o Éditorial : Référendum ?

Combattre un virus mortel, c’est beau, c’est noble, mais c’est un destin un peu limité pour un président de la République. Surtout quand les seconds couteaux multiplient les bourdes sur les masques, sur le maintien des élections municipales, sur les tests, sur le lancement de la campagne de vaccination, etc. : les électeurs français ont une fâcheuse tendance à oublier les succès et à se souvenir des échecs ou des faux pas. Et c’est carrément frustrant de se retrouver à gérer les heures d’ouverture des boulangeries quand on s’est fixé comme objectif de réformer la France en profondeur. Plusieurs de ces réformes ont été brutalement stoppées par l’épidémie, à commencer par les retraites. Il semble difficile de les relancer tant que l’état d’urgence sanitaire est en vigueur. Que faire en attendant, pour occuper le terrain médiatique ?

En fouillant dans les archives, les caciques de la majorité ont retrouvé une vieille idée en vogue au début du quinquennat : inscrire l’environnement dans l’article premier de la Constitution. C’était un élément annexe du projet de grande réforme de la Constitution, qui visait surtout à redessiner les institutions de la République et qui a été coulé par l’affaire Benalla. Ce point secondaire a échappé à cette déferlante, et il a été remis à l’ordre du jour par cette parodie de démocratie qu’on a appelée la convention citoyenne sur le climat. Ce fut une parodie, parce que la démocratie ne peut reposer que sur le suffrage, non sur le tirage au sort.

Pour retrouver une stature présidentielle, Emmanuel Macron a donc relancé cette petite idée, en faisant déposer par le Premier ministre un projet de loi constitutionnel sur le bureau de l’Assemblée nationale. Son texte tient en trois lignes : « Après la troisième phrase du premier alinéa de l’article 1er de la Constitution, est insérée une phrase ainsi rédigée : “Elle garantit la préservation de l’environnement et de la diversité biologique et lutte contre le dérèglement climatique.” » Dans cette phrase, « elle » désigne la France. Le rapporteur sur ce texte devrait être désigné mercredi par la commission des lois, tandis que la commission du développement durable a déjà désigné son rapporteur pour avis, Christophe Arend (Moselle, LaREM).

Que changera cet ajout à l’organisation juridique et politique de la France, s’il est adopté ? Pas grand-chose, et peut-être même rien du tout : depuis l’adoption de la Charte de l’environnement, le Conseil constitutionnel en a progressivement pris le contenu en compte dans sa jurisprudence. Grâce à ce texte de 2005, beaucoup plus détaillé que cette phrase de dix-sept mots, la protection de l’environnement fait désormais partie des principes à valeur constitutionnelle. La seule disposition qui n’a pas encore atteint cette reconnaissance est la non-régression du droit de l’environnement ; mais le Conseil d’État l’a déjà érigée en principe à valeur légale. Enfin, cela ne coûte rien d’ajouter un rappel à la Constitution.

La seul question reste donc de savoir si cette réformette sera adoptée. C’est assez mal parti : à l’Assemblée nationale, le parti présidentiel a perdu la majorité absolue, et son principal allié, le Modem, refuse de voter cette disposition si elle n’est pas complétée par une autre promesse de 2017, l’introduction d’une dose de proportionnelle dans les élections législatives. Or la majorité sénatoriale ne veut pas en entendre parler. D’ailleurs le Sénat, aux mains de l’opposition, n’a sans doute pas l’intention de donner au président de la République l’occasion d’organiser un référendum sur un sujet plutôt consensuel. Or la procédure applicable aux lois constitutionnelles exige l’adoption d’un texte identique par les deux chambres. Si ce projet-là reste bloqué, la majorité présidentielle pourra certes prendre l’opinion publique à témoin de sa bonne volonté contrariée ; mais cela lui apportera-t-il une seule voix aux prochaines élections ?

René-Martin Simonnet

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