Quand le juge impose une décharge le long d’un fleuve

À force de négliger le traitement de ses déchets, la Corse se retrouve dans une situation absurde.

Question de Paul Toussaint Parigi, sénateur (Gest) de la Haute-Corse :

Le projet du centre d’enfouissement de Giuncaggio menace le Tavignagu, le deuxième fleuve de Corse, classé zone Natura 2000 et zone naturelle d’intérêt écologique, faunistique et floristique. Il est prévu d’y enfouir durant trente ans 120 000 t de terres amiantifères et 70 000 t de déchets ménagers par an, dans une zone géologique instable, les pieds dans l’eau, où d’importants glissements de terrain ont déjà été observés.

Or le Tavignanu irrigue toute la plaine orientale, dont l’agriculture constitue un inestimable réservoir de biodiversité, et où se trouve un précieux conservatoire génétique des agrumes d’Europe et d’ailleurs. Mettre en péril l’alimentation en eau potable de toute une région, détruire le cœur agricole de la Corse, hypothéquer la santé humaine des générations futures : voilà les enjeux dont il est question.

Depuis six ans, nous demandons l’interdiction de ce projet. Malgré un refus initial du préfet en 2016, et les prescriptions du préfet suivant en 2019 pour réduire les risques du projet, le combat juridique continue. Saurez-vous protéger la vie et les écosystèmes, être à nos côtés pour interdire les logiques mercantiles qui hypothèquent notre territoire et sacrifient la terre que, demain, nous léguerons à nos enfants ?

Réponse du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires :

La gestion des déchets en Corse est une question très complexe depuis 2015. Un tiers des déchets produits sur l’île sont triés et orientés vers le continent. Les deux tiers restants, soit 160 000 t, doivent être traités localement. Or les deux installations de stockage existantes ne peuvent accueillir que 100 000 t de déchets par an.

Devant cette situation, la société Oriente Environnement a demandé en 2016 l’autorisation de stocker des déchets le long du fleuve Tavignanu, sur un site qui présente des risques potentiels d’affaissement. Le préfet a refusé d’accorder cette autorisation, mais le tribunal administratif a annulé cette décision. En 2020, le préfet a décidé d’autoriser un stockage partiel, après avis de l’Institut national de l’environnement industriel et des risques (Ineris). En novembre 2022, le tribunal administratif a exigé que nous accordions une autorisation complète de stockage.

Ce sujet est bien évidemment problématique : l’autorité de la chose jugée et les risques que vous décrivez s’affrontent directement. Plus largement, la question se pose de la gestion des déchets en Corse. Au début de cette année, je viendrai sur l’île rencontrer les élus pour aborder ce sujet. Je soutiens évidemment la position du préfet, tout comme je fais miennes les inquiétudes exprimées par les élus locaux, et j’ai parfaitement conscience des risques qu’ont pointés de nombreux acteurs. Nous devons trouver une solution.

Sénat, 14 déc. 2022.

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