Éditorial : Pollutec vintage

Nonobstant une légende tenace, on peut arrêter un très gros navire sur une distance limitée, à condition d’être équipé pour le faire déraper, de manière à opposer à l’avancement une surface importante de carène. Mais cela sollicite beaucoup la structure et la mécanique, et il vaut donc mieux n’y recourir qu’en cas d’urgence.

On peut appliquer un raisonnement analogue à un salon professionnel : plus il est important, plus une annulation au dernier moment risque de le fragiliser et d’affecter son redémarrage. Ainsi, quand l’organisateur de Pollutec 2020 a annoncé, deux mois et demi avant son ouverture, qu’il était reporté d’un an pour cause de pandémie, on s’est demandé s’il ne s’agissait pas d’un report… définitif. Il faut dire que les actionnaires de RELX, la maison mère de RX, s’intéressent plus à leurs bénéfices qu’à la protection de l’environnement. Les salons ne sont pour eux qu’une activité secondaire, et ils n’ont aucune raison d’en conserver un qui serait durablement déficitaire.

Assez vite pourtant, il est apparu que Pollutec aurait bien lieu en 2021 à Lyon, si le Covid-19 le permettait. Et de fait, il s’est tenu du 12 au 15 octobre. Je suis bien incapable de vous dire si cette édition a été rentable ou déficitaire, et je ne sais pas si c’était d’ailleurs un critère essentiel pour son organisateur, en cette année hors du commun. En tout cas, on a déjà annoncé discrètement que la prochaine édition était prévue pour 2023. Donc l’aventure continue, jusqu’à nouvel ordre.

Les dernières éditions de Pollutec se caractérisaient par leur démesure, puisque la plus grande partie du parc d’exposition Eurexpo Lyon était occupée : en 2018, il y avait ainsi 2 200 exposants sur 90 000 m2, et 70 000 visiteurs en quatre jours. RX n’a pas encore publié le bilan de cette année, mais on pouvait estimer sur place qu’il serait en recul de 30 % à 50 % : moins d’exposants, des stands plus petits et des visiteurs moins nombreux. Pourtant, l’ambiance était excellente. Au-delà du bonheur de retrouver un vieux rituel mis à mal par deux ans de restrictions, de visioconférences et de salons virtuels, on notait chez tout le monde la satisfaction de participer à un salon moins démesuré. Certes, les exposants ont enregistré moins de contacts, mais ils disaient avoir passé plus de temps avec chaque interlocuteur et noué des relations plus approfondies. Quant aux visiteurs, moins bousculés dans les allées, ils ont pu partir à l’aventure et découvrir des sociétés qu’ils n’avaient jamais eu le temps de voir, alors même qu’elles exposaient déjà les années précédentes.

De part et d’autre dominait ainsi la satisfaction d’avoir participé à un salon à taille plus humaine que naguère. Cet amaigrissement forcé pourrait donc profiter à Pollutec, en fidélisant des exposants et des visiteurs qui pestaient auparavant contre son gigantisme et tendaient à privilégier des manifestations plus modestes, mais plus fructueuses. Ce mécontentement s’était déjà fait sentir lors de l’édition de 2018, qui était en léger recul par rapport à celle de 2016. Si l’organisateur parvient à équilibrer ses comptes au niveau actuel, il aura intérêt à persister dans cette voie, car c’est ce que recherchent désormais ses clients.

René-Martin Simonnet

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