Pas de financement supplémentaire pour la restauration des digues transférées

Les communes et les EPCI peuvent instituer la taxe Gemapi ou mettre en place une redevance pour service rendu.

Question de Joël Bigot, sénateur (SER) de Maine-et-Loire :

Sous l’effet du réchauffement climatique, les inondations sont de plus en plus violentes et fréquentes. Le bassin ligérien est aux premières loges. La loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (Maptam) a confié les digues non domaniales aux intercommunalités depuis 2018, tandis que les digues domaniales leur seront transférées le 28 janvier 2024, dans le cadre de la montée en puissance de leur compétence de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations (Gemapi).

Mon département compte ainsi 135 kilomètres de digues, dont 42 kilomètres relèvent de l’État. Ce dernier s’était engagé à faire des travaux avant de rétrocéder ces digues. Ainsi, en mars 2019, Emmanuelle Wargon, alors secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et solidaire, déclarait : « Dans cette période transitoire jusqu’à 2024, l’État travaille en étroite collaboration avec les collectivités chargées de la Gemapi, que ce soit pour les modalités de gestion de ces ouvrages, la réalisation de travaux de renforcement ou encore la préparation des dossiers d’autorisation de systèmes d’endiguement. Ces travaux ne seront donc plus à mener par les collectivités par la suite. »

Or que constate-t-on sur le terrain ? Des travaux insuffisants, un financement largement défaillant de la part de l’État, et des collectivités dupées au regard de l’ampleur des coûts d’entretien. La taxe Gemapi, même portée au plafond de 40  par habitant, ne permettrait pas de couvrir la charge, qui est immense. Dans leur rapport de novembre 2018, l’Inspection générale de l’administration (IGA) et le Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) vous alertaient déjà sur l’état des digues transférées.

Toutes les digues ne sont pas égales devant les charges publiques

Êtes-vous aujourd’hui en mesure de rassurer les élus locaux sur la capacité de l’État à honorer ses engagements en matière de soutien financier ? Un fonds de compensation peut-il être envisagé pour mettre fin à l’inégalité de traitement entre les digues domaniales et non domaniales, afin de consolider le système d’endiguement sur l’ensemble des bassins, et notamment celui de la Loire ?

Réponse du secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité :

En effet, la loi Maptam a créé la Gemapi : une nouvelle compétence exclusive et obligatoire de gestion des milieux aquatiques au profit des communes. Dans ce cadre, les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) assument la gestion des ouvrages de protection contre les inondations, c’est-à-dire l’entretien, la surveillance, l’ingénierie et les travaux.

Depuis le 1er janvier 2018, les EPCI sont devenus gestionnaires des ouvrages de protection. Afin de préparer la transition entre les anciens et les nouveaux gestionnaires, des périodes transitoires ont été prévues, notamment pour faciliter la mise en place des systèmes d’endiguement. C’est le cas notamment pour les digues de l’État. Ainsi, les digues achevées avant la date d’entrée en vigueur de la loi Maptam et qui appartiennent à une personne morale de droit public sont mises gratuitement à la disposition, selon le cas, de la commune ou de l’EPCI à fiscalité propre compétent pour la défense contre les inondations.

Transfert des digues gérées par l’État en 2024 au plus tard

Lorsqu’il gère des digues à la date d’entrée en vigueur de la loi Maptam, l’État ou l’un de ses établissements publics continue d’assurer cette gestion pour le compte de la commune ou de l’EPCI pendant une durée de dix ans, soit jusqu’au 28 janvier 2024. Une convention doit déterminer l’étendue de ce concours et les moyens matériels et humains qui y sont consacrés. Toutefois, les intercommunalités qui le souhaitent peuvent reprendre la gestion de ces digues avant 2024.

Concernant le financement, la loi Maptam a créé la taxe Gemapi, qui est facultative. Les communes et les EPCI à fiscalité propre peuvent instituer cette taxe ou mettre en place une redevance pour service rendu, qui constitue également une ressource importante.

Taxe Gemapi, fonds Barnier et Aquaprêt

Le fonds de prévention des risques naturels majeurs, ou fonds Barnier, peut également être mobilisé pour des études, des travaux et des ouvrages d’équipement par les territoires à risque important d’inondation, où une stratégie locale de gestion du risque est définie et mise en œuvre dans le cadre d’un programme de prévention des inondations.

Enfin, le dispositif Aquaprêt, géré par la Caisse des dépôts et consignations à hauteur de 2 Md, a été étendu à la Gemapi depuis la fin du mois de janvier 2019. Il peut donc être mobilisé dans ce cadre.

Réplique de Joël Bigot :

L’ampleur des travaux est telle qu’on ne peut pas laisser les collectivités sans solution de financement ni accompagnement. À titre d’exemple, le coût des travaux de restauration d’une digue que je connais et qui protège 60 000 habitants s’élèverait à 1 Md€ !

Sénat, 23 mars 2021.

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