L’État ne peut pas prendre en charge la dépollution de tous les sites pollués

Pour les pollutions historiques, ce sont souvent le propriétaire ou l’aménageur du terrain qui doivent payer les travaux.

Question de Pascal Savoldelli, sénateur (CRCE) du Val-de-Marne :

Mon département a souffert comme d’autres de la désindustrialisation, à une époque où les entreprises n’étaient astreintes à quasiment aucune obligation en matière de dépollution des sols. Je souscris donc pleinement à l’exigence d’une loi fondatrice sur ce sujet consacrant le rôle premier de l’État, à l’instar de la loi sur l’eau ou sur la pollution de l’air.

À la croisée des chemins, ces enjeux mêlent des questions sanitaires et écologiques qui ne peuvent se résumer à l’application du principe du pollueur payeur ou à la création d’un fonds. L’utilisation des sols doit répondre à l’intérêt général et être conforme aux principes d’aménagement définis par la puissance publique. Ce n’est pas le cas aujourd’hui.

J’évoquerai deux exemples dans mon département. Le collège Saint-Exupéry à Vincennes est fermé depuis 2017 en raison d’une pollution au trichloréthylène antérieure aux années 1960 ; le coût de sa dépollution dépasserait 17 M. Et le collège Assia-Djebar à Ivry-sur-Seine n’a pu rouvrir à la suite de la découverte de traces de mercure supérieures aux normes.

La question de la dépollution de ces sites conditionne ainsi la réalisation par les collectivités territoriales des missions d’intérêt général qui leur sont confiées, en l’occurrence l’accueil et l’enseignement pour les collégiens.

Réponse de la ministre de la transition écologique :

Une loi sur la pollution des sols serait un beau projet, mais le futur texte Climat et résilience prévoit déjà un renforcement des sanctions en cas de pollution des sols due à une mauvaise gestion des déchets ou à l’exploitation d’une activité industrielle sans se conformer à la réglementation.

Dans les cas de pollution grave et intentionnelle, ces peines pourront atteindre dix ans de prison et 4,5 M d’amende, contre trois ans de prison et 150 000  d’amende aujourd’hui.

Quant aux deux cas que vous avez évoqués, ils n’ont pas vocation à être traités de la même manière. Ainsi, concernant le collège de Vincennes, les sols et les eaux souterraines sont pollués par des solvants chlorés ayant entraîné des dépassements importants des valeurs de référence dans l’air intérieur de plusieurs salles. Mais l’origine de cette pollution est une activité industrielle qui a cessé depuis près d’un demi-siècle, soit à une époque où la réglementation relative aux établissements dangereux ne prévoyait pas d’obligation de remise en état des sites, celle-ci ayant été introduite en 1976.

Dans ce cas, la responsabilité de l’ancien exploitant ou de l’autorité de police ne peut pas être recherchée. En effet, les règles ont été respectées… puisqu’il n’y en avait pas. La charge des travaux de réhabilitation revient donc aux gestionnaires et aux propriétaires actuels du site, à savoir le conseil départemental du Val-de-Marne et la commune de Vincennes.

Les services de l’État ont cependant apporté un appui au conseil départemental, notamment par l’examen du plan de gestion, qui doit encore être complété afin de définir plus précisément le scénario de gestion de la pollution.

À Ivry-sur-Seine, la situation est différente. La remise en état des terrains avait été réalisée par l’inspection des installations classées en 1994, dans le respect des dispositions alors applicables. Des teneurs résiduelles en mercure ayant été relevées, le préfet a émis des réserves sur le permis de construire, mais l’aménageur ne les a pas respectées. Dans ce cas, la responsabilité de l’aménageur est engagée.

Nous avons reçu un passif en héritage, mais chaque situation est différente. Nous allons essayer de les régler au cas par cas.

Réplique de Pascal Savoldelli :

Je ne peux accepter ce que je viens d’entendre sur le collège de Vincennes : les frais de dépollution, qui s’élèvent à 17 M, vont être à la charge d’une ville et d’un département. Or l’entreprise qui a occupé ce site a payé de la taxe professionnelle. Il y a donc eu un retour pour la société, il faut que celle-ci l’assume.

JO Sénat CR, 14 janv. 2021, p. 128.

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