Quand l’État membre n’a pas transposé certains articles dans les délais, ces dispositions s’appliquent directement.
Dans cette décision préjudicielle de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), saisie par le Conseil d’État belge, le point le plus important est traité en trois lignes. La décision elle-même porte sur les paragraphes 3 et 4 de l’article 12 de la directive 2014/24/EU du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics, qui régissent les marchés publics passés entre des entités appartenant au secteur public.
Il se trouve que la Belgique n’a pas transposé à temps cette directive, sans doute parce qu’elle était engluée une fois de plus dans une crise politique. Peu importe, répond la CJUE : cet article « produit des effets directs dans le cadre de litiges opposant des personnes morales de droit public au sujet de l’attribution directe de marchés publics, alors que l’État membre concerné s’est abstenu de transposer cette directive dans l’ordre juridique national dans les délais impartis ».
C’est là un sérieux avertissement à l’égard des États membres qui s’imagineraient pouvoir échapper à des obligations qui leur déplaisent. Ils perdent ainsi la faculté de moduler légèrement ces obligations, en profitant de la petite marge de manœuvre que donne une directive, alors qu’un règlement européen est d’application directe.
Pour le reste, cette décision porte sur l’interprétation de la notion de « contrôle analogue », qui permet à un pouvoir adjudicateur d’attribuer un marché public sans appliquer cette directive. L’article 12 le permet notamment si le pouvoir adjudicateur exerce, conjointement avec d’autres pouvoirs adjudicateurs, un contrôle sur la personne morale adjudicataire analogue à celui qu’ils exercent sur leurs propres services.
Pour cela, les organes décisionnels de la personne morale contrôlée doivent être composés de représentants de tous les pouvoirs adjudicateurs participants. Dans le cas présent, une même personne siège au conseil d’administration du pouvoir adjudicateur et de la personne morale attributaire du marché public. Est-ce suffisant pour considérer que cette personne morale est bien contrôlée par le pouvoir adjudicateur ? La CJUE décide que non.
Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 22 décembre 2022 (demandes de décision préjudicielle du Conseil d’État — Belgique) — Sambre & Biesme SCRL (C-383/21), Commune de Farciennes (C-384/21) / Société wallonne du logement (Affaires jointes C-383/21 et C-384/21) (Renvoi préjudiciel – Marchés publics – Directive 2014/24/UE – Attribution du marché public sans engagement d’une procédure d’appel d’offres – Marchés publics passés entre des entités appartenant au secteur public – Article 12, paragraphe 3 – Marchés publics faisant l’objet d’une attribution in house – Notion de « contrôle analogue » – Conditions – Représentation de tous les pouvoirs adjudicateurs participants – Article 12, paragraphe 4 – Contrat entre des pouvoirs adjudicateurs poursuivant des objectifs communs d’intérêt public – Notion de « coopération » – Conditions – Non-transposition dans les délais impartis – Effet direct) (JOUE C 63, 20 févr. 2023, p. 5).