Éditorial : Toujours la loi Notre

Cependant que des députés se disputaient vivement dans la commission des affaires sociales au sujet d’une proposition de loi du groupe Liot visant à abroger la réforme des retraites, mercredi dernier, d’autres étaient réunis dans la commission des lois pour examiner une autre proposition du même groupe, visant à revenir sur le transfert obligatoire de l’eau et de l’assainissement aux communautés de communes. Il s’agissait plus précisément de faire aboutir une proposition de loi adoptée par le Sénat pour revenir sur cette disposition de la loi Notre, dans l’hypothèse où elle serait votée dans les mêmes termes par les deux chambres. L’ambiance était bien différente de celle de l’autre salle, et l’assistance était clairsemée et assez distraite : on était là surtout pour voter suivant les consignes du groupe, pas vraiment pour débattre.

Comme il y a dix groupes politiques à l’Assemblée nationale, il y a eu dix interventions, après la présentation très pédagogique du rapporteur, Benjamin Saint-Huile (Nord, Liot). Disons-le franchement : la plupart des orateurs des groupes ont ânonné un petit discours sans intérêt, souvent très éloigné du sujet, en se contentant d’aligner des lieux communs sur l’eau ou de répéter les obsessions de leur parti en la matière. Quelques-uns savaient toutefois de quoi ils parlaient, comme Hervé Saulignac (Ardèche, Soc) qui a évoqué son département divisé entre les bassins versants de la Loire et du Rhône : « Il nous revient d’établir des règles conformes à la réalité hydrique et historique des territoires. » Ou Jérémie Iordanoff (Isère, Éco) qui a tenu des propos très proches de la position gouvernementale sur la nécessité de mutualiser pour investir.

En réalité, la messe était déjà dite d’avance : le groupe Renaissance avait déposé un amendement, examiné en premier, qui réécrivait le texte en assouplissant une nouvelle fois les modalités du transfert obligatoire de l’eau et de l’assainissement aux communautés de communes, le 1er janvier 2026, mais en conservant cette obligation. En cinq minutes, cet amendement a été adopté contre l’avis du rapporteur. Comme cette proposition de loi était examinée selon la procédure de législation en commission, c’est ce texte réécrit qui sera soumis au vote en session plénière, le 8 juin, sans nouvel amendement. Qu’il soit adopté ou rejeté, le Sénat et le groupe Liot n’y trouveront pas leur compte.

Au-delà de cette péripétie, il est intéressant de noter ce qui est revenu le plus souvent dans les soliloques des orateurs : le prix de l’eau et les fuites dans les réseaux d’eau potable. Des sujets fort intéressants, certes, mais très partiels. En une heure, pas un mot sur les investissements à envisager pour économiser l’eau, une phrase sur les pollutions provoquées par les fuites des égouts, et une autre sur les défaillances de l’épuration des eaux usées. C’est à se demander si les députés ont déjà mis les pieds dans une station d’épuration, ou même s’ils ont déjà constaté que, sur leur facture d’eau, la moitié des coûts concernent l’assainissement.

Il faut dire que, depuis l’interdiction du cumul des mandats, les parlementaires qui ont exercé un mandat local se font de plus en plus rares. Or la gestion des services d’eau et d’assainissement est un sujet ardu, qu’on ne peut comprendre qu’avec une expérience de terrain. Et quand une question est complexe, les élus nationaux ont tendance à se réfugier dans le prêt-à-penser et à laisser aux spécialistes et aux techniciens le soin de formuler les solutions nécessaires. Depuis des années, le monde de l’eau répète qu’il lui faut à tout prix sortir de l’entre-soi et sensibiliser les gens ordinaires à des questions qui les touchent tous dans leur vie quotidienne. On en est loin, puisqu’il n’arrive même pas à faire réfléchir le législateur.

René-Martin Simonnet

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