o L’assainissement non collectif fait une petite apparition au Sénat

Le sujet n’a été qu’effleuré, mais c’est tout de même la première fois depuis des années que le législateur discute du financement de l’ANC lors d'un débat budgétaire.

Même quand on siège au palais du Luxembourg, sous les ors et dans le velours rouge, on peut s’intéresser aux réalités les plus triviales, y compris lorsqu’on débat d’un sujet aussi essentiel que le projet de loi de finances pour 2023. Le Sénat s’est ainsi penché brièvement sur le devenir de l’assainissement non collectif (ANC) en France, durant sa séance du 18 novembre, grâce à deux amendements discutés conjointement.

Un crédit d’impôt de 50 % pour la mise aux normes des ANC ?

Le premier, le nI-1626 rectifié bis, était défendu par Antoine Lefèvre (Aisne, LR) ; le second, le nI-16 rectifié bis, par Nathalie Goulet (Orne, UC), parlant au nom de Pierre-Antoine Levi (Tarn-et-Garonne, UC). Tous deux proposaient d’instaurer un crédit d’impôt sur le revenu au profit des propriétaires qui font réhabiliter leur installation d’ANC, le premier y ajoutant ceux qui en installent une neuve. Ce crédit d’impôt aurait été égal à 50 % du montant des dépenses engagées, sans plafond dans le premier cas, et avec un plafond de 5 000  dans le second.

En l’absence de Pierre-Antoine Levi, seul Antoine Lefèvre a apporté des arguments dans sa présentation : « Le coût de la mise en conformité ou de la création d’un tel équipement s’élève souvent à plusieurs milliers d’euros et de nombreux foyers modestes, notamment dans les zones rurales, ne peuvent débourser de telles sommes. Les conditions d’éligibilité des travaux à des financements auprès d’organismes tels que la Caisse d’allocations familiales (CAF), l’Agence nationale de l’habitat (Anah), les agences de l’eau, etc., sont malheureusement trop restrictives. Il convient donc d’instaurer un dispositif fiscal plus incitatif pour encourager la réalisation de ces travaux. »

Ces propositions présentaient un défaut, rédhibitoire aux yeux du rapporteur général de la commission des finances, Jean-François Husson (Meurthe-et-Moselle, LR) : « Nous ne disposons malheureusement pas du coût de cette mesure. »

Sans évaluation du coût, pas d’avis favorable du rapporteur général

Et ce n’était pas le seul motif de son avis défavorable : « En outre, plusieurs dispositifs s’appliquent déjà aux travaux de réhabilitation des réseaux (sic) d’assainissement non collectif. Il existe un taux réduit de TVA à 10 % ; certaines caisses de retraite ou CAF proposent des fonds ; les agences de l’eau ainsi que certains conseils départementaux offrent des subventions ; enfin, l’Anah dispense également des aides. La réhabilitation de ces systèmes d’assainissement individuel constitue une vraie préoccupation, mais la solution ne doit pas passer par un crédit d’impôt. » L’avis du ministre délégué chargé des comptes publics, Gabriel Attal, était le même, et les deux amendements furent repoussés.

Le sujet aurait sans doute mérité un débat plus approfondi, mais il est clair que les sénateurs présents n’y connaissaient pas grand-chose. À commencer par le rapporteur général qui a commis une erreur et une imprécision : l’ANC se caractérise précisément par l’absence de réseau, et les agences de l’eau ne subventionnent quasiment plus ces travaux. Et comme l’Anah a lié ses propres aides à celles des agences de l’eau, elle est également en train de les supprimer.

Subventionner des équipements qui resteront la propriété des usagers ?

À la différence d’une réduction d’impôt, le crédit d’impôt peut aider les ménages peu ou pas imposables, et il serait donc plus efficace pour accélérer la mise aux normes de ces installations. Toutefois, on ne voit pas pourquoi le budget de l’État les subventionnerait, surtout en finançant des équipements qui seront et resteront la propriété de leurs utilisateurs. Et le tout pour la politique de l’eau qui n’est guère prioritaire de nos jours.

Contrairement à ce que prétendait Jean-François Husson, on peut estimer à peu près le coût de cette mesure, du moins selon les modalités envisagées par l’amendement nI-16 rectifié bis : il y a environ 100 000 ANC réalisés ou réhabilités chaque année en France.

Soit au maximum 500 M par an si le crédit d’impôt était plafonné à 5 000  par installation, mais plus probablement de l’ordre de 200 à 300 M par an. Avec le nI-1626 rectifié bis, le calcul serait plus complexe, car le prix d’un ANC varie de 4 000  à 20 000 , selon le modèle, la capacité de traitement et les conditions d’installation ; on arriverait sans doute à un montant du même ordre de grandeur, mais sans doute plus proche de 600 M par an.

Et il est clair que l’État n’a pas un demi-milliard à dépenser par an pour l’ANC. C’est sans doute ce qui a fait reculer la secrétaire d’État chargée de l’écologie, Bérangère Couillard, qui avait un moment envisagé de soumettre un tel dispositif à l’arbitrage de Bercy.

Un rythme de réhabilitation de 2 % à 3 % par an avec la réglementation actuelle

Il n’en demeure pas moins qu’une proportion importante des Français ruraux n’ont pas les moyens de débourser 10 000  ou plus pour mettre aux normes leur installation. La réglementation actuelle privilégie la mise en conformité lors de la vente du logement desservi, mais cela signifie qu’il faudra au moins trente ou quarante ans pour moderniser les deux à trois millions d’installations vétustes.

Si demain l’ANC entre dans le champ d’application de la directive relative aux eaux urbaines résiduaires, comme l’envisagent ceux qui la réécrivent actuellement, la France devra trouver un moyen pour accélérer ces mises aux normes. Si elle traîne, la Commission européenne saura le lui faire payer, d’autant plus que notre pays détient à lui seul la moitié du parc européen d’ANC.

Toutefois, les défuntes aides des agences de l’eau avaient eu surtout pour effet d’inciter les installateurs de ces dispositifs à relever leurs devis, sans pousser massivement les usagers à se mettre aux normes. Il faudra trouver un autre système. On reparlera donc sans doute de ce sujet dans quelques années, au Sénat et ailleurs.

Sénat, 18 nov. 2022.

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