o Langue vert d’eau

Vous saurez tout sur l’écocide, la clôture de bassin versant, la prolifération d’algues, le traitement par aération, le biocharbon, le réensauvagement, la cellule sédimentaire et l’anxiété écologique.

En attendant d’être introduit dans le code pénal, l’écocide fait déjà son entrée dans le dictionnaire, avec cette définition : « Action ou ensemble d’actions délibérées, commises alors même que leurs auteurs savent qu’elles auront des conséquences néfastes pour l’environnement, qui entraînent la destruction d’un écosystème ou d’une espèce particulière, ou qui leur infligent des dommages étendus, graves et durables ».

Moins grave, mais également dommageable, est la clôture de bassin versant, définie comme la fermeture, provoquée par des actions anthropiques, du cours d’eau d’un bassin versant qui, dès lors, ne va plus jusqu’à la mer ou jusqu’à la confluence. Une note précise que la clôture de bassin versant est souvent causée par la dérivation de l’eau en dehors de ce bassin et par l’irrigation des cultures. Une autre ajoute qu’un bassin versant fermé naturellement est appelé « cuvette endoréique ».

Toujours dans les mauvaises nouvelles, on trouve la prolifération d’algues, traduction logique de l’anglais algal bloom, définie comme la croissance rapide et massive d’algues due à des rejets excessifs d’azote et de phosphore dans des milieux aquatiques, éventuellement associés à des conditions de température élevées. Une note souligne que la prolifération d’algues est une manifestation de l’eutrophisation.

Parmi les moyens visant à combattre ces phénomènes négatifs, on peut utiliser le traitement par aération, une expression qui regroupe toutefois deux pratiques bien distinctes. La définition en est d’ailleurs laborieuse et assez mal formulée : « Technique de dépollution qui consiste à injecter de l’air dans les sols ou dans les eaux afin, soit d’entraîner dans l’atmosphère des composés volatils, soit de faciliter la biodégradation aérobie des polluants organiques qu’ils contiennent ». La Commission d’enrichissement de la langue française (CELF) a en réalité traduit par une seule expression trois termes anglais qui s’appliquent à des techniques voisines mais différentes : air sparging, biosparging et bioventing.

Un autre néologisme plus simple est le biocharbon, qui désigne du charbon issu de la pyrolyse de biomasse, par exemple le charbon de bois ou le charbon actif. Une note ajoute que le biocharbon est utilisé notamment comme combustible, comme amendement agricole et comme agent de purification des eaux. On aurait pu y ajouter la purification de l’air, comme le signale déjà le chant XXII de l’Odyssée.

Au-delà du simple traitement, on peut aller jusqu’au réensauvagement, traduction malencontreuse de l’anglais rewilding : c’est l’ensemble des actions qui visent à rétablir un fonctionnement naturel d’écosystèmes de milieux anthropisés, pour les laisser ensuite évoluer sans intervention de l’homme. Une note ajoute que cela consiste, par exemple, à supprimer des barrages, à remettre en état des zones humides, à laisser une forêt évoluer naturellement ou à restaurer des corridors biologiques. La CELF semble avoir mélangé le réensauvagement et la renaturation.

Les deux dernières expressions relevant du domaine de l’eau sont la cellule sédimentaire, ou hydrosédimentaire, et le casier sédimentaire, ou hydrosédimentaire. La cellule est une « portion de littoral ou de berge qui se caractérise par un fonctionnement géomorphologique et dynamique particulier en matière de transports sédimentaires transversaux et longitudinaux, et qui associe une zone d’érosion et une zone d’accrétion ». Le casier est un « ensemble de cellules sédimentaires adjacentes qui présentent une homogénéité du fait de leur approvisionnement en sédiments, de l’orientation des courants marins côtiers ou de la morphologie des fleuves ».

Contrairement à d’autres mentionnées plus haut, ces deux expressions sont très bien trouvées. La cellule sédimentaire est un concept clair, que l’anglais n’est pourtant pas capable d’exprimer par une seule expression : outre hydro-sedimentary cell et sedimentary cell, il utilise aussi les expressions littoral cell et littoral sediment cell. Quant au casier sédimentaire, il n’a pas encore d’équivalent outre-Manche.

Deux notes ajoutent en outre des précisions intéressantes à la première définition : d’abord, les limites d’une cellule sédimentaire, qui s’étend généralement sur plusieurs kilomètres, peuvent être naturelles, dans le cas de caps ou de fleuves, ou artificielles, dans le cas de digues ou de jetées. Ensuite, la cellule sédimentaire définit une zone géographique dans laquelle le bilan sédimentaire peut être estimé.

Et si tout cela vous inquiète, vous souffrez peut-être d’anxiété écologique ou d’écoanxiété : ces deux expressions sont utilisées pour traduire le néologisme australien solastalgia et décrire l’anxiété liée à la crainte d’altérations, réelles ou envisagées, de l’environnement, notamment du climat et de la biodiversité. On notera toutefois que l’encyclopédie en ligne Wikipédia, qui ne fait pas autorité, traduit solastalgia par solastalgie et précise qu’il ne faut pas la confondre avec l’éco-anxiété. À qui se fier ?

Commission d’enrichissement de la langue française : vocabulaire de l’environnement (liste de termes, expressions et définitions adoptés) (JO 4 août 2022, texte n105)

Vocabulaire de la santé (liste de termes, expressions et définitions adoptés) (JO 7 août 2022, texte n76).

Retour