o Révision ou modification des directives sur l’eau

La refonte de la Deru prévoit d’étendre son application à des communes plus petites, ce qui ne semble pas pertinent pour tout le monde en raison du coût très élevé des réseaux dans les zones rurales. En ce qui concerne la DCE et ses directives filles, il est juste question de réviser certaines listes de polluants.

Dans sa séance du 22 février, le Comité économique et social européen (Cese) a adopté deux avis sur la refonte ou la révision de quatre directives relevant de la politique de l’eau. Comme d’habitude, ces avis sont préparés par des rapporteurs, dont le profil professionnel ou associatif joue souvent un rôle important dans l’opinion finale du Conseil.

Pour la refonte de la directive relative au traitement des eaux urbaines résiduaires, dite Deru en français, le Cese a suivi le rapporteur Stoyan Tchoukanov, président de l’Association pour l’élevage des races bovines à viande en Bulgarie. Pour la modification de la directive-cadre sur l’eau (DCE) et de deux de ses directives filles, celle sur la protection des eaux souterraines et celle sur les normes de qualité environnementale dans le domaine de l’eau, le rapporteur était Arnaud Schwartz, président de France nature environnement.

Refonte de la Deru : ce que propose la Commission

Au sujet de la Deru, la Commission a proposé d’étendre son champ d’application aux agglomérations ayant un équivalent habitant (EH) de 1 000, au lieu de 2 000 actuellement ; et d’élaborer des normes visant les installations décentralisées, ce qui correspond à peu près en France à l’assainissement non collectif, avec une obligation pour les États membres d’en améliorer la surveillance et le contrôle périodique.

Elle propose aussi d’imposer aux États membres la mise en place de plans de gestion intégrée des eaux urbaines résiduaires, afin de réduire la pollution provoquée par les débordements des égouts et par le ruissellement urbain. Il conviendrait de donner la priorité aux mesures préventives, telles que les solutions bleues et vertes, ainsi qu’à l’optimisation des systèmes existants grâce aux techniques numériques.

Baisse des limites pour l’azote et le phosphore

Afin de réduire les émissions d’éléments nutritifs, de nouvelles limites seraient instaurées concernant l’élimination de l’azote et du phosphore, dans un premier temps pour les grandes installations dont l’EH est supérieur à 100 000, puis pour les installations de taille moyenne ayant un EH de plus de 10 000 dans les zones où l’eutrophisation reste problématique.

Toutes les grandes installations et les installations de taille moyenne seraient en outre obligées d’éliminer les micropolluants là où ils présentent un risque pour l’environnement ou la santé humaine. En vue de limiter la charge de substances non traitables et de renforcer ainsi les possibilités de circularité, les États membres seraient désormais tenus de faire traiter à la source les rejets non domestiques dans les égouts.

Une responsabilité élargie des producteurs serait instaurée pour imposer aux fabricants de produits pharmaceutiques et de produits soumis aux règles européennes en matière de produits cosmétiques d’apporter une contribution financière, afin de couvrir le coût de la mise à niveau et de la surveillance nécessaires pour éliminer les micropolluants et d’encourager la mise au point de produits plus respectueux de l’environnement.

Neutralité énergétique des eaux usées en 2040

Un objectif de neutralité énergétique est proposé pour le secteur des eaux usées d’ici à 2040, ce qui signifie que l’énergie consommée par ce secteur au niveau de chaque État membre devrait être équivalente à la quantité d’énergie renouvelable qu’il produit. Et en général, la proposition fixe à 2040 la date limite de mise en conformité totale, avec des délais intermédiaires pour garantir des progrès.

La première remarque du Cese est que la Deru est globalement respectée au bout de trente ans d’existence : 98 % des eaux usées sont collectées et 92 % sont traitées de manière satisfaisante, dans le cadre du champ d’application de la directive actuelle. La révision en cours permettrait de mettre à jour cette directive en s’attaquant aux sources restantes d’eaux usées non traitées et aux nouveaux polluants.

La refonte permettrait aussi d’améliorer les aspects du traitement des eaux usées liés à l’énergie et à l’économie circulaire, dans la logique du pacte vert et de la numérisation de l’Europe. Toutefois, le Cese propose d’inclure les eaux résiduaires dans une vision plus large, à commencer à faire de l’eau une priorité et à élaborer un pacte bleu pour l’Europe.

Ce pacte serait une démarche radicale visant à anticiper les besoins, à préserver les ressources hydriques et à gérer correctement les défis connexes au moyen d’une feuille de route exhaustive et coordonnée, fixant des objectifs ambitieux et des actions à entreprendre pour atteindre des jalons préalablement convenus. Le Cese formulera cette année des propositions concrètes en vue de ce pacte bleu pour l’Europe.

Synergie entre l’eau et le développement urbain

Les nouvelles règles nécessiteront des investissements supplémentaires et il sera essentiel que le financement, en plus de provenir des factures d’eau et des budgets publics, soit étendu aux secteurs qui contribuent à la pollution des eaux urbaines résiduaires, afin que l’accès à l’eau et à l’assainissement soit maintenu à un prix abordable pour les ménages. Pour réduire ces coûts et les consommations d’énergie, il est essentiel de privilégier le traitement à la source. Cela implique, selon le Conseil, une plus grande synergie entre la politique de l’eau et les stratégies de développement urbain.

Le Cese rejoint la Commission sur la nécessité de renforcer le traitement des eaux de ruissellement et des débordements des égouts. En particulier, on peut réduire la charge d’eau de pluie dans les égouts en mettant en place des solutions bleues et vertes qui permettent de retenir l’eau et de la laisser s’infiltrer dans le sol, y compris l’installation de toitures vertes, l’élimination de surfaces impénétrables et la création de jardins de pluie.

Non seulement ces solutions constituent un moyen efficace de retenir l’eau de pluie, au regard de leur coût, mais elles offrent également de nombreux avantages connexes pour le milieu urbain, notamment en réduisant le risque d’inondation, en limitant les îlots de chaleur et en augmentant la biodiversité et le bien-être en ville.

Le Cese est donc favorable à l’obligation de lancer des plans intégrés de traitement des eaux urbaines résiduaires afin de réduire ces pollutions. Cependant, ces plans de gestion risquent de devenir des coquilles vides, étant donné que leur contenu et leur objectif de réduire les débordements des égouts unitaires à 1 % du débit de temps sec sont purement indicatifs. Il faudrait en outre ajouter à la Deru une obligation de surveiller et d’évaluer les fuites des égouts.

Traiter les traitements peut coûter cher

La proposition d’imposer aux principales installations l’ajout d’un traitement quaternaire contre les micropolluants est appréciée, mais il convient de prêter attention aux effets en matière de coût et d’élimination que produisent différentes techniques, telles que l’ozonation ou le charbon actif. Un financement adéquat de la recherche et du développement en ce qui concerne les nouvelles technologies, ainsi que des programmes d’éducation destinés au personnel opérationnel harmonisés au niveau européen, contribueront à prévenir et à traiter les nouveaux polluants.

Le Conseil salue également les obligations renforcées de traitement de l’azote et du phosphore pour réduire l’eutrophisation des milieux aquatiques. Les délais fixés, soit 2035 pour les grandes installations, et 2040 pour les installations moyennes qui déversent leurs rejets dans des zones sensibles à l’eutrophisation, soit jugés très ambitieux. Mais de nombreux États membres ont déjà instauré de telles exigences, et le Cese apprécie l’harmonisation dans ce domaine prévue par la refonte de la Deru.

Il est à l’inverse très réservé à l’égard d’un éventuel abaissement du seuil d’application de la directive aux petites agglomérations : la pose de nouveaux égouts serait très onéreuse dans les zones faiblement peuplées et devrait bénéficier d’un soutien financier considérable. Il propose comme alternative de promouvoir des solutions décentralisées et des systèmes individuels efficaces, comme les toilettes sèches à compost.

Une dernière critique porte sur l’instauration d’un régime de responsabilité élargie des producteurs, ou plutôt sur les dérogations proposées à ce régime. Selon le présent avis, il faudrait de préférence supprimer la dérogation pour les produits mis sur le marché à moins de deux tonnes par an, car certaines substances sont puissantes, même en faibles quantités. Il conviendrait à tout le moins de préciser que ces deux tonnes se rapportent au marché de l’Union et non au niveau national. Il importe également de veiller à ce que la responsabilité élargie des producteurs s’applique aux détaillants en ligne.

Au passage, le Cese déborde un peu du cadre de la Deru, en se déclarant « préoccupé par le fait que l’eau et l’assainissement, bien qu’ils soient des services publics, sont parfois fournis par des entreprises privées. Des règles et des réglementations doivent être mises en place pour garantir que les services publics ne soient pas gérés à des fins lucratives et que les recettes soient investies dans l’entretien et l’amélioration des services. »

Réviser la liste des polluants dans la DCE

Concernant la DCE et ses directives filles, il ne s’agit ici que de la révision périodique des listes de polluants. Pour les eaux de surface, la Commission propose d’ajouter 24 substances individuelles et un groupe de 24 substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées (Pfas) à la liste de substances prioritaires, de modifier la norme de qualité environnementale (NQE) pour 16 substances déjà listées et d’en retirer quatre qui ne présentent plus une menace à l’échelle de l’Union (NDLR : les États membres peuvent dans tous les cas les conserver dans leur liste nationale). Elle propose aussi une valeur seuil pour les pesticides, comme c’est déjà le cas dans les eaux souterraines.

Pour ces eaux souterraines, la Commission propose d’ajouter un groupe de 24 Pfas, deux antibiotiques et une série de métabolites de pesticides, avec des seuils à l’échelle de l’Union, et de fixer une valeur seuil pour les produits pharmaceutiques. Un autre produit pharmaceutique serait ajouté à l’annexe II de la directive sur les eaux souterraines, ce qui signifie que les États membres devront envisager de fixer un seuil national.

La Commission élaborera une méthode de surveillance des microplastiques et des gènes de résistance aux antimicrobiens, l’objectif étant de les répertorier en tant que polluants à l’avenir. Les États membres seront tenus de surveiller les substances œstrogènes au moyen de méthodes fondées sur les effets pendant une période de deux ans, parallèlement au contrôle chimique conventionnel de trois d’entre elles. La définition de la norme de qualité environnementale dans la DCE sera modifiée pour inclure des valeurs de déclenchement fondées sur les effets, utilisées pour la surveillance qui est fondée également sur les effets.

Des délais trop longs pour ajouter des substances

Si le Cese est favorable dans l’ensemble à ces modifications, il tire néanmoins les oreilles de la Commission à propos de la lenteur de la procédure : « Les listes des polluants des eaux de surface et des eaux souterraines devraient être mises à jour tous les quatre et six ans, respectivement. La révision actuelle arrive bien tardivement, car les dernières actualisations datent de 2013 pour les eaux de surface et de 2014 pour les eaux souterraines. Cela signifie que les nouvelles substances prioritaires feront seulement partie de l’évaluation de l’état chimique du quatrième cycle de plans de gestion des bassins hydrographiques (NDLR : les Sdage en France), avec une mise en conformité en 2033. »

Une autre critique du présent avis est que « la plupart des polluants ont été ajoutés individuellement, sans tenir compte des effets induits par les mélanges de produits chimiques ».

Surveiller la température des eaux souterraines

Et une autre encore, nettement plus vive, vise la suppression proposée de l’article 16 de la DCE, au motif qu’il serait obsolète. Mais « cette suppression entraînerait la disparition du délai de vingt ans pour l’élimination progressive des substances dangereuses prioritaires. L’obligation de suppression progressive, qui est l’un des principaux objectifs de la DCE, n’est applicable que si elle est liée à un délai bien défini. Elle a déjà été largement ignorée dans la DCE existante ; moins elle devient concrète, plus les autorités s’efforceront de l’ignorer. Cela représenterait un grave affaiblissement. »

L’avis du Cese propose plusieurs compléments aux textes en cours de révision, dont la plupart ne semblent guère réalistes. On en retiendra un toutefois : on manque d’indicateurs permettant de surveiller l’état des systèmes d’eaux souterraines, et notamment leur température ; il conviendrait de les ajouter à l’annexe I de la directive fille correspondante.

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative au traitement des eaux urbaines résiduaires

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2000/60/CE établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau, la directive 2006/118/CE sur la protection des eaux souterraines contre la pollution et la détérioration et la directive 2008/105/CE établissant des normes de qualité environnementale dans le domaine de l’eau (JOUE C 146, 27 avr. 2023, pp. 35 et 41).

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