Le contrôle sanitaire des ARS va intégrer le chlorothalonil et ses métabolites

Ce fongicide interdit continue à se dégrader, et ses métabolites se retrouvent dans une grande partie des ressources en eau. Pour l’instant, aucun dépassement de la valeur limite n’a été constaté. Par mesure de prudence, il sera désormais recherché lors des analyses réglementaires.

Questions de Nicole Bonnefoy, sénatrice (SER) de la Charente, et de Daniel Laurent, sénateur (LR) de la Charente-Maritime :

Dans un rapport du 6 avril 2023, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a révélé une vaste contamination de l’eau par des résidus de pesticides ; le chlorothalonil-R471811 est notamment présent dans plus d’un prélèvement sur deux.

Ce métabolite est directement issu de la dégradation du chlorothalonil, un fongicide interdit en France depuis 2020 mais toujours présent dans les sols et dans l’eau. Au-dessus du seuil sanitaire de 3 µg/l défini par le Haut Conseil de la santé publique, l’eau ne peut plus être bue. Cette valeur fait référence jusqu’à ce que l’Anses ait terminé sa réévaluation de la pertinence de cette molécule et statué, si nécessaire, sur une valeur sanitaire maximale. Où en est-elle ?

Un métabolite classé cancérogène probable

En Charente, selon l’agence régionale de santé (ARS), ce métabolite a été détecté dans 49 captages sur les 56 qui ont été testés à ce jour. Il est classé cancérogène probable. Entendez-vous prendre des mesures d’urgence sanitaire, mais aussi soutenir les collectivités confrontées à la nécessaire dépollution de l’eau ? En effet, il y a un réel risque de fracture territoriale de la qualité de l’eau, les territoires se trouvant plus ou moins bien dotés pour faire face à ces pollutions. Comment comptez-vous répondre à cette potentielle crise de l’eau ?

Les traitements sont coûteux et ont un effet négatif sur l’environnement. Quant à l’obligation de demander une dérogation pour continuer à distribuer de l’eau lorsque les seuils de référence sont dépassés, elle ne résoudra rien sur le fond, car les ressources de substitution en eau sont souvent quasi inexistantes, tandis que les coûts des traitements sur certains forages sont prohibitifs.

Ainsi, l’État demande aux collectivités et aux sociétés délégataires productrices d’eau potable de trouver des solutions pour dépolluer, alors que pendant cinquante ans aucune recherche de toxicité n’a été entreprise. On sait par ailleurs qu’aucune mesure agronomique préventive ou d’amélioration des pratiques culturales ne permettra de remédier à la présence de la molécule. Qui supportera le coût de cette dépollution ? S’agira-t-il de l’État qui a autorisé les mises sur le marché, ou des groupes de l’agrochimie, ou bien de l’usager domestique et agricole ?

Réponse de la ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, au nom de la ministre du travail, de la santé et des solidarités :

En Charente, ce sont 89 captages qui ont été analysés. Aucun ne présente de trace de la molécule mère, le chlorothalonil, ni une concentration de ses métabolites supérieure à 3 µg/l, soit la valeur sanitaire qui nécessiterait une intervention urgente, en particulier une restriction de la consommation. J’insiste sur ce point : les évaluations sont claires, et aucune restriction n’apparaît nécessaire au vu des résultats.

La direction générale de la santé (DGS) a missionné les institutions d’expertise françaises pour disposer de connaissances sanitaires et scientifiques sur les pesticides et leurs métabolites. Elle a aussi établi et diffusé des consignes très claires pour définir la recherche qui doit être menée. Il s’agit de veiller à ce qu’il n’y ait pas de danger en matière de santé publique. Saisie par la DGS, l’Anses a publié récemment les principaux résultats de la dernière campagne de mesures relatives aux polluants émergents dans l’eau potable. Le but de ces mesures est de détecter la présence de composés chimiques qui ne sont pas ou peu recherchés lors des contrôles réguliers.

Ce rapport met en évidence une contamination importante, probablement généralisée, par différents métabolites des ressources en eau destinées à la consommation humaine en France métropolitaine, situation sur laquelle la DGS alerte depuis plusieurs années. Le programme de contrôle sanitaire des ARS intégrera progressivement le chlorothalonil et ses métabolites, parallèlement à la montée en compétences des laboratoires agréés pour le contrôle sanitaire.

Réplique de Daniel Laurent :

Ma question était précise, mais vous n’y avez pas répondu : qui va supporter le coût de cette opération et de ces travaux ? Faute de réponse, il est à craindre que ce ne soient les usagers et les consommateurs. J’espère que vous pourrez réfléchir à ce point et apporter une réponse aux professionnels.

Sénat, 6 févr. 2024.

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