Le barrage Rhônergia n’est pas encore construit

La loi a prescrit l’étude de ce nouvel ouvrage, mais pas sa réalisation. L’État pourra encore décider d’abandonner ce projet au stade des études approfondies, ou par la suite refuser de l’autoriser.

Question de Gabriel Amard, député (LFI) du Rhône :

À l’heure où la lutte contre la crise climatique est d’une urgence absolue, où la biodiversité s’effondre partout dans le monde et où nous sommes entrés dans la sixième extinction de masse, votre gouvernement trouve le moyen d’amplifier le problème. L’État ordonne et la Compagnie nationale du Rhône (CNR) s’exécute pour construire un énième barrage hydroélectrique, entre les départements de l’Ain et de l’Isère, nommé Rhônergia.

Cette installation entraînera l’artificialisation des 25 derniers kilomètres du Rhône restés à l’état sauvage. Ses travaux causeront la destruction d’un biotope unique, abritant notamment 32 espèces d’oiseaux répertoriées, dont 21 protégées. De plus, ces travaux auront des effets négatifs sur le sol et le sous-sol, mais aussi sur les nappes d’accompagnement du fleuve, qui fournissent les villages d’alentour en eau potable. Autre conséquence possible : la contamination de l’eau potable de toute la métropole de Lyon. En effet, ce projet induira le brassage de polychlorobiphényles (PCB).

Pouvons-nous tolérer la réalisation d’un tel projet et une mise en danger supplémentaire de la santé de nos concitoyens, alors même que la zone où il sera mené est déjà massivement contaminée par des substances polyfluoroalkylées ou perfluoroalkylées (Pfas), au point que les seuils de dangerosité pour la santé humaine y sont atteints ? Par ailleurs, à l’endroit même où ce barrage est censé être construit se trouvent 150 tombes gauloises et celtes. Ainsi, en plus d’un bouleversement de la biodiversité, la réalisation du projet provoquera la destruction d’un site historique.

L’urgence est aujourd’hui à la sobriété et l’heure n’étant plus à la croissance sans fin, dans ce domaine comme dans tant d’autres, partons des besoins réels ! Alors que la construction du barrage Rhônergia est estimée à 330 M, ne serait-il pas plus judicieux d’investir dans d’autres projets ? Je pense à l’entretien sérieux des 19 barrages existants, préférable à leur ouverture à la concurrence, et à la réhabilitation des moulins.

Réponse de la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité :

Le nouveau cahier des charges de la concession du Rhône a été validé par la loi no 2022-271 du 28 février 2022 relative à l’aménagement du Rhône, adoptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale et le Sénat. Il prévoit l’étude et, le cas échéant, la réalisation d’un nouvel aménagement hydraulique sur le Rhône, en amont de sa confluence avec l’Ain, d’une puissance maximale brute d’environ 40 MW. À ce jour, aucune décision n’a encore été prise concernant ce projet.

La Commission nationale du débat public a été saisie du projet Rhônergia et une concertation préalable avec garant s’est déroulée jusqu’au 29 février. Il reviendra ensuite à Roland Lescure, ministre délégué chargé de l’industrie et de l’énergie, de décider, en fonction des recommandations du public et du bilan de la concertation, la poursuite ou l’abandon des études relatives à ce projet. Dans le cas où leur poursuite serait décidée, la CNR devrait conduire l’ensemble des études approfondies qui permettront de caractériser les impacts précis du projet, notamment environnementaux et patrimoniaux.

Ces études sont du reste nécessaires à la constitution du dossier de demande d’autorisation. Ce n’est qu’une fois ces différentes étapes franchies que l’État sera amené à prendre une décision sur la réalisation éventuelle du projet, en évaluant sa contribution à l’atteinte des objectifs de la programmation pluriannuelle de l’énergie, ainsi qu’à la gestion équilibrée et durable des ressources en eau.

AN, 13 févr. 2024, 1re séance.

NDLR : Rappelons tout de même que la Commission européenne n’a accepté la prolongation de la concession de la CNR qu’en échange d’un programme de travaux de 700 M€ sur vingt ans. Si ce barrage n’est pas réalisé, il faudra dépenser un montant équivalent à son coût dans d’autres investissements, qui ne seront pas évidents à trouver.

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