Projet de décret sur la Réut dans l’industrie agroalimentaire

La réutilisation des eaux usées traitées sera facilitée dans les usines et les ateliers de cette filière, mais sans mettre en danger la sécurité sanitaire.

Question de Nadège Havet, sénatrice (RDPI) du Finistère :

L’été dernier, 93 départements ont été soumis à des restrictions de consommation d’eau du fait de la sécheresse, plus de 1 000 communes ont dû être ravitaillées en eau par bouteilles, 32 départements sont actuellement en état de vigilance ou d’alerte renforcée, et la faible pluviométrie observée ces derniers mois interroge déjà notre gestion de cette ressource au cours des prochains mois.

En vingt ans, la France métropolitaine a perdu 14 % de ses ressources en eau renouvelables par rapport à la période 1990-2001. La délégation sénatoriale à la prospective le rappelle dans son rapport d’information : le changement climatique, dont les effets sont déjà visibles, rend notre accès à l’eau de plus en plus difficile. Oui, le cycle de l’eau en France se modifie et va encore évoluer. Les précipitations deviendront de plus en plus irrégulières, le débit des cours d’eau se réduira et le stress hydrique s’accroîtra dans des régions qui ne le subissaient pas ou peu jusqu’à présent.

La répétition des vagues de chaleur, lourdes de conséquences, comme à l’opposé la survenue d’épisodes de pluies extrêmement violentes imposeront une meilleure gestion quantitative de l’eau sur toute l’année. Nous devrons anticiper les événements, nous adapter aux aléas pluviométriques et à leur soudaineté tout en veillant, encore et toujours, au respect des impératifs sanitaires.

Face à cet état de fait, des mesures ont déjà été prises. Ainsi, un nouvel objectif de sobriété a été fixé par le plan d’action pour une gestion résiliente et concertée de l’eau : réaliser 10 % d’économies d’eau en 2030. Les moyens seront utilisés par secteur et par territoire. Chaque sous-bassin hydrographique, selon ses spécificités, sera doté d’une trajectoire particulière. Parmi les mesures annoncées, je relève la hausse du budget des agences de l’eau et la suppression de leur plafond de dépenses, afin de lutter contre les fuites dans les réseaux, et le soutien à la réutilisation des eaux usées traitées (Réut).

Passer de 1 % de Réut à 10 % en sept ans

Ma question portera sur ce dernier point. Il s’agit pour notre pays de faire un véritable bond, en passant d’un taux d’environ 1 % actuellement à 10 % d’ici à 2030. Ce faisant, nous nous rapprocherons de plusieurs de nos voisins, comme l’Espagne, qui réemploie 13 % de ses eaux usées, ou l’Italie, qui en réutilise 8 %.

Pour impulser ce mouvement essentiel, plusieurs leviers seront actionnés : lancement de 1 000 projets en cinq ans pour recycler et réutiliser l’eau ; lancement par l’État, en partenariat avec l’Association nationale des élus du littoral (Anel), d’un appel à manifestation d’intérêt (AMI) spécifique à destination des communes littorales sur la faisabilité des projets ; mise en place d’un observatoire national ; accélération des procédures administratives.

Si, aujourd’hui, la Réut est possible dans quelques cas précis, comme pour l’arrosage des espaces verts, il est nécessaire d’accélérer. Selon la Commission européenne, plus de 40 milliards de mètres cubes d’eaux usées sont traités chaque année dans l’Union européenne, mais moins de 1 milliard sont réutilisés.

La Réut présente un intérêt certain en période estivale dans les zones littorales touristiques. Je pense notamment aux lieux où la consommation d’eau et les besoins de l’agriculture sont particulièrement importants en été. Quelles nouvelles mesures réglementaires pourrait-on rapidement prendre en la matière, en particulier pour le secteur industriel ? Comment entendez-vous accélérer les procédures en vigueur, tout en rassurant quant aux évolutions souhaitables ?

Réponse de la secrétaire d’État chargée de l’écologie :

Nous voulons atteindre 10 % en développant jusqu’à 1 000 projets de réutilisation sur le territoire. Nous donnerons la priorité à l’animation et à l’accompagnement des porteurs de projet. Comme vous le soulignez, un AMI sera lancé par l’État, en partenariat avec l’Anel, pour financer cent études de faisabilité par an. Yannick Moreau, président de l’Anel, est très attentif à cette question et nous souhaitons valoriser de tels projets dans les communes littorales. À l’heure actuelle, nombre de ces communes rejettent leur eau douce dans la mer : autant la récupérer.

Garantir la sécurité sanitaire

Vous évoquez les évolutions réglementaires qui s’imposent. De nombreux chantiers ont déjà été ouverts cette année. Notre objectif est de lever les freins à la valorisation des eaux non conventionnelles pour les usages les plus pertinents. Il s’agit d’assurer des économies d’eau tout en garantissant, bien sûr, la sécurité sanitaire, au nom de laquelle nombre de projets ont été bloqués jusqu’à présent.

Le projet de décret relatif à la réutilisation des eaux dans les industries agroalimentaires est actuellement soumis à consultation publique. Nous souhaitons publier ce texte aussi rapidement que possible. À ce titre, nous engageons régulièrement des discussions avec les filières agro-alimentaires : elles attendent le décret avec impatience, car bien des projets sont prêts à être réalisés.

JO Sénat CR, 12 avr. 2023, p. 3639.

Retour