Modification d’une dérogation dans le marais de Dol-de-Bretagne

La spécificité du sol de cette zone empêche le lessivage de l’azote en hiver. Depuis vingt ans, ses agriculteurs sont donc dispensés d’implanter des couverts végétaux. Cette dérogation sera renouvelée, mais selon des modalités plus strictes.

Question de Jean-Luc Bourgeaux, député (apparenté LR) d’Ille-et-Vilaine :

Le marais de Dol-de-Bretagne s’étend sur 12 000 hectares et est principalement constitué de tangue marine. Ses terres sont riches en argiles gonflantes, souvent au-delà de 37 %, et leur imperméabilité en rend bien souvent le labour impossible au printemps : la très forte humidité des sols empêche le passage d’un outil lourd, de sorte que seul un travail de surface permet l’obtention d’un lit de semence adapté aux cultures. J’ajoute que la couche de tourbe marine qui caractérise les sols profonds du marais peut se trouver saturée d’eau.

Dès la parution des premiers programmes d’actions départementaux déclinant la directive Nitrates, la chambre d’agriculture d’Ille-et-Vilaine, en collaboration avec l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement et avec l’association Agriculture et environnement : l’eau de la terre à la mer, a mené des expérimentations afin de mesurer d’éventuels risques de lessivage de l’azote.

Le sol supprime tout risque de lessivage de l’azote

Les études ainsi réalisées pendant plusieurs années ont conclu que le risque de pollution de l’eau était nul, du fait des caractéristiques pédologiques particulières du marais, qui diffèrent de celles des autres sols bretons. Pour cette raison, une dérogation à la culture de couverts végétaux dans le secteur du marais de Dol-de-Bretagne avait été acceptée et inscrite dans le troisième programme d’actions départemental, daté du 23 novembre 2005.

Cette dérogation a depuis été confirmée par les quatrième, cinquième et sixième programmes d’actions. Mais si le septième programme prévoit bien une exemption de la culture de couverts végétaux, celle-ci ne peut être accordée qu’à des exploitants qui en font la demande individuellement, et à l’échelle de chaque îlot cultural, et elle doit faire l’objet d’analyses annuelles des sols pour vérifier le taux d’argile et les reliquats d’azote.

Les intéressés ne comprennent pas la remise en cause d’une règle établie depuis près de vingt ans et dont l’application, preuves à l’appui, n’a jamais provoqué aucune hausse du taux de nitrate du marais. La confirmation d’une telle évolution réglementaire imposerait des frais exorbitants aux exploitants agricoles du secteur, qui devraient alors satisfaire à des exigences supplémentaires pour pouvoir continuer à bénéficier de cette dérogation. En prenant comme référence le tarif demandé par un laboratoire en 2023, l’analyse des sols coûterait 8 500  dans une exploitation comptant cinquante îlots culturaux. Je compte donc sur vous pour obtenir le maintien des conditions de dérogation et de la cartographie associée, restée inchangée depuis le troisième programme.

Réponse du ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire :

Votre question porte en fait sur la fertilisation et la couverture hivernale dans le marais de Dol-de-Bretagne, mais également sur l’évolution de la réglementation. Comme vous l’avez rappelé, les parcelles de ce marais ne sont plus, depuis vingt ans maintenant, soumises à l’obligation de couverture hivernale des sols, du fait de la nature particulière de ceux-ci. Ainsi, malgré l’intérêt de ces couverts, qui limitent les fuites d’azote par lessivage, les programmes d’actions nationaux nitrates (PAN) successifs ont reconnu les caractéristiques pédologiques des marais de Dol-de-Bretagne : le risque d’inondation fréquente d’une partie des sols y annule l’effet du couvert hivernal, notamment dans des parcelles très argileuses.

Nouvelles obligations : une analyse des sols et un bilan azoté

Le septième PAN maintiendra la possibilité d’une dérogation à l’implantation d’un couvert végétal. Toutefois, il introduira le respect d’une exigence dans les îlots culturaux bénéficiaires de l’exemption : la réalisation d’une analyse de sol et d’un bilan azoté. Conformément au cadrage national, le plan breton a été mis à la consultation du public jusqu’au 10 mars. Il maintient bien la possibilité de dérogations dans le secteur du marais de Dol-de-Bretagne.

Des discussions sont encore en cours au niveau local, afin que les dérogations restent accessibles financièrement et que les démarches associées répondent à l’exigence de simplification annoncée au bénéfice des agriculteurs. En d’autres termes, ce travail local doit permettre le maintien de la dérogation et éviter que son accès n’impose une charge financière ou administrative trop importante aux exploitants. Nous pourrons préciser notre réponse dans les semaines qui viennent.

Réplique de Jean-Luc Bourgeaux :

Pour participer à ces travaux, je sais qu’ils s’orientent vers la levée de l’obligation d’analyse des sols. Ma réflexion est la suivante : alors que les agriculteurs réclament plus de simplification, la réalisation d’un dossier annuel supplémentaire pourrait leur être imposée, même si les analyses des sols perdaient leur caractère obligatoire. Cette situation serait aberrante, et je plaide d’autant plus pour le maintien de l’organisation actuelle que la dérogation qu’elle prévoit n’a eu aucune conséquence négative en vingt ans d’application. Je réitère donc ma demande.

AN, 12 mars 2024, 1re séance.

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