Non-respect de la Deru : tout le monde sur le pont !

Une cinquième procédure contre la France vise 169 agglomérations. Les préfets doivent tout faire pour qu’elles se mettent aux normes.

Cette longue circulaire interministérielle est adressée aux préfets de région et de département, aux agences de l’eau et à l’Office français de la biodiversité. Elle vise à éviter à la France une nouvelle condamnation pour non-respect de la directive 91/271/CEE du 21 mars 1991 relative au traitement des eaux urbaines résiduaires (Deru).

Jusqu’à présent, quatre procédures ont été ouvertes contre la France au titre de cette directive, et certaines ont abouti à une condamnation, mais sans jamais arriver jusqu’au stade de la sanction financière. La Commission européenne a émis une nouvelle mise en demeure, voici trois ans, qui portait sur 364 agglomérations d’assainissement (procédure n2017/2125).

Une partie d’entre elles ont été mises en conformité ou retirées de la liste après discussion, mais il en subsiste 169 dans l’avis motivé adressé par la Commission à la France le 14 mai 2020. Les principales sont Chalon-sur-Saône, Dunkerque, Fort-de-France, Le Mans, Lyon, Roubaix, Soissons, Toulouse, Valenciennes et Villefranche-sur-Saône. La prochaine étape sera la première saisine de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), qu’il sera difficile d’éviter, à moins de parvenir à tout régulariser dans des délais très courts.

La circulaire reconnaît à demi-mot que ce retard est dû en partie au transfert autoritaire de la compétence d’assainissement vers les communautés d’agglomération ou de communes, puis aux aménagements ultérieurs qui ont visé à adoucir la brutalité de cette décision. Mais elle ne s’appesantit pas trop sur ces péripéties qui ont montré une fois de plus l’incapacité de l’État à respecter l’esprit de la décentralisation.

Les collectivités territoriales devront payer une partie de l’amende

Elle préfère en retenir sélectivement un seul aspect : en cas de condamnation financière par la CJUE, l’État peut désormais exercer une action récursoire à l’encontre des collectivités territoriales qui ont contribué au manquement, en application de l’article L. 1611-10 du code général des collectivités territoriales et de son décret d’application n2016-1910 du 27 décembre 2016.

Les préfets sont donc invités à prendre toutes les mesures adaptées « pour inciter les collectivités à respecter, dans les plus brefs délais, le droit national et européen concernant la collecte et le traitement des eaux usées urbaines ainsi que la surveillance de ces installations, quelle que soit leur taille » ; ces mesures sont détaillées dans une annexe au présent texte.

Les préfets devront toutefois donner la priorité aux maîtres d’ouvrage visés par la Commission qui doivent encore engager ou poursuivre des travaux de mise en conformité, ainsi qu’à ceux qui risquent de se trouver bientôt dans le même cas, notamment parce que la situation de leur territoire a changé ou que leurs obligations se sont alourdies. Tous les six mois, ils devront rendre aux trois ministères signataires un compte de leurs actions et de l’avancement de ces agglomérations d’assainissement vers le respect de leurs obligations réglementaires.

Attention au vieillissement des installations

Au-delà de ces cas problématiques, les services de contrôle devront attirer l’attention de tous les gestionnaires sur le risque qu’une installation initialement conforme ne le reste pas, en raison de son vieillissement, de la diminution de ses performances, d’une exploitation négligente, du développement de l’urbanisation ou de l’évolution du territoire, du climat, de la pluviométrie, etc.

Ils devront leur rappeler l’obligation d’assurer la continuité du service, et donc de prévenir de telles évolutions en prenant à l’avance les décisions techniques et financières nécessaires. Ils devront les inviter à réduire les rejets directs d’eaux usées urbaines par temps de pluie, en privilégiant la gestion des eaux pluviales à la parcelle et l’infiltration.

Pas de nouveau poste créé pour cette nouvelle tâche

Les préfets devront évaluer « les moyens humains à mobiliser et les compétences à consolider ou [à] développer au regard de la situation de l’assainissement » dans leurs services régionaux ou départementaux, et améliorer autant que nécessaire la formation spécialisée des personnels concernés. Ils devront informer chaque année les services correspondant des ministères « de ces évolutions qui seront à mener à effectifs globaux constants ». Cette dernière précision réduit quelque peu la portée du présent texte…

Et à défaut de pouvoir dégager du personnel supplémentaire, les préfets de département devront inciter les autres acteurs publics et privés à faire ce que l’État n’a pas les moyens de faire, en réunissant chaque année les gestionnaires, les exploitants, le conseil départemental et l’antenne locale de l’agence de l’eau, pour leur présenter un état des lieux de l’assainissement, avec ce qui a été réalisé depuis un an et ce qu’il reste à faire. Le détail de cet état des lieux est précisé en annexe.

Chaque année, en fin d’exercice, les préfets rendront compte aux ministères de l’état d’avancement de la présente instruction et de ce qu’ils auront fait pour l’appliquer, en particulier pour la mise aux normes des agglomérations d’assainissement visées par la Commission européenne.

Instruction du Gouvernement du 18 décembre 2020 relative à la collecte et au traitement des eaux urbaines résiduaires (NOR : TREL2007176J, mise en ligne le 28 décembre 2020).

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