L’hydroélectricité pourrait passer à un régime d’autorisation d’exploitation

Pour se réconcilier avec la Commission européenne, la France pourrait proposer de faire disparaître le régime de concession pour les grands barrages hydroélectriques. Des autorisations d’exploitation seraient délivrées à la place, assorties d’un cahier des charges, ce qui permettrait de transmettre le patrimoine aux exploitants sans mise en concurrence.

Question de Daniel Chasseing, sénateur (Indep) de la Corrèze :

Depuis une mise en demeure du 22 octobre 2015, la Commission européenne entend imposer à la France de remettre en concurrence les concessions des barrages hydroélectriques. Or l’hydroélectricité, énergie renouvelable, flexible et stockable, demande de la visibilité et de la stabilité. L’étude Futurs énergétiques 2050, publiée par Réseau de transport d’électricité (RTE), rappelle que son développement constitue une ressource indispensable, quel que soit notre futur mix énergétique, et qu’il faudra installer près de 5 GW supplémentaires dans ce délai.

Le potentiel pour ces développements existe, qu’il s’agisse de modernisation des ouvrages existants, de nouvelles stations de transfert d’énergie par pompage (Step) ou de nouvelles installations. Cependant, les investissements sont toujours bloqués en raison du contentieux à l’échelon européen. Le 12 octobre 2022, devant le Sénat, la Première ministre a annoncé vouloir promouvoir l’hydroélectricité en proposant « un nouveau cadre législatif qui permettra de relancer rapidement les investissements dans nos barrages sans passer par une mise en concurrence ».

Le projet de loi de programmation sur l’énergie et le climat devrait être présenté en début d’année. Quelles dispositions le Gouvernement entend-il prendre dans ce texte pour libérer enfin les investissements pour les barrages, sans passer par une mise en concurrence ? Est-ce possible en passant d’un régime de concession à un régime d’autorisation d’exploitation ?

Réponse de la ministre de la transition énergétique :

Je suis engagée sans aucune réserve dans le développement de l’hydroélectricité. Aujourd’hui, la France compte 2 600 installations hydroélectriques, avec une puissance de 26 GW. C’est notre première énergie renouvelable : elle est pilotable et permet de renforcer la résilience de notre système électrique. Elle sera donc essentielle pour atteindre nos objectifs climatiques et pour sécuriser notre approvisionnement en énergie.

Comme vous le rappelez, la Commission européenne a engagé un précontentieux contre la France, ce qui bloque un certain nombre d’investissements dans des concessions aujourd’hui échues. C’est pourquoi je travaille sur plusieurs pistes, qui doivent répondre à cinq objectifs clairs. Premièrement, relancer rapidement les projets de développement actuellement bloqués, notamment des projets de Step. Deuxièmement, garder la pleine maîtrise de notre parc hydroélectrique en évitant les mises en concurrence.

Troisièmement, favoriser les synergies entre les usages de l’eau, compte tenu de la raréfaction de la ressource. Tous les usages possibles doivent être pris en compte dans la conception et l’exploitation de chaque installation. Quatrièmement, faire en sorte que l’ensemble des bénéfices générés par l’exploitation des concessions bénéficient in fine à la collectivité. Cinquièmement, disposer de contrats souples avec des possibilités de modifications relativement vastes pour adapter ces derniers aux évolutions des besoins.

Sur ces points, Bruno Le Maire et moi-même avons engagé avec les entreprises concernées des discussions avec la Commission européenne sur le principe de l’autorisation d’exploitation, laquelle permet une transmission du patrimoine aux opérateurs avec un cahier des charges très sécurisé. Certains d’entre vous sont prêts à porter le projet à Bruxelles, je les en remercie. Nous allons parallèlement engager les premiers investissements, comme le permet la loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables.

Réplique de Daniel Chasseing :

Depuis cette mise en demeure européenne, nous avons perdu dix ans dans le financement de travaux de modernisation qui permettraient l’augmentation de production des barrages et la mise en place de Step. Sans prorogation des concessions, EDF ne pouvait en effet pas investir. Si le régime d’autorisation permet d’exclure la mise en concurrence en attribuant ces infrastructures à EDF, c’est une bonne nouvelle.

Sénat, 20 déc. 2023.

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