o Interventions de l’Ademe dans les sites industriels orphelins

L’agence n’intervient que si tous les responsables du site sont défaillants et s’il y a des risques importants pour la santé publique ou l’environnement. Son seul rôle est de supprimer les menaces graves, par exemple la pollution éventuelle d’un captage d’eau potable par un liquide toxique qui s’est infiltré dans le sol au-delà des limites du site.

Cet avis remplace une circulaire du 26 mai 2011, qui fixait les modalités de gestion par l’État des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) en cas de cessation d’activité due à une défaillance des responsables. Le démantèlement, la dépollution et la réhabilitation de ces sites orphelins peuvent alors être mis à la charge de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), devenue désormais l’Agence de la transition écologique. Toutefois, cette intervention n’est pas automatique, et le présent texte en détaille les conditions et les modalités.

La procédure de cessation d’activité d’une ICPE a pour double objectif de supprimer les risques que celle-ci présente pour l’environnement et la santé publique, et d’assurer la compatibilité de l’état du site avec un futur usage prédéterminé.

Surveillance des effets sur l’environnement

La mise en sécurité comporte notamment une surveillance des effets de l’installation sur son environnement, en tenant compte d’un diagnostic proportionné aux enjeux. Quant à la réhabilitation du terrain, seconde étape de cette procédure, c’est la mise en compatibilité de l’état des sols avec, d’une part, la protection des enjeux liés à la santé humaine, à l’environnement ou aux bien matériels et, d’autre part, l’usage futur envisagé pour le terrain ; elle peut nécessiter des opérations complexes de dépollution.

L’intervention de l’Ademe en cas de défaillance des responsables est décidée par le préfet de département. Elle ne vise pas à réaliser toutes les opérations qui incomberaient à un exploitant normal, mais pour l’essentiel à supprimer une menace grave vis-à-vis des enjeux présents dans son environnement proche. Elle ne porte en outre que sur des ICPE, qu’elles aient été exploitées régulièrement ou illégalement.

Pour éviter d’en arriver à une telle situation, l’inspection des installations classées doit porter une attention particulière aux entreprises en difficulté, et vérifier en outre la bonne qualité des garanties financières quand l’ICPE y est astreinte. Elle doit aussi s’attacher à faire maintenir en bon état le site et ses bâtiments, et à empêcher l’accumulation de déchets, notamment ceux qui risquent de polluer le sol et les eaux. Il faut aussi conserver en bon état les dispositifs anti-intrusion.

Mettre en cause le propriétaire du terrain

Si le responsable de l’ICPE est en temps normal son exploitant, le propriétaire du terrain peut éventuellement être mis en cause, notamment dans une situation de pollution des sols possible ou avérée, s’il n’y est pas étranger ou s’il a été négligent. Sa responsabilité civile peut également être recherchée si son bien est ou pourrait être à l’origine de dommages pour des tiers. Toutefois, il ne s’agit pas là d’une action de police du préfet et cette mise en cause n’est donc théoriquement pas corrélée à la procédure d’intervention de l’Ademe.

En tout état de cause, l’inspection des installations classées portera ces situations à la connaissance de l’autorité compétente : le maire ou le président du groupement de communes compétent. De même, la maison-mère de l’exploitant peut être mise en cause dans certains cas, mais cela ne relève pas non plus du pouvoir de police du préfet.

Une fois les responsables identifiés, le préfet doit prendre deux arrêtés à l’encontre de chacun d’eux avant de solliciter l’Ademe : une mise en demeure, notamment en cas de pollution du sol, et une consignation de somme, fondée si possible sur un devis. Si des travaux de dépollution sont à prévoir, il faudra prendre plusieurs arrêtés de consignation, à mesure que des études successives permettront d’affiner les opérations à réaliser et leur coût.

Les opérations sur lesquelles porte l’arrêté de consignation doivent impérativement être incluses dans le périmètre de l’arrêté de mise en demeure sur lequel il est fondé. En cas d’intervention de l’Ademe, il en va de même de l’arrêté préfectoral de travaux d’office, qui ne pourra concerner que des travaux visés par l’arrêté de consignation.

Si ces arrêtés n’ont pas permis de faire réaliser les travaux ou de consigner une somme suffisante, on peut considérer que le responsable concerné est défaillant. Il est également possible qu’aucun des responsables identifiés n’existe et qu’ils aient par exemple été radiés du registre du commerce et des sociétés. Dans ce cas, aucun acte de police administrative n’est possible. À l’inverse, un site sur lequel est toujours exercée l’activité à l’origine d’une menace pour les populations ou l’environnement ne peut généralement pas faire l’objet d’une intervention de l’Ademe, même si la procédure de consignation n’a pas abouti, sauf s’il relève d’une situation d’urgence impérieuse.

Pas de promesse préalable d’intervention

Au début de chaque année, le préfet, par l’intermédiaire du service régional de l’inspection des installations classées, communiquera à la direction générale de la prévention des risques (DGPR) une liste des sites à responsables défaillants susceptibles de faire l’objet d’une intervention de l’Ademe pour l’année en cours, en regard de la menace grave supposée qu’ils font peser sur les populations ou l’environnement. Il s’agit d’une information préalable, qui ne garantit pas que les interventions seront accordées. Au cours de l’année, l’inspection des installations classées informera au plus tôt la DGPR des interventions potentielles qui s’ajouteront à la liste.

Si les arrêtés préfectoraux n’ont rien donné, et en cas de menace grave supposée vis-à-vis des enjeux présents dans son environnement proche, l’inspection des installations classées peut prendre contact avec l’Ademe en prévision d’une visite conjointe du site, dans les meilleurs délais afin de prévenir la dégradation des lieux. Cette visite dépendra des moyens humains et financiers dont disposera l’agence.

Après cette première reconnaissance, l’Ademe remettra à l’inspection des installations classées une restitution des conditions techniques et financières (RCTF). Celle-ci décrit la situation du site en matière d’environnement, notamment les contextes géographique, hydrologique, hydrogéologique et géologique, ainsi que les éléments historiques dont l’agence dispose. Après avoir défini les potentiels de dangers et les probabilités d’impact hors site (NDLR : par exemple, une pollution toxique d’une nappe souterraine qui pourrait s’étendre jusqu’à un captage d’eau hors du site), la RCTF propose une évaluation du niveau de menace présenté par le site, en se référant à une méthodologie nationale d’évaluation spécifique.

Si le niveau de menace est évalué comme fort, la RCTF se conclura par la proposition d’un ou de plusieurs scénarios d’intervention, avec un éventuel diagnostic des sols qui permettra ensuite de classer les parcelles concernées en secteur d’information sur les sols, et avec un chiffrage et un calendrier prévisionnel.

L’Ademe n’intervient que dans les cas graves

Si le niveau de la menace est estimé comme intermédiaire, l’Ademe proposera ou non une intervention au cas par cas. Si l’inspection des installations classées et l’agence sont en désaccord quant à l’opportunité d’intervenir, la proposition doit faire d’objet d’échanges entre les services de l’État au niveau local, l’Ademe et la DGPR. Dans les autres cas, l’agence n’interviendra pas.

Quand elle a reçu la RCTF, l’inspection des installations classées rédige son rapport de saisine à destination du préfet de département. Ce rapport décrit l’environnement, les enjeux situés à proximité et les éventuelles informations récoltées du temps de l’exploitation du site.

L’ensemble des démarches de mise en cause de chacun des responsables y sont décrites dans le détail, ainsi que la justification de leur défaillance. La position de l’inspection concernant la proposition d’intervention, d’éventuels ajustements ou, le cas échéant, le choix du scénario retenu doivent être décrits de manière explicite. Tout élément permettant à l’autorité compétente d’apprécier la situation du site est également mentionné.

Parce qu’elle est susceptible de contenir des éléments confidentiels, une RCTF n’a pas vocation à être un document public et sa diffusion doit être restreinte aux services de l’État. Dans son rapport de saisine, l’inspection des installations classées peut en reprendre des passages en évitant toutefois les données confidentielles. Ce rapport de l’inspection étant susceptible d’être rendu public, il ne pourra pas annexer directement une RCTF.

Ensuite, le préfet de département communique à l’autorité compétente un courrier de saisine afin d’obtenir son accord pour missionner l’Ademe. L’autorité compétente est le préfet de région quand le montant cumulé des interventions prévues et réalisées sur site est inférieur à 150 000 € TTC, hors urgence impérieuse ou demande d’aide à la mise en sécurité, et la DGPR dans les autres cas.

Les préfets de département pourront accorder une délégation au directeur régional de la structure à laquelle est rattachée l’inspection des installations classées pour signer les courriers de sollicitation de l’autorité compétente. Sur la base des éléments transmis, l’autorité compétente apporte une réponse à la saisine. En cas de refus, elle précise quels éléments font défaut et s’il lui semble possible d’y remédier.

Arrêtés de travaux d’office et d’occupation des sols

Après réception du courrier d’accord, et à l’issue d’un contradictoire en bonne et due forme avec les responsables visés, le préfet de département missionne l’Ademe par l’intermédiaire d’arrêtés préfectoraux de travaux d’office et d’occupation des sols. Ce dernier doit être notifié aux propriétaires des terrains par la préfecture afin de faciliter la venue de l’agence et des sociétés auxquelles elle a recours. Les travaux de faible complexité technique peuvent être menés directement par l’inspection des installations classées, à partir du moment où des fonds sont consignés. Certains de ces travaux, de faible montant, peuvent en particulier s’appuyer sur un contrat sans publicité, du moment que les principes fondamentaux de la commande publique sont respectés.

L’arrêté préfectoral de travaux d’office doit être explicite quant au fait déclencheur de l’arrêt de l’intervention de l’Ademe : par exemple, l’ensemble des campagnes de surveillance des milieux est effectué. Une fois les travaux achevés, le préfet déconsigne les éventuelles sommes disponibles en faveur de l’agence, et non pas des prestataires de celle-ci, qu’elle paye directement.

Procédure d’urgence impérieuse

Dans certaines configurations, impliquant nécessairement une menace importante pour l’extérieur, l’Ademe peut intervenir selon une procédure dite d’urgence impérieuse, sans qu’il soit question de se substituer aux services de protection civile ni aux réquisitions prises par le directeur des opérations de secours qui interviennent en priorité et dans des délais très courts. Un marché de commande publique peut alors être passé sans publicité ni mise en concurrence préalable, si une procédure d’achat classique est incompatible avec la gestion d’une urgence imprévisible et due à des circonstances extérieures.

Le contenu du dossier de sollicitation de la DGPR diffère peu, même s’il peut être allégé en fonction des éléments disponibles au moment de la saisine. Ce dossier s’appuie toujours sur un arrêté dit de mesures d’urgence, pris par le préfet de département à l’encontre des responsables.

La procédure de consignation peut toutefois se tenir parallèlement à la saisine et l’Ademe peut débuter son intervention avant que celle-ci n’ait formellement abouti. Les opérations de mise en sécurité qui ne présentent pas la même contrainte temporelle peuvent être prévues par l’intermédiaire de la même sollicitation, mais elles seront gérées selon la procédure conventionnelle.

Les échanges entre l’inspection des installations classées et l’Ademe doivent être maintenus durant l’intervention. À son issue, l’agence rédige un compte rendu d’intervention terminée (CRIT) dans un délai maximum d’un an. L’inspection des installations classées constate sur site et confirme par écrit que les missions prévues par l’arrêté préfectoral de travaux d’office sont bien remplies.

Le CRIT statue sur la nécessité ou non d’une intervention complémentaire et vaut le cas échéant RCTF pour les nouvelles opérations proposées. Si l’inspection des installations classées partage la nécessité de cette intervention complémentaire, une nouvelle saisine doit alors être adressée à l’autorité compétente.

L’Ademe et l’inspection des installations classées peuvent aussi estimer qu’il n’est pas nécessaire de solliciter un accord de l’autorité compétente si ces opérations nouvelles se limitent à la reconduction de la surveillance quadriennale, à l’entretien ou à la maintenance du site, à une modification de leur périmètre, au maintien ou au renouvellement d’ouvrages déjà en place dans la limite d’un montant de 300 000 € TTC. Dans ce cas, une simple information et la mise à jour éventuelle des arrêtés préfectoraux sont suffisants.

Avis relatif au processus d’intervention de l’ADEME en contexte de sites à responsables défaillants (JO 17 mai 2023, texte n87).

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