o Les contractuels de l’ONF peuvent aussi constater les infractions concernant l’eau

Un agent de droit privé n’est pas une personne privée quand il travaille pour une personne morale de droit public. De plus, la loi limite et encadre autant que nécessaire les modalités de constatation des infractions par les contractuels de l’ONF, notamment au titre du code de l’environnement et du code de la santé publique.

Pour sortir l’Office nationale des forêts d’une crise profonde et durable, l’ordonnance n2022-839 du 1er juin 2022 relative aux agents de l’Office national des forêts (ONF) a transformé les règles de gestion de son personnel. Elle a notamment créé une catégorie d’agents contractuels de droit privé, régis par le code du travail, comme indiqué dans l’article L. 222-6 du code forestier, tel que modifié par cette ordonnance.

Cette ordonnance a donné à ces agents contractuels la mission de constater certaines infractions au code forestier et à d’autres codes. L’article L. 161-4 du code forestier, tel que modifié par ce texte, précise qu’ils peuvent les constater, mais pas les rechercher, et sous réserve d’avoir été au préalable commissionnés et assermentés. Ils n’ont donc pas de pouvoir d’enquête.

Polices de l’eau et de la pêche, milieux aquatiques et eau potable

Il en est de même pour les infractions à certaines dispositions du code de l’environnement, notamment à ses articles L. 210-1 à L. 217-3 dans le titre Eau et milieux aquatiques, à ses articles L. 231-1 à L. 231-5 dans le titre Des atteintes générales aux milieux physiques, à ses articles L. 411-1 A à L. 415-8 dans le titre Protection du patrimoine naturel, et à ses articles L. 430-1 à L. 438-2 dans le titre Pêche en eau douce et gestion des ressources piscicoles. Et pour le code de la santé publique, cela concerne les articles L. 1321-1 A à L. 1321-10 dans le chapitre Eaux potables, et les articles L. 1322-1 à L. 1322-3 dans le chapitre Eaux minérales naturelles.

Cette faculté de constater des infractions est vivement contestée par le Syndicat national unifié des personnels des forêts et de l’espace naturel (Snupfen Solidaires), qui a déposé à son encontre une question prioritaire de constitutionnalité. Le syndicat reproche à ces articles de permettre à l’ONF d’employer des agents contractuels de droit privé, en vue notamment de l’accomplissement de ses missions de police administrative. Ils violeraient ainsi l’article 12 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.

De plus, en leur confiant le pouvoir de constater un grand nombre d’infractions, d’autres articles du code forestier, du code de l’environnement et du code de la santé publique méconnaîtraient l’article 66 de la Constitution dont il résulte que la police judiciaire doit être placée sous la direction et le contrôle de l’autorité judiciaire.

L’ONF est une personne morale de droit public

L’article 12 de la Déclaration de 1789 prévoit l’institution d’une force publique pour l’avantage de tous. Cela interdit de déléguer à des personnes privées des compétences de police administrative générale inhérentes à l’exercice de la force publique nécessaire à la garantie des droits. Mais l’article L. 221-1 du code forestier dispose que l’ONF est une personne morale de droit public : si elle emploie des agents contractuels de droit privé accomplissant pour son compte des missions de police administrative, il n’en résulte pas qu’elle délègue à des personnes privées des compétences de police administrative générale. L’article L. 222-6 est donc conforme à la Constitution.

En matière forestière, ces agents contractuels de droit privé doivent être commissionnés et assermentés pour constater, sans les rechercher, les délits et contraventions prévus par le code forestier. Ils doivent transmettre dans les cinq jours l’original de leurs procès-verbaux au procureur de la République, pour un délit, ou au directeur régional de l’administration chargée des forêts, pour une contravention, et une copie à l’autre autorité. « Compte tenu des prérogatives ainsi confiées à ces agents et de leurs modalités d’exercice, les dispositions contestées ne méconnaissent pas l’exigence de direction et de contrôle de l’autorité judiciaire sur la police judiciaire résultant de l’article 66 de la Constitution. »

Agents commissionnés et assermentés

En matière d’environnement ou de santé publique, les mêmes règles s’appliquent, si ce n’est que l’original du procès-verbal est toujours transmis au procureur de la République. Et en matière d’environnement, ils ne peuvent exercer leurs pouvoirs particuliers que pour constater certaines infractions et sous le contrôle, selon le cas, du procureur ou d’un officier de police judiciaire (OPJ). En particulier, ils ne peuvent retenir l’auteur d’une infraction que pendant le temps nécessaire à l’information et à la décision de l’OPJ. La conclusion du Conseil constitutionnel est donc la même pour le code forestier, le code de l’environnement et le code de la santé publique : toutes les dispositions contestées sont jugées conformes à la Constitution.

Décision no 2023-1042 QPC du 31 mars 2023 (JO 4 avr. 2023, texte no 90).

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