o Préemption pour la préservation des ressources en eau

La collectivité organisatrice du service d’eau potable peut demander à exercer un droit de préemption sur les terrains agricoles dans son aire d’alimentation des captages.

Créé par l’article 118 de la loi no 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique, le droit de préemption pour la préservation des ressources en eau destinées à la consommation humaine (EDCH) est régi par les articles L. 218-1 à L. 218-14 du code de l’urbanisme.

Certains de ces articles ont été modifiés par l’article 191 de la loi no 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, [à] la décentralisation, [à] la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale. Un décret en Conseil d’État était prévu dès 2019 pour appliquer ces articles, mais il a semblé préférable d’attendre la modification de 2022 pour le publier.

Quel est le préfet compétent ?

Le présent texte crée donc dans le code de l’urbanisme des articles R. 218-1 à R. 218-21. Il lui a manqué une dernière relecture, ce qui se traduit par au moins une erreur de renvoi, et sans doute par d’autres :

• Art. R. 218-1 : L’autorité administrative de l’État compétente pour instituer ce droit de préemption est le préfet du département où se situent les surfaces agricoles comprises dans le périmètre du territoire sur lequel l’institution du droit de préemption est envisagée en vue de la protection de l’aire d’alimentation des captages (AAC) utilisés par le service d’eau potable pour l’alimentation en EDCH.

Lorsque la demande concerne des surfaces agricoles situées dans plusieurs départements, le préfet du département où se situe le point de prélèvement est chargé de l’instruction de cette demande. Il informe les autres préfets concernés dès réception de la demande.

NDLR : Et si le point de prélèvement est situé dans un département, et toutes les surfaces agricoles concernées dans un autre ?

Étude hydrogéologique de l’aire d’alimentation

• Art. R. 218-2 : Lorsque la commune, le groupement de communes ou le syndicat mixte compétent pour contribuer à la préservation de la ressource en eau demande l’institution de ce droit de préemption, il adresse sa demande au préfet territorialement compétent. La demande comprend une délibération en ce sens du conseil municipal ou de l’organe délibérant du groupement ou du syndicat mixte, un plan présentant le périmètre du territoire concerné et une étude hydrogéologique portant sur cette AAC.

Elle comprend aussi une note présentant le territoire et ses pratiques agricoles, et précisant les démarches d’animation et les actions entreprises par le servie d’eau potable, avec leur bilan. Si le service a défini un plan d’action visant à contribuer au maintien ou à l’amélioration de la qualité de la ressource, comme le permet l’article R. 2224-5-3 du code général des collectivités territoriales (CGCT), la personne publique produit ce plan et ses rapports annuels. La demande comprend enfin un argumentaire précisant les motifs qui conduisent à solliciter l’instauration du droit de préemption et justifiant le choix du périmètre proposé.

• Art. R. 218-3 : Lorsque le dossier n’est pas complet et régulier, le préfet invite le demandeur à le compléter ou à le régulariser dans un délai qu’il fixe, dans la limite de six mois. Ce délai est renouvelable une fois. À défaut de production des pièces demandées dans le délai imparti, la demande est rejetée. Le délai mentionné à l’article R. 218-5 ci-après est suspendu à compter de la réception par le demandeur de la demande de communication d’informations complémentaires. Il reprend le jour de la réception par le préfet de la totalité des pièces et informations demandées.

Consultation de la commission locale de l’eau

• Art. R. 218-4 : Quand le dossier est complet, le préfet dispose de quinze jours pour saisir pour avis les communes situées dans le périmètre concerné, les établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière d’urbanisme et situés dans ce périmètre, les chambres départementales et régionales d’agriculture et les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (Safer) concernées, ainsi que le conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques et les commissions locales de l’eau concernés par le projet de périmètre.

Si le périmètre proposé inclut des terrains sur lesquels il existe un droit de préemption antérieurement instauré en application du présent texte au bénéfice d’une autre personne publique, celle-ci est consultée sur cette demande. S’il inclut des terrains situés à l’intérieur de plusieurs AAC qui se superposent, les collectivités organisatrices des services d’eau correspondants sont consultées sur cette demande. Tous les avis mentionnés dans le présent article sont réputés favorables à l’expiration d’un délai de quarante-cinq jours à compter de la réception de la saisine.

Motiver le rejet de la demande

• Art. R. 218-5 : Le préfet statue sur la demande dans les six mois qui suivent la réception du dossier complet. L’arrêté préfectoral instituant le droit de préemption en désigne le titulaire, délimite le périmètre sur lequel il s’applique et comporte l’énoncé des considérations de droit et de fait qui le motivent. Lorsque le périmètre concerne plusieurs départements, le droit de préemption est institué par arrêté conjoint de leurs préfets. La décision rejetant la demande est motivée. Le projet de décision est communiqué par le préfet chargé de l’instruction au demandeur, qui dispose de quinze jours pour présenter ses observations éventuelles par écrit.

• Art. R. 218-6 : L’arrêté fait l’objet d’une publication au recueil des actes administratifs du ou des départements concernés. Mention en est insérée dans deux journaux locaux. Les effets juridiques attachés à l’institution du droit de préemption ont pour point de départ l’exécution de l’ensemble de ces formalités de publicité.

Une copie de l’arrêté instituant le droit de préemption et le plan précisant le périmètre du territoire concerné sont tenus à la disposition du public dans les mairies des communes concernées. Avis de ce dépôt est donné par affichage à la mairie. La copie et le plan sont adressés aux autres personnes publiques et organismes mentionnés à l’article R. 218-4 ci-dessus, aux chambres départementales des notaires, aux barreaux constitués près les tribunaux judiciaires dans le ressort desquels est délimité le périmètre sur lequel le droit de préemption est institué et au greffe de ces tribunaux.

• Art. R. 218-7 : Lorsqu’une parcelle est située à l’intérieur de plusieurs AAC d’eau potable relevant de personnes publiques différentes, l’arrêté précise l’ordre de priorité d’exercice des différents droits de préemption, en fonction des dates d’instauration de ces droits.

• Art. R. 218-8 : L’article L. 218-3 prévoit que ce droit de préemption peut être délégué, sur tout ou partie du périmètre, à une régie dotée de la personnalité morale et de l’autonomie financière, autrement dit à un établissement public local. Cette délégation est décidée par une délibération du conseil municipal ou de l’organe délibérant du titulaire du droit de préemption, où figurent les éventuelles conditions mises à l’exercice de cette délégation. Elle est retirée par une délibération prise dans les mêmes formes. Dans toutes les autres dispositions du présent texte, le délégataire est assimilé au titulaire du droit de préemption.

• Art. R. 218-9 : En cas d’usage d’un droit de préemption par la Safer, l’article R. 143-3 du code rural et de la pêche maritime (CRPM) confère certains droits aux salariés agricoles, aux aides familiaux, aux associés d’exploitation, aux fermiers ou métayers évincés et aux agriculteurs à titre principal expropriés. Ces dispositions s’appliquent aussi au droit de préemption institué en vertu du présent texte.

Saisine du juge de l’expropriation

• Art. R. 218-10 : Pour tout bien soumis au droit de préemption en vertu du présent texte, les articles R. 213-9 à R. 213-13 du code de l’urbanisme s’appliquent, sauf disposition contraire des présents articles R. 218-10 à R. 218-12.

Par conséquent, le titulaire du droit de préemption notifie au propriétaire son offre d’acquérir le bien au prix qu’il propose ou sa décision de renoncer à préempter. Le propriétaire dispose de deux mois pour renoncer à l’aliénation, ou pour accepter le prix et les modalités d’achat, ou pour maintenir son prix et accepter la saisine du juge de l’expropriation. Cette saisine ne peut être effectuée que par le titulaire du droit de préemption, qui peut y renoncer.

Si les parties s’accordent sur un prix de vente, ou si le juge fixe un prix et que le titulaire du droit de préemption l’accepte, un acte authentique est dressé dans les trois mois qui suivent cet accord ou une décision de justice définitive, pour constater le transfert de propriété.

Le présent article s’applique à tous les biens faisant l’objet d’une aliénation volontaire à titre onéreux, sous quelque forme que ce soit, sauf en cas d’adjudication dans les conditions détaillées aux articles R. 218-13 et R. 218-14 ci-après.

• Art. R. 218-11 : La déclaration obligatoire d’intention d’aliéner est adressée au titulaire du droit de préemption par lettre recommandée postale ou électronique avec accusé de réception ou par dépôt contre décharge. Elle est établie dans les formes prescrites par un arrêté du ministre chargé de l’urbanisme.

Documents à fournir par le propriétaire avant la vente

• Art. R. 218-12 : Le délai de deux mois attribué au titulaire du droit de préemption, après réception de la déclaration d’intention d’aliéner, court à compter de la date de l’avis de réception de l’accusé de réception ou d’enregistrement, ou à compter de la date de la décharge de la déclaration. Ce délai est suspendu si le dossier de la déclaration n’est pas complet. Le titulaire du droit de préemption peut demander une seule fois au propriétaire de le compléter, en lui réclamant un ou plusieurs des documents suivants, cette liste étant limitative :

1o Les extraits de l’avant-contrat de vente contenant les éléments significatifs relatifs à la consistance et à l’état de l’immeuble ;

2o Les servitudes en cours ;

3o Les hypothèques ;

4o Les procès-verbaux de bornage réalisés ;

5o Les obligations réelles environnementales à respecter en application de l’article L. 132-3 du code de l’environnement ;

6o Les baux en cours ;

7o Les clauses environnementales à respecter en application de l’article L. 411-27 du CRPM ;

8o Le cahier des charges applicable en application de l’article R. 142-1 du CRPM, si le bien a été acquis par attribution par une Safer ;

9o Si le propriétaire en a connaissance, les engagements pris par l’exploitant sur la parcelle dans le cadre de l’octroi d’une aide publique et susceptibles d’être opposables au futur propriétaire ou au futur exploitant ;

10o La situation, les caractéristiques et la situation administrative des ouvrages de prélèvement, puits ou forage ;

11o L’implantation et les caractéristiques de drains agricoles ;

12o L’existence et la description du système d’irrigation ;

13o Si le propriétaire est une société civile immobilière dont les parts sont cédées, ses statuts à jour et les livres, les documents et le rapport de reddition de compte établis pour le dernier exercice social clos ; et en l’absence des documents mentionnés aux 3o et 4o ci-dessus, un état certifié par le gérant établissant la composition de l’actif et du passif de la société et précisant le bénéfice du dernier exercice social clos.

NDLR : ce renvoi aux 3o et 4o semble une erreur de numérotation.

• Art. R. 218-13 : L’article R. 218-14 ci-après s’applique à la vente par adjudication d’un bien soumis au droit de préemption en vertu du présent texte, lorsque cette procédure est rendue obligatoire par une disposition législative ou réglementaire, ou qu’elle est autorisée ou ordonnée par un juge. Il ne s’applique pas à la vente mettant fin à une indivision créée volontairement et ne résultant pas d’une donation-partage.

Le greffier ou le notaire doit signaler les futures adjudications

• Art. R. 218-14 : Les ventes mentionnées à l’article R. 218-13 ci-dessus doivent être précédées d’une déclaration du greffier de la juridiction ou du notaire chargé de procéder à la vente, qui fait connaître la date et les modalités de la vente. Cette déclaration est établie dans les formes prescrites par l’arrêté prévu par l’article R. 218-10 (sic, pour R. 218-11). Elle est adressée au titulaire du droit de préemption trente jours au moins avant la date fixée pour la vente. Elle est communiquée aux personnes mentionnées à l’article R. 218-15 ci-dessous.

Le greffier ou le notaire doit informer le titulaire du droit de préemption, dans les huit jours, des reports et des décisions d’adjudication. Le titulaire dispose d’un délai de trente jours à compter de l’adjudication pour informer le greffier ou le notaire de sa décision de se substituer à l’adjudicataire. La substitution ne peut intervenir qu’au prix de la dernière enchère ou de la surenchère. Elle est notifiée au greffier ou au notaire. Copie de cette décision est annexée au jugement ou à l’acte d’adjudication et publiée au fichier immobilier en même temps que celui-ci.

• Art. R. 218-15 : Lorsqu’il envisage d’acquérir le bien, le titulaire du droit de préemption transmet sans délai au directeur régional ou départemental des finances publiques une copie de la déclaration d’intention d’aliéner envoyée ou déposée par le propriétaire, en indiquant la date de l’avis de réception ou de la décharge de cette déclaration et en précisant si cette transmission vaut demande d’avis.

La transmission vaut obligatoirement demande d’avis dès lors que le prix ou l’estimation figurant dans la déclaration ou que le prix que le titulaire envisage de proposer excèdent le montant fixé par l’arrêté du ministre chargé du domaine prévu à l’article R. 1211-2 du code général de la propriété des personnes publiques. Si le directeur régional ou départemental n’a pas répondu dans les trente jours qui suivent la réception la demande d’avis, il peut être procédé librement à l’acquisition.

• Art. R. 218-16 : Les demandes, offres et décisions du titulaire du droit de préemption et des propriétaires prévues par le présent texte sont notifiées par lettre recommandée postale ou électronique avec demande d’avis de réception, par acte d’huissier ou par dépôt contre décharge.

Exiger la préemption de toute l’unité foncière

• Art. R. 218-17 : Si le vendeur n’accepte pas une préemption partielle et exige que le titulaire du droit de préemption se porte acquéreur de l’ensemble de l’unité foncière, celui-ci peut accepter cette acquisition aux prix et conditions d’aliénation, ou renoncer à préempter. Sa décision doit parvenir au notaire dans les trente jours qui suivent la date de réception de la décision du vendeur. Le silence du titulaire du droit de préemption à l’expiration de ce délai vaut renonciation et rétractation.

• Art. R. 218-18 : Les articles L. 218-8 et L. 218-9 prévoient que l’aliénation d’un bien visé par le présent texte est précédée à peine de nullité par une déclaration d’intention d’aliéner adressée par le propriétaire au titulaire du droit de préemption, et que l’action en nullité en l’absence de déclaration se prescrit par cinq ans à compter de la publication de l’acte portant transfert de propriété. Le présent article précise que cette action s’exerce devant le tribunal judiciaire du lieu de situation du bien.

• Art. R. 218-19 : La mise à bail ou la cession d’un bien acquis par le titulaire du droit de préemption, par application du présent texte, fait l’objet d’un appel de candidatures qui est précédé de l’affichage d’un avis à la mairie du lieu de situation du bien pendant au moins quinze jours.

Cet avis décrit la désignation sommaire du bien et précise sa superficie totale, le nom de la commune, celui du lieudit ou la référence cadastrale et la mention de sa classification dans un éventuel document d’urbanisme. Il indique le délai dans lequel les candidatures doivent être présentées ainsi que les coordonnées du service susceptible de délivrer les compléments d’information relatifs à l’appel à candidature.

Clauses environnementales pour préserver l’eau

En cas de mise à bail, l’avis énonce l’exigence d’un bail conforme aux dispositions de l’article L. 411-27 du CRPM et énumère les clauses environnementales proposées concernant les mesures nécessaires à la préservation de la ressource en eau. En cas de cession, l’avis mentionne le prix envisagé, énonce l’exigence d’un contrat portant obligations réelles environnementales, au sens de l’article L. 132-3 du code de l’environnement, et énumère les obligations réelles envisagées pour assurer la préservation de la ressource en eau.

• Art. R. 218-20 : Les biens acquis par application du présent texte peuvent être mis à la disposition de la Safer par les personnes publiques propriétaires, dans le cadre de conventions. Ces conventions comprennent des dispositions permettant d’assurer que l’usage agricole du bien sera maintenu ou rétabli, dans le respect de l’objectif de préservation de la ressource en eau. À cette fin, comme le prévoit l’article L. 218-13, les baux nouveaux comportent des clauses environnementales.

Lorsque le bien acquis est déjà grevé d’un bail rural, le titulaire du droit de préemption est tenu d’en proposer au preneur la modification afin d’y introduire de telles clauses, au plus tard lors du renouvellement du bail.

• Art. R. 218-21 : L’article L. 218-12 prévoit que le titulaire du droit de préemption ouvre, dès l’institution d’une zone de préemption, un registre sur lequel sont inscrites les acquisitions réalisées dans ce cadre et l’utilisation effective des biens ainsi acquis. Il y transcrit également les cessions, locations et mises à disposition réalisées en vue d’une exploitation agricole compatible avec l’objectif de préservation de la ressource en eau, selon les modalités prévues à l’article L. 218-13.

Amélioration de la qualité de la ressource en eau

Le présent texte ajoute en outre un article au CGCT :

• Art. R. 2225-5-4 : Le rapport annuel sur le plan d’action visant à contribuer au maintien ou à l’amélioration de la qualité de la ressource utilisée pour la production d’EDCH, prévu à l’article R. 2224-5-3 du CGCT, fait état de l’utilisation du droit de préemption régi par les articles L. 218-1 et suivants et R. 218-1 et suivants du code de l’urbanisme, dans le périmètre de l’AAC concernée.

Ce rapport recense les décisions de préemption intervenues durant l’année écoulée sur ce fondement, avec les surfaces préemptées. Il indique les avis d’appel à candidatures intervenus au titre de l’article R. 218-19 du code de l’urbanisme ci-dessus, complétés de l’énoncé des clauses environnementales et des obligations réelles environnementales proposées pour assurer la préservation de la ressource en eau. Il mentionne les décisions de cession, de location et de mise à disposition des biens acquis, complétées, selon le cas, de l’énoncé des obligations réelles environnementales et des clauses environnementales retenues.

Décret no 2022-1223 du 10 septembre 2022 relatif au droit de préemption pour la préservation des ressources en eau destinées à la consommation humaine (JO 11 sept. 2022, texte no 10).

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