organique : le recensement des options possibles en dehors de l’intervention de règles de droit nouvelles. Il n’exige pas que l’étude d’impact propose des alternatives pour toutes les dispositions du projet de loi en cause, dès lors que ces alternatives ne seraient pas pertinentes : « Il ne saurait lui être fait grief, au regard de l’objet des dispositions […] visant à réformer les règles contentieuses relatives aux projets d’ouvrage hydraulique agricole et aux installations d’élevage afin de sécuriser ces projets et installations, de ne pas présenter d’autres options que celles retenues par le Gouvernement ».

Réforme du contentieux administratif sur les retenues d’irrigation

De même, l’étude d’impact répond aux exigences de la loi organique lorsqu’elle traite « de l’évaluation des conséquences environnementales des dispositions habilitant le Gouvernement à adopter par ordonnance des mesures pour adapter le régime de répression de certaines atteintes à l’environnement, de l’analyse des difficultés particulières pour la réalisation de projets d’ouvrage hydraulique agricole et d’installations d’élevage auxquelles le Gouvernement entend répondre, ainsi que de l’évaluation des conséquences environnementales de la réforme du contentieux administratif relatif à ces projets et installations.

« Sans préjuger de la conformité à la Constitution du contenu des dispositions de ce projet de loi, il résulte de ce qui précède que les règles fixées par la loi organique du 15 avril 2009 pour la présentation des projets de loi en application du troisième alinéa de l’article 39 de la Constitution n’ont pas été méconnues. »

Cette décision apporte ainsi quelques précisions sur ce que doit contenir une étude d’impact, mais elle laisse une très grande liberté au Gouvernement pour la rédaction d’une telle étude. Une nouvelle fois, le Conseil constitutionnel ne se reconnaît pas le pouvoir de tenir la plume du législateur. Quant au projet de loi, il pourra toujours être soumis au contrôle de constitutionnalité après son adoption, sauf sur le point mineur qui est tranché ici.

Décision no 2024-14 FNR du 22 avril 2024 (JO 23 avr. 2024, texte n63).

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