Convention d’Aarhus : les ONG font toujours partie du « public concerné »

Ce jugement concerne notamment les activités et établissements classés en France parmi les ICPE, les Iota ou les INB.

Bien que la convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement, signée à Aarhus le 25 juin 1998, ne soit pas un texte européen, elle s’applique dans l’Union européenne depuis son approbation par la décision 2005/370/CE du Conseil du 17 février 2005. La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) est donc compétente pour l’interpréter.

Elle est ainsi saisie d’une demande de décision préjudicielle présentée par le rechtbank de la province de Limbourg. Aux Pays-Bas, un rechtbank est un tribunal de première instance compétent à la fois pour le droit administratif, le droit fiscal, le droit civil et le droit pénal. Cette demande porte sur les paragraphes 2 et 3 de l’article 9 de la convention d’Aarhus.

Il s’agit notamment de savoir si les membre du « public » ont les mêmes droits que ceux du « public concerné ». Selon l’article 2 de cette convention, le public est « une ou plusieurs personnes physiques ou morales et, conformément à la législation ou à la coutume du pays, les associations, organisations ou groupes constitués par ces personnes ».

Quant au public concerné, c’est « le public qui est touché ou qui risque d’être touché par les décisions prises en matière d’environnement ou qui a un intérêt à faire valoir à l’égard du processus décisionnel » ; les organisations non gouvernementales (ONG) qui œuvrent en faveur de la protection de l’environnement et qui remplissent les conditions requises en droit interne sont réputées avoir un intérêt.

En matière de recours, le « public concerné » a plus de droits que le « public »

Le paragraphe 2 de l’article 9 de la convention impose aux États de donner aux membres du public concerné, sous certaines conditions, le droit de former un recours en justice contre une décision, un acte ou une omission concernant certaines activités visées par l’article 6 de la convention ; selon les critères du droit français, il s’agit des activités et installations relevant de la législation sur l’eau, de la législation sur les installations classées pour la protection de l’environnement ou de la législation sur les installations nucléaires de base. La CJUE confirme qu’un État membre peut réserver cet accès à la justice au seul public concerné et le refuser aux autres membres du public.

Le paragraphe 3 de ce même article impose de son côté aux États de donner à tous les membres du public, sous certaines conditions, le droit d’engager des procédures administratives ou judiciaires pour contester les actes ou omissions de particuliers ou d’autorités publiques allant à l’encontre des dispositions du droit national de l’environnement. La CJUE interprète cette disposition en décidant que ce paragraphe impose de donner à tous les membres du public un accès à la justice « aux fins de se prévaloir de droits de participer au processus décisionnel plus étendus, qui leur seraient conférés par le seul droit national de l’environnement d’un État membre ».

Pas de limitation aux droits d’une association de protection de l’environnement

Dans son état actuel, le droit des Pays-Bas permet d’interdire aux ONG de se prévaloir de la qualité de public concerné quand elles n’ont pas participé à la procédure préparatoire à la décision attaquée, sauf s’il ne peut raisonnablement pas leur être reproché de ne pas y avoir participé. La CJUE décide que cette limitation est contraire au paragraphe 2 de l’article 9.

À l’inverse, le paragraphe 3, qui concerne tous les membres du public, ne s’oppose pas à ce que la recevabilité d’un recours juridictionnel qu’il vise soit subordonnée à la participation du requérant à la procédure préparatoire à la décision attaquée, à moins qu’il ne puisse raisonnablement pas lui être reproché de ne pas être intervenu dans cette procédure.

Arrêt de la Cour (première chambre) du 14 janvier 2021 (demande de décision préjudicielle du Rechtbank Limburg — Pays-Bas) — LB, Stichting Varkens in Nood, Stichting Dierenrecht, Stichting Leefbaar Buitengebied / College van burgemeester en wethouders van de gemeente Echt-Susteren (Affaire C-826/18) (Renvoi préjudiciel – Convention d’Aarhus – Article 9, paragraphes 2 et 3 – Accès à la justice – Absence d’accès à la justice pour le public autre que le public concerné – Recevabilité du recours subordonnée à la participation préalable au processus décisionnel) (JOUE C 72, 1er mars 2021, p. 3)

Voir également JOUE C 122, 1er avril 2019, p. 11.

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