o Utilisation des drones pour surveiller les inondations et les ouvrages hydrauliques

Cette doctrine d’usage, qui s’apparente à une circulaire, précise et encadre les modalités de prise de vues ou de vidéos par des drones. Elle s’applique en particulier pendant ou après des inondations, pendant la constatation d’une infraction à la police de l’eau ou pour aider à surveiller des barrages et des digues.

Si personne ne conteste l’intérêt d’utiliser des drones pour contribuer à prévenir et à surveiller les risques naturels et technologiques, la Commission nationale de l’informatique et des libertés en avait demandé un encadrement strict, dans un avis peu enthousiaste sur le projet de décret qui visait à réglementer cet usage. En réponse, le ministère chargé de l’environnement avait promis que ce décret n2022-1638 du 22 décembre 2022 serait complété par une doctrine d’usage, qui serait publiée au Bulletin officiel de ce ministère. En fin de compte, elle l’est aussi au Journal officiel, sous la forme du présent avis.

Contrôle des ICPE et des ouvrages hydrauliques

Deux catégories d’utilisateurs de drones sont prévues par la loi n2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets : les agents concourant à la connaissance et à la prévision des phénomènes naturels évolutifs ou dangereux, en vertu de l’article L. 125-2-2 du code de l’environnement, et les agents de contrôle des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) et des ouvrages hydrauliques, habilités par l’article L. 171-5-2 du code de l’environnement.

Ces deux articles prévoient que l’enregistrement des images lors des opérations de survol n’est pas permanent et n’est rendu possible que dans des cas limitativement énumérés par décret, et qu’il fait l’objet d’une doctrine d’usage diffusée par le ministre chargé de l’environnement. Les articles R. 172-16 et R. 563-27 du code l’environnement, créés par le décret n2022-1638, définissent les cas d’usage de ces aéronefs et les modalités d’encadrement complémentaires à ces dispositions législatives et prévoient une doctrine d’usage qui précise, en tant que de besoin, les modalités d’application de ce décret.

Les circonstances dans lesquelles le survol d’espaces privés pourrait conduire à la collecte de données personnelles concernant les lieux d’habitation sont précisées par les deux articles législatifs mentionnés ci-dessus. Dans les deux cas, le survol ne doit pas avoir pour finalité de capter des données personnelles. De plus, les inspecteurs de l’environnement ne peuvent capter des images comprenant des habitations que si elles sont nécessaires, et ils doivent flouter ces lieux lors du traitement des données. Les parties d’images permettant l’identification de personnes ou de véhicules seront systématiquement floutées au retour de survol.

Les agents qui pilotent les survols ou qui sont amenés à consulter les images feront l’objet d’une formation et d’une habilitation visant à leur faire appliquer les meilleures pratiques de limitation de collecte de données à caractère personnel. Les besoins qui justifient l’accès à un enregistrement sont tous ceux en rapport avec la contribution à une expertise ou à une décision en matière de prévention des risques par l’autorité administrative.

Détecter une activité irrégulière en cours

Les situations d’urgence permettant de ne pas procéder à une déclaration préalable susceptible de survol sont un incident industriel ou un phénomène naturel en cours, ou une activité irrégulière en cours, préjudiciable et non permanente. Dans ces cas, si la déclaration de survol n’a pas été faite au préalable, elle doit l’être dans un délai raisonnable. En temps normal, le site internet de la préfecture du département concerné publiera une information préalable au survol ; elle renverra à une page du site internet du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires qui indiquera les droits d’accès, de rectification et à la limitation des données.

Pour la police administrative des ICPE, le présent avis prévoit 19 utilisations possibles d’un drone, dont la visualisation des milieux aquatiques en périphérie de l’installation, des prises de vue aériennes en cas d’accident industriel pour visualiser notamment les écoulements d’eaux polluées, et l’acquisition de mesures physiques comme l’altimétrie d’une ligne d’eau.

Pour la police administrative des ouvrages hydrauliques relevant des rubriques 3.2.5.0. et 3.2.6.0. de la nomenclature des installations, ouvrages, travaux et activités (Iota) soumis à la police de l’eau, ou autorisés ou concédés en application du titre Ier du livre V du code de l’énergie, le présent avis ne prévoit rien de plus que ce qui figure dans l’article R. 172-10 du code de l’environnement : la vérification du respect des dispositions législatives ou réglementaires applicables à ces installations et, le cas échéant, la constatation des non-conformités passibles de sanctions administratives.

Contrôle visuel de l’état des ouvrages hydrauliques

En revanche, ce même article permet l’usage de drones pour vérifier l’état de ces mêmes ouvrages, et le présent avis précise que cela vise à aider les responsables à contrôler leurs ouvrages hydrauliques par des investigations visuelles :

contrôle par sondage de l’entretien de l’ouvrage et d’absence de gros désordres manifestes ou de son environnement immédiat, en particulier l’absence de végétation intrusive, notamment sur les ouvrages de grand linéaire ;

contrôle de la réalisation et de la progression de travaux ;

contrôle du cadre réglementaire de fonctionnement de l’ouvrage, par exemple de la cote de retenue normale et des plus hautes eaux sur l’ensemble de la retenue ;

contrôle de l’application d’une prescription obligatoire ;

contrôle par sondage de l’adéquation des informations contenues dans une étude de dangers.

Pour la connaissance et la prévention des risques naturels, l’article R. 563-21 du code de l’environnement énumère certains phénomènes qui justifient l’emploi de drones de surveillance. Ainsi, pour le suivi des crues, ils peuvent servir à la prise de vues de zones inondées pour déterminer l’emprise de l’inondation ou la surface inondée, au calcul de la bathymétrie d’une zone, à la réalisation d’études hydromorphologiques améliorant la finesse des zonages des plans de prévention du risque d’inondation, et à l’acquisition de mesures physiques pour mieux connaître l’évènement, par exemple la mesure de la vitesse d’écoulement, l’altimétrie de la ligne d’eau ou le glissement des berges.

Et pour les risques encourus par les ouvrages hydrauliques, ils peuvent permettre de surveiller le risque de dépassement de la cote correspondant au niveau de protection d’un système d’endiguement, ou de la capacité de stockage d’un aménagement hydraulique assurant préventivement le stockage de venues d’eau.

Vérifier l’état d’un ouvrage hydraulique en surcharge

Ils peuvent aussi servir à vérifier l’état d’un ouvrage hydraulique qui subit une charge hydraulique hors norme, pour évaluer le risque d’une rupture lors de l’évènement en cours ou à l’occasion d’une mise en charge hydraulique ultérieure, en surveillant le risque de dépassement de la cote des plus hautes eaux d’un barrage, en repérant des gros désordres sur un ouvrage ou en prenant des vues visant à évaluer le risque d’embâcles.

Le même article R. 563-21 permet l’utilisation de drones pour surveiller l’érosion du littoral. Il peut s’agir de prises de vues de zones littorales érodées à la suite d’une tempête, du suivi de la position du trait de côte dans les zones soumises à érosion littorale, de la surveillance des changements environnementaux comme la croissance de la végétation dans des zones côtières difficiles d’accès, ou de la comparaison du recul du trait de côte par analyse d’orthophotographies.

Avis « doctrine d’usage portant sur l’usage des drones dans le cadre de la prévention des risques naturels et technologiques » (JO 17 oct. 2023, texte n85).

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