o Mesures d’urgence pour l’approvisionnement en gaz

Le Conseil constitutionnel a validé des dérogations au code de l’environnement, mais seulement en cas de menace grave sur la sécurité d’approvisionnement en gaz.

On ne trouve pas grand-chose affectant le domaine de l’eau dans cette loi fourre-tout : tout au plus trois articles qui visent à éviter à la France de se retrouver à sec de gaz l’hiver prochain. En revanche, ce texte a donné lieu à une décision importante du Conseil constitutionnel, en matière d’environnement.

L’article 27 de cette loi vise à développer la production de biogaz et de toute autre forme de gaz renouvelable, en particulier issu de la méthanisation agricole ; on peut y ajouter la méthanisation des boues d’épuration. Dans la programmation pluriannuelle de l’énergie, le volet relatif à la sécurité de l’approvisionnement identifie les mesures de soutien nécessaires pour accélérer et développer les projets de production de ces gaz. Cet ajout s’applique aux programmations publiées à compter du 17 août 2022.

Les plans climat-air-énergie et les schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires, le schéma régional du climat, de l’air et de l’énergie de l’Île-de-France et les plans climat-air-énergie territoriaux comportent des objectifs relatifs aux installations de production de biogaz. Ils sont consultables à partir d’un portail national du biogaz, dont les modalités de fonctionnement sont détaillées par un décret en Conseil d’État.

Guichet unique pour les installations de production de biogaz

À titre expérimental et pour une durée de trois ans, l’État peut instituer, pour les porteurs de projets d’installation de production de gaz, un guichet unique rassemblant les services chargés de l’instruction des autorisations relevant de la compétence des administrations de l’État, de ses établissements publics administratifs ou d’organismes et de personnes de droit public ou de droit privé chargés par lui d’une mission de service public administratif. Les ministres chargés de l’énergie et de l’agriculture assurent conjointement le pilotage, le suivi et l’évaluation de cette expérimentation, dont les modalités et la date d’entrée en vigueur seront précisées par décret en Conseil d’État.

Les articles 29 et 30 de cette loi visent également à prémunir la France des effets de la guerre d’invasion perpétrée par la Russie en Ukraine, en allégeant les obligations environnementales pesant sur les terminaux méthaniers flottants. D’abord, le ministre chargé de l’énergie peut obliger par arrêté un tel équipement existant à rester en service ; il y en a pour l’instant quatre.

Ce terminal demeure soumis à l’ensemble des prescriptions prises par le représentant de l’État dans le département sur proposition de l’autorité investie du pouvoir de police portuaire, notamment en matière de marchandises dangereuses. Ces prescriptions précisent les obligations liées au démantèlement ou à l’adaptation des installations et des équipements à l’issue de leur exploitation, dont les éventuelles obligations de renaturation du site.

En outre, si un projet de terminal méthanier flottant est réalisé dans le port du Havre, il peut bénéficier d’une procédure environnementale dérogatoire, de même que la canalisation de transport du gaz naturel qu’il alimentera, à condition que sa durée d’exploitation ne dépasse pas cinq ans. L’autorisation de construction et d’exploitation d’une canalisation délivrée en application de cette procédure dérogatoire confère à son bénéficiaire les mêmes droits qu’une autorisation délivrée en application du code de l’environnement.

L’instruction du projet de terminal peut être dispensée d’évaluation environnementale, le cas échéant après l’examen au cas par cas. Cette dispense est accordée par le ministre chargé de l’environnement.

Dispense d’évaluation environnementale

Avant d’accorder la première autorisation relative au projet, l’autorité compétente transmet à ce ministre et publie sur internet son projet de décision motivée dispensant le projet d’évaluation environnementale, avec un dossier établi par le porteur du projet présentant une analyse des incidences notables du projet sur l’environnement et la santé humaine, assortie des mesures d’évitement et de réduction de ces incidences ainsi que, le cas échéant, des mesures de compensation qu’il prévoit, et les raisons pour lesquelles la réalisation d’une évaluation environnementale porterait atteinte à la finalité poursuivie par le projet.

Pour les seuls travaux et aménagements portuaires, la dérogation aux obligations de protection des espèces et des habitats peut être délivrée avant qu’aient été définies l’ensemble des mesures nécessaires pour compenser les atteintes prévues ou prévisibles à des espèces protégées et à leurs habitats. Il faut toutefois que la dérogation prescrive, avant l’engagement des travaux, les mesures d’évitement et de réduction des atteintes imposées au pétitionnaire.

En tant que de besoin, la dérogation fixe le type de mesures permettant d’atteindre un objectif d’absence de perte nette, voire de gain, de biodiversité. Dans cette hypothèse, les mesures de compensation nécessaires sont prescrites dans un délai de quatre mois à compter de la délivrance de la dérogation et sont appliquées dans un délai fixé par la dérogation, qui ne peut dépasser dix-huit mois.

Une étude sur les impacts environnementaux associés à l’exploitation du terminal, notamment en matière d’atteintes à la biodiversité et de consommation d’eau et d’autres ressources naturelles, est réalisée par l’exploitant du terminal dans les six mois qui suivent sa mise en service. Cette étude précise le scénario de référence retenu, les hypothèses de détermination des impacts et, le cas échéant, les incertitudes et les impossibilités de quantification de certains impacts. Elle est notifiée par l’exploitant au représentant de l’État dans le département, qui la met à la disposition du public par voie électronique et la transmet sans délai aux communes et à l’établissement public de coopération intercommunale compétent.

Le représentant de l’État dispose d’un mois pour décider si cette étude présente un caractère complet et suffisant. S’il estime que ce n’est pas le cas, l’exploitant dispose de deux mois pour compléter l’étude et lui notifier cette nouvelle version. Dans les deux cas, le silence du représentant de l’État vaut décision implicite de dossier complet et suffisant.

Incidences des travaux sur la ressource en eau

L’autorité compétente peut délivrer au gestionnaire du réseau de transport l’autorisation de construction et d’exploitation de la canalisation de transport de gaz naturel et de ses installations annexes au vu de la seule étude de dangers. Toutefois, si les caractéristiques de la canalisation ou des travaux ou aménagements liés à sa construction dépassent les seuils fixés en matière de police de l’eau, le gestionnaire doit ajouter un document indiquant les incidences des travaux de construction et d’exploitation de la canalisation sur la ressource en eau et décrivant, le cas échéant, les mesures envisagées afin d’assurer la compatibilité du projet avec le schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux et le schéma d’aménagement et de gestion des eaux.

La demande d’autorisation est communiquée pour avis aux communes traversées par la canalisation ou à l’établissement public de coopération intercommunale exerçant la compétence en matière d’urbanisme ainsi qu’aux communes situées à moins de 500 mètres de la canalisation. Les avis sont réputés favorables s’ils n’ont pas été rendus dans un délai d’un mois à compter de la communication de la demande d’avis. L’autorisation de construction et d’exploitation ne peut être délivrée qu’après l’accomplissement d’une procédure de participation du public.

Démarrage des travaux avant leur déclaration

Lorsque des travaux sont nécessaires à la préparation des travaux de construction et de pose de la canalisation, qu’ils doivent être réalisés dans un milieu déjà artificialisé, et qu’ils ne sont par eux-mêmes soumis qu’à un régime déclaratif, ils peuvent démarrer avant l’obtention de l’autorisation de construire et d’exploiter la canalisation et, le cas échéant, avant le dépôt des déclarations prévues au titre de la police de l’eau.

Au cours de l’instruction du projet et au moins une fois par an pendant la durée d’exploitation du terminal, le représentant de l’État communique à la commission de suivi de site territorialement compétente les informations relatives aux nuisances, dangers et inconvénients présentés par les infrastructures et installations bénéficiant de cette dérogation.

En cas d’incident significatif ou d’accident survenant sur ces infrastructures et installations, le ministre chargé de l’environnement saisit sans délai l’organisme permanent spécialisé et le bureau d’enquêtes et d’analyses sur les risques industriels aux fins de réalisation d’une enquête technique, dans leurs domaines de compétence.

Six mois avant la fin de l’exploitation du terminal, l’exploitant remet une étude sur les conditions de démantèlement de l’exploitation, sur les mesures de compensation appliquées et sur l’état de la biodiversité et des sols. Le représentant de l’État la met à disposition du public par voie électronique et la transmet sans délai au Parlement ainsi qu’aux communes et à l’établissement public de coopération intercommunale compétent.

Ces articles 29 et 30 ont été contestés par les députés de gauche, au motif qu’ils méconnaîtraient l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de l’environnement et les articles premier, 5 et 6 de la Charte de l’environnement : en prévoyant des dérogations « nombreuses et disproportionnées » aux règles environnementales pour le maintien en service d’un terminal méthanier flottant et pour l’installation d’un autre au Havre, le législateur aurait autorisé des attentes irréversibles à l’environnement.

Atteintes à l’environnement

Le Conseil constitutionnel admet en effet que l’installation et l’exploitation de ces équipements est susceptible de porter atteinte à l’environnement. Mais il se livre à un exercice d’équilibre assez classique entre plusieurs objectifs de valeur constitutionnelle :

« Il résulte des travaux préparatoires que ces dispositions visent à répondre à des difficultés d’approvisionnement énergétique en gaz par l’augmentation des capacités nationales de traitement de gaz naturel liquéfié. Ce faisant, elles mettent en œuvre les exigences constitutionnelles inhérentes à la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation, au nombre desquels figurent l’indépendance de la Nation ainsi que les éléments essentiels de son potentiel économique. […]

« Il résulte cependant du préambule de la Charte de l’environnement que la préservation de l’environnement doit être recherchée au même titre que les autres intérêts fondamentaux de la Nation et que les choix destinés à répondre aux besoins du présent ne doivent pas compromettre la capacité des générations futures à satisfaire leurs propres besoins. Dès lors, sauf à méconnaître l’article [premier] de la Charte de l’environnement, [les articles 29 et 30] ne sauraient s’appliquer que dans le cas d’une menace grave sur la sécurité d’approvisionnement en gaz. »

Sous cette réserve, et compte tenu des obligations environnementales détaillées dans ces articles, les dispositions contestées ne méconnaissent pas l’article premier de la Charte de l’environnement, pas plus que ses articles 5 à 7 ni aucune autre exigence constitutionnelle. Elles sont donc, sous cette même réserve, conformes à la Constitution.

Loi n2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat

Conseil constitutionnel : décision n2022-843 DC du 12 août 2022 (JO 17 août 2022, textes nos 2 et 5).

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