o Pourquoi l’usine marémotrice de la Rance risque de ne pas bénéficier du tarif vert

Il faudrait remettre en jeu la concession de cet équipement. Est-ce bien le moment, en plein contentieux avec la Commission européenne ?

Question de Sylvie Robert, sénatrice (SER) d’Ille-et-Vilaine :

L’usine marémotrice installée à l’embouchure de la Rance, dans mon département, provoque l’envasement de ce fleuve côtier. Il y a trois ans, en réponse à une précédente question que j’avais posée, votre ministère avait admis qu’un plan quinquennal de désenvasement était bien envisagé, mais qu’il restait à le financer.

Depuis, la situation s’est aggravée : à certains endroits, la navigabilité de la Rance s’est détériorée, ce qui porte préjudice aux riverains et aux communes. On pourrait pourtant envisager un financement complémentaire : depuis 2019, la Commission européenne considère que l’énergie marémotrice est une énergie renouvelable et que l’électricité produite par cet équipement pourrait ainsi être vendue au tarif vert. Cette qualification se retrouve désormais à l’article L. 211-2 du code français de l’énergie.

Le tarif vert pour désenvaser l’estuaire de la Rance ?

Pourtant, votre ministère a répondu que « la création d’une fiscalité écologique spécifique sur l’électricité produite par l’usine marémotrice de la Rance n’est pas l’option à privilégier à court terme », préférant renvoyer au plan de gestion des sédiments.

En outre, cette usine est concédée à EDF. En cas de réorganisation de ce groupe, elle risque d’être classée parmi les barrages hydroélectriques, plutôt que dans la branche qui regrouperait les autres énergies renouvelables. Cela pourrait empêcher de lui attribuer le tarif vert et compliquerait encore plus les investissements à réaliser. Allez-vous donc soutenir cette tarification pour l’électricité produite par l’usine marémotrice de la Rance (UMR), en cohérence avec les dispositions du code de l’énergie ?

Réponse de la secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité :

Un programme de recherche est conduit, en lien avec EDF, pour mieux comprendre le phénomène d’envasement de l’estuaire de la Rance et identifier des actions préventives. En outre, un programme d’intervention expérimental est mené ; il comprend l’extraction et la valorisation sur cinq ans de 250 000 m3 de sédiments. Les conclusions de ces deux programmes sont attendues pour 2023 ; on espère qu’elles déboucheront sur un plan pérenne et sur une évaluation des besoins en financement.

La production de l’UMR, qui offre une puissance de 250 MW, entre bien dans le périmètre des énergies renouvelables. Cela nécessite d’étudier la possibilité d’un soutien public, qui dépasserait le cadre de la gestion sédimentaire de l’estuaire, puisqu’il concernerait également la rentabilité à long terme de l’installation.

Le tarif vert mettrait fin à une concession prévue pour s’achever en 2043

Un tel soutien soulève néanmoins des difficultés juridiques majeures. Tout d’abord, cette usine est exploitée par EDF depuis 1966 sous la forme d’une concession qui arrivera à échéance en 2043. L’attribution d’un tarif de soutien constituerait une modification substantielle du contrat de concession. Or le droit des concessions n’autorise pas à modifier substantiellement l’économie d’un contrat en cours, à moins d’une nouvelle mise en concurrence.

Par ailleurs, il n’apparaît sans doute pas judicieux de mettre en place un tel soutien public pour une concession hydroélectrique, alors que la France fait face à deux mises en demeure de la Commission européenne. Enfin, la classification en concession hydroélectrique et la qualification d’énergie renouvelable sont indépendantes d’une éventuelle réorganisation du groupe EDF. Il convient donc de poursuivre et de soutenir les travaux en cours pour que des solutions pérennes de lutte contre l’envasement de l’estuaire soient identifiées et mises en place.

JO Sénat CR, 29 sept. 2021, p. 8420.

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