Modulation des rejets d’eau douce dans l’étang de Berre

Pour augmenter la production d’électricité tout en continuant à réduire les effets néfastes des rejets, cette expérimentation impose d’augmenter la salinité de la lagune en été.

Au temps où nos ancêtres décoraient la grotte Cosquer, il y a environ 20 000 ans, la Durance se jetait directement dans la Méditerranée, par un delta dont il subsiste la Crau et l’étang de Berre ; ce dernier était donc une lagune d’eau douce, comme dans la Camargue actuelle. Puis durant la glaciation de Würm, voici 18 000 ans, la Durance a abandonné ce lit pour se jeter dans le Rhône, et l’eau de l’étang de Berre est devenue saumâtre.

Mais en 1966, Électricité de France a creusé un canal qui suit à peu près l’ancien cours de la Durance pour alimenter la centrale hydroélectrique de Saint-Chamas, ce qui a entraîné un retour brutal de l’eau douce dans l’étang de Berre. La salinité est tombée de 32 g/l à 2 g/l dans les pires années, au grand dam de la faune et de la flore initiales. Il faut y ajouter les rejets polluants des nombreuses usines et des agglomérations installées au bord de l’étang ou dans son bassin versant.

Des mesures pour tenter de remédier à cette dégradation ont été prises à partir de 1993, sous l’impulsion du ministre de l’environnement de l’époque, Michel Barnier. Une amélioration a été constatée dès l’année suivante, permettant notamment de rouvrir la pêche dans le plan d’eau. Pour mieux encadrer les opérations de réhabilitation, les différentes parties concernées ont créé en 2000 le Groupement d’intérêt public pour la réhabilitation de l’étang de Berre (Gipreb), devenu désormais le Syndicat mixte de gestion intégrée, prospective et restauration de l’étang de Berre (Gipreb), qui est le principal interlocuteur d’EDF.

En 2005, pour éviter une condamnation probable par la Cour de justice des Communautés européennes, la France a défini de nouvelles modalités de rejet, qui se sont traduites par le décret n2006-4556 du 8 décembre 2006. Les rejets d’eau douce par EDF y sont limités à 1,2 milliard de mètres cubes par an. Cette régulation doit permettre d’obtenir chaque année 95 % de mesures de salinité, en moyenne hebdomadaire, supérieures à 15 g/l, et 75 % supérieures à 20 g/l.

Le présent arrêté poursuit en ce sens, en modifiant une deuxième fois le cahier des charges spécial des chutes de Salon et de Saint-Chamas. Il vise à augmenter la salinité de l’étang durant la période estivale élargie. En contrepartie, la production électrique de pointe de l’usine de Saint-Chamas pourra être relevée durant la période hivernale. Cette modulation saisonnière a été formalisée par un accord conclu le 11 septembre 2023 par EDF et le Gipreb.

Pour l’instant, il ne s’agit que d’une disposition expérimentale, qui s’appliquera jusqu’au 31 octobre 2027. Si la mesure doit être prolongée ou pérennisée, le cahier des charges et le règlement d’eau seront modifiés en conséquence. Pendant cette première période, le seuil de salinité de 20 g/l devra être dépassé dans 70 % des mesures de salinité, en moyenne hebdomadaire, et non plus dans 75 % comme précédemment.

Arrêt des rejets au cœur de l'été

EDF devra proposer à l’autorité administrative compétente un projet de modification expérimentale du règlement d’eau, prévoyant une gestion adaptée de la production en fonction des saisons et incluant des contraintes de rejet d’eau douce renforcées durant la période estivale élargie, dont un arrêt des rejets pendant une période au cœur de l’été, sauf dérogations strictement encadrées par le cahier des charges ou le règlement d’eau.

Un bilan intermédiaire de l’expérimentation engagée sera réalisé par le concessionnaire et transmis à l’autorité administrative, au plus tard le 31 décembre 2025. Il sera complété par un bilan global, réalisé au plus tard le 31 août 2027. En fonction de ce bilan, le concessionnaire transmettra à l’autorité une proposition élaborée en concertation avec les membres des comités de suivi : il y proposera de prolonger l’expérimentation selon des modalités identiques ou aménagées, ou de pérenniser les modalités fixées par le présent texte, ou au pire de revenir aux modalités de gestion précédentes.

Arrêté du 15 mai 2024 approuvant l’avenant n2 au cahier des charges spécial des chutes de Salon et de Saint-Chamas, sur la Durance (départements des Bouches-du-Rhône, de Vaucluse et du Gard) (JO 24 mai 2024, texte n6).

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