o Un département peut-il agrandir une retenue d’eau ?

Oui, si une décision préalable de l’État reconnaît à l’opération un caractère d’intérêt général ou d’urgence. Il faut en outre que d’autres obligations ou conditions soient respectées, comme détaillé ici.

Question de Laurent Panifous, député (Liot) de l’Ariège :

Depuis l’entrée en vigueur de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi Notre, et la suppression de la clause de compétence générale, les départements et les régions ne sont plus compétents en matière de gestion quantitative de la ressource en eau, ce qui constitue un frein important à toute initiative dans ce domaine. Ils ne peuvent donc plus assurer la maîtrise d’ouvrage d’opérations en lien avec la ressource en eau, ni continuer à siéger dans les organismes gérant des ouvrages hydrauliques existants. Pourtant, soit directement, soit dans le cadre de structures syndicales, les départements sont à la tête d’infrastructures hydrauliques.

Ainsi, l’Ariège intervient dans la gestion du barrage de Montbel au travers d’une institution interdépartementale. Ce potentiel hydraulique, d’une capacité utile de 60 millions de mètres cubes, est stratégique : en période d’étiage, il permet d’assurer le soutien des débits. Il est également essentiel à la survie des espèces piscicoles, à la préservation de la vie aquatique et au maintien des activités économiques, comme l’agriculture.

La solidarité territoriale ne justifie pas l’intervention du département

La retenue de Montbel doit être renforcée et complétée par l’adduction du cours d’eau voisin, le Touyre. Le département souhaite s’engager, mais a-t-il la compétence à agir ? Rien n’est moins sûr. La décision du tribunal administratif de Dijon en date du 14 décembre 2021 est venue confirmer nos craintes : ce jugement a tiré les conséquences de la suppression de la clause générale de compétence pour déduire que le département « ne saurait fonder sa compétence sur la seule notion de solidarité territoriale ». En outre, en 2022, un rapport de la Cour des comptes évoquait, s’agissant de la gestion de l’eau, « l’introuvable collectivité territoriale cheffe de file ».

Pouvez-vous nous apporter des précisions afin de lever cette incertitude juridique et de permettre aux départements qui le souhaitent de disposer d’une assise légale, indiscutable, pour participer activement aux politiques de gestion quantitative de l’eau ?

Réponse du ministre délégué chargé des transports, au nom du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires :

En effet, les départements ne bénéficient plus de la clause de compétence générale, mais ils détiennent de nombreuses compétences d’attribution et peuvent accompagner techniquement et financièrement les communes et leurs groupements. L’article L. 3211-1 du code général des collectivités territoriales prévoit certes qu’ils peuvent promouvoir les solidarités territoriales, mais il ne s’agit pas d’une compétence autonome, plutôt d’une modalité d’action, qui ne se conçoit qu’en complément de l’action des communes et groupements compétents.

Le département de l’Ariège veut sécuriser le remplissage de la retenue du lac de Montbel. Sur les fondements précités, et dans le cadre du schéma d’aménagement et de gestion des eaux, s’il existe, il peut intervenir pour garantir l’approvisionnement en eau brute, l’exécution et l’exploitation de travaux hydrauliques : prises d’eau, retenues d’eau brute et canaux, réalisés pour assurer l’irrigation ou la production d’électricité, sous réserve que ces actions présentent un caractère d’intérêt général ou d’urgence.

Le jugement du tribunal administratif de Dijon du 14 décembre 2021, que vous citez, reconnaît en effet que le département est compétent « pour réaliser des études préalables à des travaux ou des études de définition de travaux en matière d’approvisionnement d’eau ou d’aménagement d’ouvrages hydrauliques existants […], à la condition d’obtenir, dans les conditions qu’elles prévoient, du préfet ou du ministre compétent, une décision reconnaissant le caractère d’intérêt général ou d’urgence desdits études ou travaux ».

Il convient de s’assurer au préalable que le département n’a pas transféré cette compétence à un établissement public de coopération ; s’il l’a fait, le principe d’exclusivité s’applique et il ne peut intervenir que si cet établissement lui accorde une délégation de maîtrise d’ouvrage. Il existe donc une voie d’action, qui suppose de respecter la répartition des compétences entre le département et un éventuel établissement, et de demander, le cas échéant, que le ministère caractérise l’urgence ou la nécessité d’intérêt général. Les services du ministère et de la préfecture pourront vous apporter des éclairages complémentaires.

JOAN CR, 24 mai 2023, p. 4822.

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