o Implanter le transport fluvial dans les villes

Si l’Europe veut vraiment développer la voie d’eau, elle doit investir dans les infrastructures et dans l’intelligence artificielle, et favoriser le transport fluvial urbain.

Si le Comité économique et social européen (Cese) est un organisme respectable, il n’a toutefois aucun pouvoir propre. Personne n’est obligé de se conformer à ses avis, qui sont d’ailleurs souvent plus le reflet des opinions de leur rapporteur que d’un travail impliquant l’ensemble du comité.

Cette restriction admise, il est toujours intéressant de connaître ces avis, parce qu’ils reflètent en général le point de vue d’un certain nombre d’acteurs économiques et sociaux de l’Union européenne. C’est notamment le cas quand le rapporteur n’est pas trop impliqué dans le sujet traité dans son avis.

Dans le cas présent, ce rapporteur est Mateusz Szymański, qui siège au Cese en tant que représentant de l’Association syndicale autonome indépendante Solidarité (NSZZ Solidarność), le célèbre syndicat polonais fondé en 1980 par Lech Wałęsa et désormais proche de l’extrême droite. Ce qui n’empêche pas ce rapporteur d’être considéré comme un bon connaisseur des questions de transport, notamment par voie d’eau.

Cet avis porte sur la communication de la Commission européenne concernant le plan d’action NAIADES III, qui vise à développer le transport fluvial pour la période de 2021 à 2027. Ce plan vise à augmenter le trafic fluvial de 25 % d’ici à 2030 et de 50 % d’ici à 2050, en modernisant le réseau, en développant l’intelligence artificielle et en supprimant à long terme les émissions atmosphériques de ce mode de transport, notamment par la mise en service de bateaux utilisant d’autres sources d’énergie que le gasoil.

Développer et entretenir toutes les voies navigables

S’il partage ces objectifs, le présent avis propose de les hiérarchiser en fixant deux priorités essentielles : à long terme, développer et entretenir l’infrastructure de voies navigables, notamment pour la desserte des ports maritimes, y compris celles qui ne sont pas incluses dans le réseau trans-européen de transport ; à court terme, déployer ce mode de transport à l’intérieur des villes.

Selon le Cese, les changements envisagés par le plan d’action seront inopérants s’ils ne peuvent s’appuyer sur les infrastructures nécessaires. S’ils n’ont pas d’espoir que les conditions de navigation sur les voies d’eau iront en s’améliorant, les armateurs ne prendront pas de risques et n’investiront pas dans une flotte modernisée, tandis que les pouvoirs locaux des différents pays ne manifesteront aucun intérêt pour la création de terminaux intermodaux.

La priorité à court terme, concernant le développement du transport par voie navigable dans les villes, exige quant à elle des conditions spécifiques pour être menée à bien. Il faut pour cela créer les infrastructures pour que les acheminements dits « du dernier kilomètre », c’est-à-dire de la dernière étape avant destination, puissent être réalisés grâce aux voies navigables, pour les personnes comme pour les biens.

Il faut en outre accorder à ce mode de transport un traitement préférentiel analogue à celui appliqué à d’autres moyens de déplacement urbains ou régionaux. Il faut privilégier dans les villes la navigation intérieure qui s’effectue quasiment sans émissions et qui peut contribuer à améliorer la qualité de la vie. Dans un domaine annexe, le tourisme  fluvial, l’avis recommande aussi de créer un système d’information concernant les conditions de navigation sur les voies navigables d’intérêt récréatif.

Prévoir des mécanismes de financement appropriés

Pour réaliser ces deux priorités, il faut prévoir des mécanismes de financement appropriés. Au titre des programmes actuels et futurs de l’Union européenne, cela impose de garantir le financement des investissements des infrastructures et de l’innovation technologique. Les instruments de ce type revêtent une importance décisive, compte tenu des spécificités du secteur, dans lequel la place des PME est prépondérante.

Un recours accru à l’assistance numérique et à l’intelligence artificielle nécessitera d’investir dans la formation et la qualification des équipages. D’ailleurs, les États membres doivent appliquer, depuis le 17 janvier dernier, la directive (UE) 2017/2397 du 12 décembre 2017 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles dans le domaine de la navigation intérieure. En outre, les conditions d’emploi doivent être améliorées, y compris les règles relatives au temps de travail, la législation adéquate en matière de protection sociale pour le détachement de travailleurs, et la santé et la sécurité au travail dans le secteur.

Un des problèmes qui affectent le secteur est le faible niveau des rémunérations qu’il offre, en particulier en Europe centrale et orientale, de sorte que le transport fluvial n’est pas un métier attrayant pour les jeunes. On y observe par conséquent un phénomène de vieillissement des équipages, qui restent en outre en grande majorité masculins.

Il en résulte une pénurie de main-d’œuvre et des perspectives de développement limitées. Il convient d’accorder une place privilégiée à un dialogue social sectoriel et à une négociation collective qui soient conduits de manière adéquate à différents niveaux et bénéficient du soutien des pouvoirs publics.

Trop d’annonces et de projets sans lendemain

Le Cese constate aussi que beaucoup d’annonces et d’activités envisagées n’ont pas été mises à exécution. Il est essentiel que les pouvoirs publics européens, nationaux et locaux soient déterminés à atteindre ces objectifs, en fonction de leurs compétences respectives.

Cette exigence vaut aussi pour les sources de financement, qui doivent comporter des ressources tant européennes que nationales. Or les investissements dans le transport fluvial n’ont qu’une place limitée dans les plans nationaux pour la reprise présentés par les États membres.

Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — « NAIADES III : Moderniser le transport par voies navigables intérieures en Europe en assurant sa pérennité » (JOUE C 194, 12 mai 2022, p. 102).

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