o Comment avoir l’eau potable gratuitement pendant un an

La Commission européenne rappelle l’obligation pour les services d’eau de gérer le délai de rétractation, sous peine de devoir rembourser l’usager.

Dans un mois, le 28 mai, la directive (UE) 2019/2161 du 27 novembre 2019 (JOUE L 328, 18 déc. 2019, p. 7) entrera en vigueur. Comme elle modifie quatre directives visant à protéger les consommateurs, la Commission européenne en profite pour faire un point sur les obligations des États membres dans ce domaine, en juxtaposant les dispositions déjà en vigueur et celles qui s’appliqueront désormais, en particulier celles qui modifient ou complètent des règles antérieures.

Délai de rétractation

Le texte principal dans ce domaine est la directive 2011/83/UE du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs, dite DDC (JOUE L 304, 22 nov. 2011, p. 64). La directive (UE) 2019/2161 a modifié deux paragraphes (§) concernant notamment l’eau, pour apporter des précisions sur le délai de rétractation ; la communication de la Commission en rappelle les modalités. Le § 2 de l’article 9 de la DDC, qui n’a pas été modifié, précise que ce délai s’étend sur 14 jours, ou 30 jours si l’État membre l’a prévu. Pour un contrat de fourniture d’eau qui n’est pas conditionnée dans un volume délimité ou en quantité déterminée, ce délai commence au jour de la conclusion du contrat.

L’article 7 de la DDC concerne les contrats hors établissement, et son article 8 les contrats à distance. Tous deux comportent un paragraphe quasiment identique, le § 3 pour l’article 7, le § 8 pour l’article 8, qui concernent notamment la fourniture d’eau dans les conditions visées à l’article 9. Ces deux paragraphes ont été complétés de manière identique par la directive (UE) 2019/2161. Ces dispositions s’appliquent si le consommateur désire que le service commence pendant le délai de rétractation ; toutefois, le professionnel n’est pas obligé d’accéder à cette demande.

Le premier ajout précise que ces dispositions ne s’appliquent qu’à un contrat qui soumet le consommateur à une obligation de payer ; en pratique, cela ne change rien pour le domaine de la fourniture d’eau en France, puisque cette obligation figure déjà dans le contrat ou dans le règlement de service.

Renoncer expressément au délai de rétractation

Le second est beaucoup plus important : le professionnel doit demander « au consommateur de reconnaître qu’après que le contrat aura été entièrement exécuté par le professionnel, le consommateur ne disposera plus du droit de rétractation ». Pour la fourniture d’eau en France, cette exécution consiste en la mise en service du branchement.

La Commission précise que la demande expresse du consommateur de renoncer au délai de rétractation suppose une action positive de sa part, par exemple le fait de cocher une case sur un site internet. À cette fin, le recours à une case précochée ou à une clause figurant dans les conditions générales ne satisferait pas à ces exigence. L’accord exprès et la reconnaissance par le consommateur peuvent être obtenus avant, pendant ou après la conclusion du contrat, pour autant qu’ils aient lieu avant le début de l’exécution. La demande et la reconnaissance par le consommateur peuvent être exprimées dans le cadre d’une déclaration unique.

Le § 1 de l’article 10 de la DDC sanctionne lourdement le professionnel, y compris le service public de distribution d’eau, qui omet d’informer le consommateur de son droit de rétractation : le délai de rétractation est alors prolongé de douze mois en plus du délai initial. Si le professionnel s’aperçoit de son omission durant ces douze mois et informe alors le consommateur, le § 2 du même article 10 prévoit que le délai de rétractation expire au terme d’un délai de 14 jours ou 30 jours à compter du jour où le consommateur a reçu cette information.

Ce n’est pas tout : dans le cas d’une telle omission, le § 4 de l’article 14 dispense le consommateur de payer le service jusqu’à l’expiration du délai de rétractation prolongé, à moins qu’il n’ait expressément renoncé à ce délai selon les modalités prévues par les articles 7 ou 8. Si le consommateur a néanmoins déjà payé, le professionnel est tenu de lui rembourser l’intégralité des sommes perçues durant cette période.

Fourniture d’eau sans contrat

Toutefois, une jurisprudence récente de la Cour de justice de l’Union européenne est venue perturber cette règle, en ce qui concerne précisément la fourniture d’eau potable. Dans l’affaire C-922/19, Stichting Waternet (3 févr. 2021), il s’agissait de savoir si la poursuite de la fourniture d’eau à une habitation, en cas de changement d’occupation et sans demande expresse du nouvel occupant, constitue une « fourniture non demandée », donnant au consommateur le droit de ne pas payer, conformément à l’article 27 de la DDC. L’affaire nécessitait de déterminer si un contrat peut être considéré comme conclu entre une société de distribution d’eau et un consommateur, en l’absence de consentement exprès de ce dernier.

La Cour a reconnu que la fourniture d’eau ne nécessite pas toujours l’existence d’un contrat. Il est également possible que le rapport juridique entre le fournisseur et le consommateur concernés soit entièrement régi par la législation nationale, concernant tant la fourniture d’eau par ce professionnel que les frais liés à cette fourniture incombant au consommateur. Toutefois, cette jurisprudence doit être replacée dans le contexte de l’État membre concerné, à savoir les Pays-Bas. Le droit néerlandais oblige en effet les services d’eau potable à maintenir la fourniture d’eau à tous les logements.

La CJUE a estimé qu’on pouvait présumer qu’un consommateur de cet État sait qu’un logement est obligatoirement desservi par un réseau d’eau potable, et que cette prestation est payante. Il semble impossible de généraliser ce raisonnement aux autres États membres, notamment à la France, puisque le droit français oblige à l’inverse le distributeur d’eau à fermer le branchement lorsque le contrat de fourniture d’eau vient à expiration en raison d’un changement d’occupant.

Communication de la Commission : orientations concernant l’interprétation et l’application de la directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil relative aux droits des consommateurs (JOUE C 525, 29 déc. 2021, p. 1).

Retour