Quand un préfet ne tient pas compte du classement d’un cours d’eau

Qui s’est trompé ? Le préfet qui a accordé l’autorisation ? Ou le juge qui l’a annulée ? En attendant le jugement en appel, la centrale ne peut pas être mise en service ; et elle devra être détruite ou modifiée si l'erreur du préfet est confirmée.

Question de Xavier Roseren, député (RE) de la Haute-Savoie :

La centrale hydroélectrique de Sallanches, sur la rivière du même nom (Haute-Savoie), est prête à fonctionner depuis le 5 décembre dernier. Elle pourrait produire, pour le compte de la régie communale, 20 % de l’électricité consommée par les foyers de Sallanches. Mais le tribunal administratif de Grenoble a annulé l’autorisation préfectorale du 26 décembre 2019 et ordonné la démolition de l’ouvrage. Une association écologiste avait en effet déposé un recours, arguant d’une atteinte à la biodiversité du cours d’eau.

Le projet avait été autorisé par la préfecture et validé par les scientifiques dans les études d’impact, les travaux avaient commencé en février 2020, et la construction de la centrale a coûté 6 M d’argent public. Il était soutenu par l’État et par les élus, qui ne comprennent pas la décision de la justice. Puisque vous avez fait de l’indépendance énergétique une priorité nationale, quelle solution proposez-vous ?

Réponse du ministre délégué chargé des transports, au nom du ministre de la transition écologique :

En effet, le 6 décembre dernier, le TA de Grenoble a annulé l’autorisation environnementale, délivrée en 2019 par le préfet de la Haute-Savoie à la mairie de Sallanches pour la construction d’une nouvelle centrale hydroélectrique sur la Sallanches. Les travaux de construction étaient quasiment finis quand le jugement a été prononcé.

Il s’agit d’un dossier sensible, car ce tronçon de cours d’eau de 4,2 kilomètres, qui est court-circuité par la conduite forcée entre le barrage et l’usine en aval, fait l’objet d’une protection soutenue et légitime contre les nouveaux obstacles à la continuité écologique : sa biodiversité est en effet d’une grande richesse. Il est identifié comme un réservoir biologique dans le schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux, et est officiellement classé pour ce motif par arrêté du préfet coordonnateur de bassin.

Nous nous trouvons à un point d’équilibre entre deux enjeux essentiels : le développement d’une production hydroélectrique renouvelable et décarbonée, et la préservation d’un tronçon de cours d’eau en bon état qui participe à la nécessaire capacité d’adaptation au changement climatique. Le projet a été annulé au motif qu’il avait un impact trop important sur le fonctionnement hydrologique de ce réservoir de biodiversité : le barrage constitue, selon la décision de justice, un obstacle à la continuité écologique qui ne saurait être autorisé. En effet, la Sallanches est un affluent de l’Arve et joue un rôle important dans le réensemencement de cette rivière, classée en mauvais état.

Le Gouvernement a fait appel du jugement le 7 février, afin que le traitement de l’autorisation et l’impact sur le réservoir biologique protégé soient de nouveaux appréciés par le juge, en conciliant davantage les objectifs que j’ai évoqués. Une solution pourrait consister à modifier l’autorisation d’exploitation, en réduisant par exemple la période de production de la centrale pour protéger le bon fonctionnement écologique de la rivière.

Au-delà de ce cas particulier, le Gouvernement accompagne le développement d’une hydroélectricité compatible avec une protection forte des écosystèmes. De manière générale, pour nos grandes infrastructures énergétiques et de mobilité, nous avons besoin de renforcer nos outils de conciliation, sous le contrôle du juge. Le Gouvernement est déterminé à avancer en ce sens, en graduant peut-être les dispositifs de protection plus qu’il ne l’a fait ces dernières années.

AN, 7 mars 2023, 1re séance.

NDLR : La question la plus intéressante, mais étrangement omise ici, est de savoir comment le préfet de département a bien pu autoriser ce projet, en dépit d’un arrêté antérieur du préfet coordonnateur de bassin qui le rendait impossible sur ce tronçon de cours d’eau.

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