o Distinction entre un marché public et une concession

La justice européenne reprend à son compte la définition élaborée par le Conseil d’État français il y a un siècle et demi.

Cette décision préjudicielle de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) apporte des précisions importantes pour l’interprétation de la directive 2014/23/UE du 26 février 2014 sur l’attribution de contrats de concession, et du règlement délégué (UE) 2019/1827 de la Commission du 30 octobre 2019, qui a complété et modifié cette directive.

Même si elle ne concerne pas l’eau, mais la création et la gestion d’un service de location et de partage de véhicules électriques, elle mérite d’être largement commentée. Elle concerne une commande publique passée en Slovénie par la municipalité de Ljubljana, qui est attaquée par un candidat infortuné. La présente décision de la CJUE est demandée par la Commission nationale d’audit pour le contrôle des procédures des marchés publics. Nous n’en reprenons que les points les plus intéressants.

Le risque lié à l’exploitation du service a été transféré à l’opérateur économique

Dans cette affaire, le pouvoir adjudicateur a entendu confier la création et la gestion d’un service de location et de partage de véhicules électriques à un opérateur économique dont l’apport financier est majoritairement affecté à l’acquisition de ces véhicules, et dans lequel les recettes de cet opérateur économique proviendront, pour l’essentiel, des redevances versées par les utilisateurs de ce service.

La CJUE décide qu’une telle opération constitue une « concession de services », dès lors que ces caractéristiques sont de nature à établir que le risque lié à l’exploitation des services concédés a été transféré audit opérateur économique (NDLR : c’est exactement la définition du Conseil d’État français).

Pour déterminer si le seuil d’applicabilité de la directive 2014/23/UE est atteint, le pouvoir adjudicateur doit estimer le chiffre d’affaires total du concessionnaire généré pendant la durée du contrat, hors TVA, en tenant compte des redevances que les usagers verseront au concessionnaire, ainsi que des apports et des coûts que supportera le pouvoir adjudicateur.

Calcul simplifié du seuil d’application de la directive

Toutefois, le pouvoir adjudicateur peut également considérer que le seuil prévu pour l’application de la directive est atteint dès lors que les investissements et les coûts à supporter par le concessionnaire, seul ou avec le pouvoir adjudicateur, pendant toute la durée d’application du contrat de concession dépassent manifestement ce seuil d’applicabilité.

Un pouvoir adjudicateur peut exiger, au titre des critères de sélection et d’évaluation qualitative des candidats, que les opérateurs économiques soient inscrits au registre du commerce ou au registre de la profession, pour autant qu’un opérateur économique puisse se prévaloir de son inscription au registre similaire dans l’État membre dans lequel il est établi.

Mais ce pouvoir adjudicateur doit alors se référer au vocabulaire commun pour les marchés publics (CPV) constitué de codes CPV. Il ne peut pas se référer à la nomenclature NACE Rév. 2, telle qu’établie par le règlement (CE) no 1893/2006 du 20 décembre 2006 établissant la nomenclature statistique des activités économiques NACE Rév. 2.

Arrêt de la Cour (huitième chambre) du 10 novembre 2022 (demande de décision préjudicielle du Državna revizijska komisija za revizijo postopkov oddaje javnih naročil — Slovénie) — SHARENGO najem in zakup vozil d.o.o. / Mestna občina Ljubljana (Affaire C-486/21) [Renvoi préjudiciel – Système public de location et d’usage partagé de véhicules automobiles électriques – Distinction des notions de « concessions de services » et de « marchés publics de fournitures » – Directive 2014/23/UE – Article 5, point 1, sous b) – Article 20, paragraphe 4 – Notion de « contrats mixtes » – Article 8 – Détermination de la valeur d’une concession de services – Critères – Article 27 – Article 38 – Directive 2014/24/UE – Article 2, paragraphe 1, points 5 et 8 – Règlement d’exécution (UE) 2015/1986 – Annexe XXI – Possibilité d’imposer une condition concernant l’enregistrement d’une activité professionnelle déterminée en vertu du droit national – Impossibilité d’imposer cette condition à tous les membres d’une association temporaire d’entreprises – Règlement (CE) no 2195/2002 – Article 1er, paragraphe 1 – Obligation de se référer exclusivement au « vocabulaire commun pour les marchés publics » dans les documents de concession – Règlement (CE) no 1893/2006 – Article 1er, paragraphe 2 – Impossibilité de se référer à la nomenclature « NACE Rév. 2 » dans les documents de concession] (JOUE C 7, 9 janv. 2023, p. 10).

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