La France demande à l’Europe de réglementer les Pfas

La plupart des molécules de cette catégorie sont mal connues. En attendant des décisions à l’échelle de l’Union européenne, il faut en étudier la toxicité pour fixer d’éventuelles normes de rejet dans les milieux aquatiques.

Question de Cyrille Isaac-Sibille, député (Dem) du Rhône :

En juillet dernier, la Première ministre Élisabeth Borne m’a confié une mission sur les substances polyfluoroalkylées ou perfluoroalkylées (Pfas), ces substances chimiques créées par l’homme et connues sous l’appellation de « polluants éternels ». Elles sont utilisées depuis plus de soixante-dix ans par les industriels en raison de leurs propriétés exceptionnelles : elles résistent à l’eau, aux corps gras et aux hautes températures et sont faiblement dégradables.

Revers de la médaille, elles sont à l’origine d’une pollution historique, qui pose un véritable problème de santé publique, car elles sont toxiques, causent des troubles immunitaires, des infertilités et des cancers. Cette pollution, nous la voyons resurgir régulièrement dans tous les territoires, et encore récemment à Salindres, dans le Gard.

Nous faisons face à deux problèmes. Tout d’abord, il faut faire cesser rapidement les rejets de Pfas, comme Arkema a su le faire à Pierre-Bénite, dans ma circonscription, et dépolluer les eaux destinées à la consommation humaine. Ensuite, il convient de restreindre l’utilisation des Pfas en fonction de leurs usages. Nous savons que certains d’entre eux sont essentiels dans le secteur de la santé et que de nombreux dispositifs médicaux les utilisent. Certains médicaments, comme le Prozac, sont d’ailleurs des Pfas.

Celles-ci sont également indispensables dans le cadre de la transition écologique pour les batteries et les éoliennes. D’autres usages sont superflus, voire futiles, comme le fart utilisé pour le ski, et peuvent être interdits. Dans quelle mesure la France soutient-elle l’initiative de certains pays européens de restreindre la famille des Pfas en fonction des usages ? Quelle sera sa position vis-à-vis de la révision du règlement européen sur les emballages alimentaires, actuellement discutée dans le cadre du trilogue ?

Réponse du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires :

Il y a quelques jours, vous avez remis au Gouvernement votre rapport sur les composés Pfas, qui comprend dix-huit recommandations articulées autour de deux grands axes : mieux connaître pour mieux lutter. Vous y soulignez notamment que derrière l’appellation de Pfas, on trouve à la fois des molécules dont les propriétés sont connues et une immense majorité d’entre elles pour lesquelles les données sont parcellaires ou absentes et qui nécessitent que la recherche et la science progressent, en matière de métrologie, d’établissement de normes de rejet et d’études sur les interactions de certains monomères et polymères.

Vos conclusions rejoignent la philosophie globale du premier plan ministériel en six axes dont la France s’est dotée, il y a un peu plus d’un an, et qui comportait une part européenne sur laquelle vous m’interpellez plus spécifiquement. En 2023, six pays : la Norvège, le Danemark, l’Allemagne, les Pays-Bas, le Luxembourg et la France, ont signé une déclaration commune afin de se doter d’une réglementation ambitieuse sur les emballages et de poser des principes d’interdiction. La France, membre de cette coalition, souhaite que nous agissions en Européens sur ce point.

Le premier rendez-vous de vérité et de cohérence porte sur la révision des règles en matière d’emballage, en particulier alimentaire. Le texte comprend deux dimensions : la volonté d’interdire le bisphénol A à l’échelle européenne – il est déjà interdit en France depuis 2015 – et celle d’interdire la présence de Pfas dans les emballages alimentaires. La France soutient cette position et souhaite, en tant que pays européen, que cette règle s’applique partout en Europe. Comptez sur notre mobilisation et sachez que nous sommes déjà en train d’étudier celles de vos dix-huit recommandations qui pourront être engagées dans quelques mois.

AN, 7 févr. 2024.

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