Autorité environnementale et examen au cas par cas

Cette réforme compliquée renforce la prévention des conflits d’intérêts, tout en laissant à l’État un certain pouvoir d’arbitrage.

Après plusieurs condamnations par le Conseil d’État, le gouvernement s’est résigné à retirer aux préfets de région le rôle d’autorité environnementale chargée de rendre un avis sur les plans, programmes et projets susceptibles d’affecter l’environnement dans tout ou partie d’une région.

Cette réforme de l’autorité environnementale a été engagée par l’article 31 de la loi no 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat, qui a modifié l’article L. 122-1 du code de l’environnement, en y ajoutant notamment un V bis. Elle a en particulier distingué l’autorité environnementale proprement dite, chargée de rendre cet avis, et une nouvelle « autorité chargée de l’examen au cas par cas », qui doit au préalable déterminer, pour certains projets, s’ils doivent ou non être soumis à l’avis de l’autorité environnementale.

Le présent décret en Conseil d’État constitue le volet réglementaire de cette réforme. Il s’applique aux demandes d’avis, aux demandes d’examen au cas par cas et aux demandes d’enregistrement d’installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) qui sont reçues depuis le 5 juillet 2020. Nous indiquons ci-après, pour chaque texte concerné, les articles qu’il crée ou modifie.

Code de l’environnement :

Art. R. 122-3 (réécrit) : L’autorité chargée de l’examen au cas par cas est le ministre chargé de l’environnement, pour les projets qui donnent lieu à un décret, à une décision d’autorisation, d’approbation ou d’exécution d’un ministre ou qui sont élaborés par les services placés sous l’autorité d’un ministre, sauf dans certains cas détaillés ci-dessous.

Le ministre chargé de l’environnement peut déléguer à la formation d’autorité environnementale du Conseil général de l’environnement et du développement durable (Ae) l’examen au cas par cas d’un projet ou d’une catégorie de projets.

Dans tous les cas, l’Ae est l’autorité chargée de l’examen au cas par cas pour les projets élaborés par les services placés sous l’autorité de ce ministre, pour les projets élaborés par des services interministériels agissant dans les domaines relevant des attributions de ce ministre, pour les projets sous maîtrise d’ouvrage d’établissements publics relevant de la tutelle de ce ministre ou agissant pour son compte, et pour l’ensemble des projets de travaux, d’aménagement ou d’ouvrages de la société SNCF Réseau et de sa filiale chargée de la gestion des gares de voyageurs.

L’autorité chargée de l’examen au cas par cas est le préfet de région pour les projets prévus sur le territoire de sa région, s’ils ne rentrent pas dans les cas précédents. Lorsque le projet s’étend sur plusieurs régions, les préfets de région concernés sont compétents conjointement. Pour les ICPE, une autorité spécifique peut être désignée selon les modalités exposées à l’article L. 512-7-2 du code de l’environnement.

Lorsque les attributions du ministre chargé de l’environnement sont modifiées après sa saisine ou celle de l’Ae en tant qu’autorité chargée de l’examen au cas par cas, cette saisine n’est pas modifiée, sous réserve des dispositions des nouveaux articles R. 122-24-1 et R. 122-24-2 détaillés ci-après.

Art. R. 122-3-1 (nouveau) : Pour les projets relevant d’un examen au cas par cas, le maître d’ouvrage décrit les caractéristiques de l’ensemble du projet, y compris les éventuels travaux de démolition, les incidences notables que son projet est susceptible d’avoir sur l’environnement et la santé humaine ainsi que, le cas échéant, les mesures et les caractéristiques du projet destinées à éviter ou à réduire ses probables effets négatifs notables.

Il mentionne, le cas échéant, les termes des plans ou programmes pertinents relatifs aux mesures et aux caractéristiques des projets susceptibles d’être retenues ou appliquées pour éviter ou réduire les effets négatifs de projets sur l’environnement ou la santé humaine.

Un formulaire pour permettre l'examen au cas par cas

Ces informations sont renseignées dans un formulaire, adressé par le maître d’ouvrage par voie électronique ou par pli recommandé à l’autorité chargée de l’examen au cas par cas, qui en accuse réception. À compter de la réception de ce formulaire, cette autorité dispose d’un délai de quinze jours pour demander au maître d’ouvrage de le compléter. À défaut d’une telle demande, le formulaire est réputé complet à l’expiration de ce même délai. L’autorité chargée de l’examen au cas par cas met le formulaire en ligne dès qu’il est complet.

Dans les 35 jours qui suivent la réception du formulaire complet, l’autorité chargée de l’examen au cas par cas apprécie, sur la base des informations fournies par le maître d’ouvrage, si les incidences du projet sur l’environnement et la santé humaine sont notables au regard des critères pertinents de l’annexe III de la directive 2011/92/UE du 13 décembre 2011. Le cas échéant, elle tient compte des résultats disponibles d’autres évaluations pertinentes des incidences sur l’environnement requises au titre d’autres législations applicables.

Elle peut solliciter un avis du directeur général de l’agence régionale de santé concerné par le projet. Lorsqu’un projet est susceptible d’avoir des incidences dans plusieurs régions, les directeurs généraux concernés désignent l’un d’entre eux pour coordonner l’élaboration d’un avis commun.

La décision de l’autorité chargée de l’examen au cas par cas est motivée au regard des critères pertinents de l’annexe III de la directive 2011/92/UE du 13 décembre 2011, ainsi que des mesures et caractéristiques du projet présentées par le maître d’ouvrage et destinées à éviter ou à réduire les effets négatifs notables de celui-ci sur l’environnement et la santé humaine.

L’absence de réponse dans les 35 jours vaut obligation de réaliser une évaluation environnementale. La décision ou, en son absence, le formulaire complété par la mention qu’une décision implicite a été prise, est publié sur le site internet de l’autorité chargée de l’examen au cas par cas.

Lorsque cette autorité est le ministre chargé de l’environnement et qu’elle a délégué ce rôle à l’Ae, celle-ci se prononce dans les 35 jours qui suivent la date à laquelle elle a reçu le formulaire complet. Elle notifie alors au maître d’ouvrage le délai au terme duquel sa décision sera rendue.

Lorsque l’autorité chargée de l’examen au cas par cas décide qu’un projet ne nécessite pas la réalisation d’une évaluation environnementale, l’autorité compétente pour délivrer l’autorisation vérifie, au stade de l’autorisation, que le projet présenté correspond aux caractéristiques et mesures qui ont justifié cette décision.

Tout recours contentieux contre la décision imposant la réalisation d’une évaluation environnementale doit, à peine d’irrecevabilité, être précédé d’un recours administratif préalable devant l’autorité chargée de l’examen au cas par cas.

Le présent article n’affecte pas les règles spécifiques applicables aux ICPE.

Art. R. 122-6 (réécrit) : L’autorité environnementale est le ministre chargé de l’environnement pour les projets qui donnent lieu à un décret pris sur le rapport d’un autre ministre, à une décision d’autorisation, d’approbation ou d’exécution d’un autre ministre, ou qui sont élaborés par les services placés sous l’autorité d’un autre ministre. Le ministre chargé de l’environnement peut déléguer ce rôle à l’Ae pour un projet ou une catégorie de projet.

Le ministre chargé de l’environnement peut en outre se saisir, par décision motivée au regard de la complexité et des enjeux environnementaux du dossier, de tout projet qui relèverait normalement de la compétence d’une mission régionale d’autorité environnementale du Conseil général de l’environnement et du développement durable (MRAe), afin d’en confier l’instruction à l’Ae. En ce cas, la MRAe transmet sans délai le dossier à l’Ae.

En outre, l’Ae est de droit l’autorité environnementale dans les mêmes conditions qui entraînent sa désignation en tant qu’autorité chargée de l’examen au cas par cas, en application de l’article R. 122-3 ci-dessus. Elle l’est également pour les projets qui donnent lieu à une décision d’autorisation, d’approbation ou d’exécution du ministre chargé de l’environnement ou à un décret pris sur son rapport.

La MRAe devient l'autorité environnementale dans sa région

Sauf dans les cas ci-dessus, l’autorité environnementale est la MRAe de la région sur le territoire de laquelle le projet doit être réalisé. Toutefois, si le projet est situé sur plusieurs régions, l’autorité environnementale est l’Ae.

Comme à l’article R. 122-3, un changement dans les attributions du ministre chargé de l’environnement n’affecte pas les saisines antérieures de ce ministre ou de l’Ae en tant qu’autorité environnementale, sous réserve des dispositions des articles R. 122-24-1 et R. 122-24-2.

Art. R. 122-7 (modifié) : C’est toujours l’autorité compétente pour prendre la décision d’autorisation du projet qui transmet pour avis le dossier comprenant l’étude d’impact et le dossier de demande d’autorisation à l’autorité chargée de l’examen au cas par cas et à l’autorité environnementale.

Lorsque l’autorité environnementale est la MRAe, la demande d’avis est adressée au service régional chargé de l’environnement, plus exactement au service d’appui à la MRAe, qui prépare et met en forme toutes les informations nécessaires pour que la mission régionale puisse rendre son avis.

Si l’autorité environnementale est le ministre ou l’Ae, elle se prononce dans un délai de trois mois à compter de la date de réception du dossier. Si c’est la MRAe ou, pour un projet intéressant plusieurs régions, l’Ae, elle se prononce dans un délai de deux mois. Si l’Ae a été saisie par délégation du ministre, elle dispose également de deux mois, une fois qu’elle a reçu le dossier ; elle notifie à l’autorité compétente pour autoriser le projet le délai dans lequel son avis sera rendu.

Si l’autorité compétente pour prendre la décision d’autorisation consulte des collectivités territoriales et leurs groupements, leur avis est également rendu dans un délai de deux mois.

Sauf disposition spécifique contraire, les délais d’instruction de l’autorisation du projet peuvent être prolongés de trois mois au maximum.

Art. R. 122-9 (modifié) : L’étude d’impact, la décision rendant obligatoire la réalisation d’une évaluation environnementale et les avis sur le projet sont toujours insérés dans le dossier soumis à enquête publique ou à participation du public.

Mais en l’absence d’une décision sur l’évaluation environnementale, c’est le formulaire mentionné à l’article R. 122-3-1 qui est inséré dans le dossier, accompagné de la mention qu’une décision implicite a été prise.

Art. R. 122-17 (modifié) : Cet article donne toujours la liste des plans et programmes devant faire l’objet d’une évaluation environnementale. L’Ae ne peut plus se substituer de sa propre initiative à une MRAe pour des dossiers complexes ou importants : c’est le ministre chargé de l’environnement qui peut lui confier la charge de se prononcer en lieu et place de la MRAe territorialement compétente, par décision motivée au regard de la complexité et des enjeux environnementaux du dossier.

La MRAe transmet alors sans délai le dossier à l’Ae. Les délais prévus pour son examen courent alors à compter de la date de réception du dossier par l’Ae, qui notifie ce nouveau délai à la personne publique responsable du plan ou du programme.

Art. R. 122-24 (réécrit) : Dans chaque région, la MRAe bénéficie de l’appui technique d’agents du service régional chargé de l’environnement, pour l’exercice des missions prévues par le présent code et par le code de l’urbanisme. Pour cet appui, ces agents sont placés sous l’autorité fonctionnelle du président de la MRAe, par dérogation à la réglementation habituelle.

Art. R. 122-24-1 (nouveau) : L’autorité chargée de l’examen au cas par cas et l’autorité environnementale exercent leurs missions de manière objective. Elles veillent à prévenir ou à faire cesser immédiatement les situations de conflit d’intérêts.

Constitue notamment un conflit d’intérêts le fait, pour ces autorités, d’assurer la maîtrise d’ouvrage d’un projet, d’avoir participé directement à son élaboration, ou d’exercer la tutelle sur un service ou un établissement public assurant de telles fonctions (NDLR : l’adverbe « notamment » signifie que d’autres situations peuvent constituer un conflit d’intérêts, qu’il appartient à l’autorité concernée d’identifier et de traiter).

Art. R. 122-24-2 (nouveau) : Lorsque le ministre chargé de l’environnement, saisi en tant qu’autorité chargée de l’examen au cas par cas, estime se trouver dans une situation de conflit d’intérêts, il confie sans délai cet examen à l’Ae. Celle-ci se prononce dans le délai prévu par l’article R. 122-3-1, à compter de la date à laquelle elle reçoit le formulaire complet.

La même procédure s’applique quand le ministre est saisi en tant qu’autorité environnementale, que la situation de conflit d’intérêt vise lui-même ou les personnes de ses services qui devraient examiner le dossier.

Dans la même situation, le préfet de région confie sans délai l’examen au cas par cas à la MRAe ou, si le projet est situé sur plusieurs régions, à l’Ae. Il fait de même s’il s’estime dans l’impossibilité d’exercer cette charge, en raison de conflits d’intérêts auxquels sont exposées les personnes de ses services qui sont affectées à cet examen.

Enfin, si la MRAe estime qu’un conflit d’intérêts affecte les personnes qui seraient chargées d’étudier le dossier en tant qu’autorité environnementale, elle le confie à l’Ae.

Dans tous ces cas, la MRAe ou l’Ae notifie au maître d’ouvrage le délai au terme duquel sa décision sera rendue.

Art. R. 181-8 (modifié) : Dans le cadre de la procédure de demande d’autorisation environnementale, quand une demande d’examen au cas par cas est jointe à la demande de certificat de projet, le préfet en transmet sans délai le formulaire à l’autorité chargée de l’examen au cas par cas, qui en accuse réception.

Lorsque cette autorité statue par décision motivée sur la nécessité ou non de réaliser une évaluation environnementale, elle adresse sa décision au préfet qui l’annexe au certificat de projet. Dans le cas contraire, le certificat indique la date à laquelle une décision tacite soumettant le projet envisagé à évaluation environnementale est née ou est susceptible de se former.

Code de l’urbanisme :

Art. R. 104-21 (modifié) : Quand une évaluation environnementale est exigée en application du présent code, l’autorité environnementale compétente est la MRAe pour le plan d’aménagement et de développement durable de la Corse, les schémas de cohérence territoriale, les plans locaux d’urbanisme et les cartes communales.

Toutefois, par une décision motivée au regard de la complexité et des enjeux environnementaux du dossier, le ministre chargé de l’environnement peut confier à l’Ae la charge de se prononcer en lieu et place de la MRAe territorialement compétente. Celle-ci transmet le dossier sans délai à celle-là, qui notifie le nouveau délai d’examen du dossier à la personne publique responsable du projet de plan ou de schéma.

Art. R. 423-69-3 (nouveau) : Quand les collectivités territoriales et leurs groupements sont consultés sur une demande de permis ou une déclaration préalable soumises à autorisation environnementale, en matière de constructions, d’aménagements ou de démolitions, ils sont réputés ne pas formuler d’observations s’ils ne se prononcent pas dans un délai de deux mois.

Décret n2020-844 du 3 juillet 2020 relatif à l’autorité environnementale et à l’autorité chargée de l’examen au cas par cas (JO 4 juill. 2020, texte n14).

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