o Une loi fortement encadrée par le Conseil constitutionnel

La Charte de l’environnement s’impose aussi à cette loi. Les Sages ont donc donné une interprétation restrictive des nombreuses dérogations qu’elle instaure. Et toutes les mesures prises dans ce contexte dérogatoire pourront toujours être contrôlées par le juge, qui devra aussi respecter la présente décision.

Dans une décision très longue de dix pages, rendue après une saisine de certains députés de gauche, le Conseil constitutionnel a validé l’essentiel de la loi de relance de la filière nucléaire, tout en censurant neuf articles secondaires et une partie d’un dixième. Il en a profité pour rappeler ou étendre sa jurisprudence sur plusieurs points intéressants. Les requérants contestaient notamment l’article premier du texte, qui supprime l’objectif de réduction de l’électricité d’origine nucléaire dans la production d’énergie. Ils s’appuyaient sur l’article 7 de la Charte de l’environnement, qui donne à toute personne le droit « de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement ». Certes, mais « une disposition législative ne constitue pas une décision publique » au sens de cet article.

À l’encontre de l’article 7 de la loi, les requérants ont invoqué les articles premier et 6 de la Charte de l’environnement. Mais il résulte des travaux préparatoires que le législateur a entendu créer les conditions qui permettraient d’augmenter les capacités de production d’énergie nucléaire afin de contribuer à la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Il a ainsi « poursuivi l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de l’environnement. Il n’appartient pas au Conseil constitutionnel de rechercher si les objectifs que s’est assignés le législateur auraient pu être atteints par d’autres voies, dès lors que les modalités retenues par la loi ne sont pas, en l’état des connaissances scientifiques et techniques, manifestement inappropriées à ces objectifs. »

Mais les Sages en profitent pour encadrer étroitement les dérogations prévues par cette loi : cet article 7 n’a « ni pour objet ni pour effet de dispenser les projets de réalisation de réacteurs électronucléaires auxquels ces mesures s’appliqueront du respect des dispositions du code de l’environnement instituant le régime légal applicable aux installations nucléaires de base en raison des risques ou inconvénients qu’elles peuvent présenter pour la sécurité, la santé et la salubrité publiques ou la protection de la nature et de l’environnement ».

De même, si l’article 9 prévoit que les constructions, les aménagements, les installations et les travaux liés à la réalisation d’un réacteur électronucléaire sont dispensés de toute formalité au titre du code de l’urbanisme, ces dispositions « n’ont ni pour objet ni pour effet de [dispenser le porteur de projet] de présenter une demande d’autorisation environnementale ou d’autorisation de création d’un réacteur électronucléaire, à l’occasion de laquelle la conformité de cette réalisation aux règles d’urbanisme applicables sera appréciée par l’autorité administrative compétente ». Autrement dit, malgré la disparition des formalités, les obligations dont elles visaient le respect restent en vigueur.

La même logique d’encadrement de la loi s’applique à son article 12 : « la présomption instituée par les dispositions contestées ne dispense pas les projets […] auxquels elle s’applique du respect des autres conditions prévues pour la délivrance d’une dérogation aux interdictions prévues par l’article L. 411-1 du code de l’environnement. À cet égard, l’autorité administrative compétente s’assure, sous le contrôle du juge, qu’il n’existe pas d’autre solution satisfaisante et que la dérogation ne nuit pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle. »

Et on retrouve encore cette logique à propos de l’article 13 : « S’il est loisible au législateur […] de modifier des textes antérieurs ou d’abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d’autres dispositions, il ne saurait priver de garanties légales le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé consacré par l’article premier de la Charte de l’environnement. Les limitations apportées par le législateur à l’exercice de ce droit doivent être liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par un motif d’intérêt général et proportionnées à l’objectif poursuivi. »

Même si cet article dispense ces projets de respecter la loi Littoral, il ne fait pas obstacle à l’application du régime légal relatif aux installations nucléaires, « en vertu duquel il revient à l’exploitant de démontrer que, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, il a pris toutes les mesures nécessaires pour prévenir ou limiter de manière suffisante les risques ou inconvénients que l’installation présente pour la sécurité, la santé et la salubrité publiques ou la protection de la nature et de l’environnement ».

Conseil constitutionnel : décision no 2023-851 DC du 21 juin 2023 (JO 23 juin 2023, texte n2).

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