o Sans justification, on ne peut pas soumettre à déclaration une ICPE antérieurement soumise à autorisation

L’administration n’a pas su expliquer pourquoi des installations soumises à autorisation pourraient désormais échapper à l’évaluation environnementale.

Deux associations de défense de l’environnement ont demandé au Conseil d’État d’annuler pour excès de pouvoir le décret n2018-900 du 22 octobre 2018 modifiant la nomenclature des installations classées pour l’environnement (ICPE), en tant qu’il modifie certaines rubriques de cette nomenclature en fixant des seuils inadaptés de soumission au régime de l’autorisation.

Parmi les nombreux moyens soulevés par les requérantes, le plus important est qu’elles accusent ce texte de violer le principe de non-régression de la protection de l’environnement. Le Conseil d’État limite d’emblée la portée de ce principe par un considérant général : « Une réglementation exemptant de toute évaluation environnementale un type de projets antérieurement soumis, de manière systématique ou après un examen au cas par cas, à l’obligation d’évaluation environnementale ne méconnaît pas le principe de non-régression de la protection de l’environnement si ce type de projets, eu égard à sa nature, à ses dimensions et à sa localisation et compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, n’est pas susceptible d’avoir des incidences notables sur l’environnement ou la santé humaine. » Il faut donc se pencher sur chaque cas.

Pourquoi le seuil d’autorisation des chenils a-t-il été relevé de 50 à 250 chiens ?

L’annexe I du décret attaqué a modifié la rubrique 2120 de la nomenclature des installations classées, en soumettant à autorisation les projets d’activités d’élevage, de vente ou de garde de plus de 250 chiens, alors que la réglementation antérieure fixait ce seuil à 50 chiens, ce qui imposait une évaluation environnementale à partir de cet effectif. Selon le texte attaqué, les élevages de 10 à 100 chiens ne sont plus soumis qu’à déclaration, et ceux de 101 à 250 chiens à enregistrement, ce qui les dispense de toute évaluation environnementale.

De même, la nouvelle version de la rubrique 2140, qui porte sur les installations fixes et permanentes de présentation au public d’animaux d’espèces non domestiques, n’impose plus d’autorisation que lorsque la quantité totale d’azote produite par les animaux dépasse 10 t/an ; la version antérieure imposait une autorisation, et donc une évaluation environnementale systématique, quel que soit le tonnage d’azote produit.

Enfin, le 3 de la rubrique 2731 modifiée par le texte contesté fait passer du statut de l’autorisation, avec évaluation environnementale, à celui de la déclaration les installations de dépôt ou de transit de sous-produits animaux, lorsque leur capacité est comprise entre plus de 0,5 t et 3 000 t de farines de viande et d’os.

Dès lors que les projets d’ICPE soumises à déclaration ne font l’objet d’aucune évaluation environnementale, « les modifications mentionnées ci-dessus apportées à la nomenclature de ces installations ont pour effet d’exempter de toute évaluation environnementale des projets qui étaient, auparavant, susceptibles d’y être soumis, soit de manière systématique, soit après un examen au cas par cas ».

Or l’administration n’a pas présenté au Conseil d’État « d’éléments permettant d’établir que ces installations ne font pas courir de risque à l’environnement ou à la santé humaine, ou que la nature d’un tel risque a changé, ou que la procédure de déclaration, exempte de toute évaluation environnementale, offrirait une protection équivalente à celle qu’assurait la procédure d’autorisation ». Les associations requérantes sont donc fondées à soutenir que ces dispositions méconnaissent le principe de non-régression de la protection de l’environnement.

Par conséquent, la rubrique 2120, la rubrique 2140 et le 3 de la rubrique 2731 de la nomenclature des ICPE, dans leur version figurant en annexe au décret attaqué, sont annulés.

CE, 30 déc. 2020, n426528 (JO 10 janv. 2021, texte n40).

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