Comment verdir les budgets locaux

Les collectivités locales réalisent les deux tiers des investissements publics en Europe. Elles doivent donc pouvoir en mesurer les effets sur la biodiversité et le climat.

Rien de mieux, pour se pencher sur les budgets locaux, que de faire appel à un élu local. C’est ainsi que le Comité européen des régions (CdR) a confié à l’un de ses membres français, Vincent Chauvet, maire Modem d’Autun (Saône-et-Loire), le soin de rédiger un avis sur le thème de la mise en œuvre des budgets verts aux niveaux local et régional.

Sa première critique porte sur l’absence de définition claire du concept de budgétisation verte. Certes, la Commission européenne l’a défini l’an dernier comme un « processus budgétaire dans lequel les contributions environnementales des postes budgétaires sont recensées et évaluées au regard d’indicateurs de performance spécifiques dans le but de mieux aligner les politiques budgétaires sur les objectifs environnementaux ».

Après le cadre stratégique, définir un cadre méthodologique souple

Mais l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) est allée beaucoup plus loin, en élaborant un cadre stratégique de budgétisation verte qui offre aux gouvernements un environnement propice pour ce faire, et en en définissant la forme, la finalité et la méthode. Depuis, la Commission s’est rattrapée en traçant un cadre de référence européen pour servir de guide à l’introduction de la budgétisation verte ou à la mise à niveau des pratiques existantes dans les États membres.

Il convient désormais d’aider les collectivités territoriales à s’approprier cette démarche, en leur proposant un cadre méthodologique assez souple pour s’adapter aux différences entre les États membres. Dans ce cadre, les contributions environnementales des postes budgétaires devraient être recensées et évaluées à l’aide d’indicateurs de performance environnementale spécifiques, dans le but de mieux aligner les politiques budgétaires locales et nationales sur les objectifs environnementaux. La Commission pourrait toutefois dépasser le simple stade du cadre méthodologique, et proposer un cadre juridique.

Il est important de définir, au niveaux régional et local, des objectifs budgétaires verts conformes aux objectifs en matière de climat et de durabilité fixés dans les plans sectoriels, par exemple les schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux (Sdage). C’est essentiel, puisque 55 % des dépenses publiques et 64 % des investissements publics liés au climat et à l’environnement sont effectués en Europe par les collectivités territoriales.

Commencer par évaluer la verdeur des seules dépenses

Comment procéder pour implanter cette budgétisation verte dans les habitudes des gestionnaires locaux ? L’avis propose de commencer par évaluer les seules dépenses, puis d’élargir cette démarche aux recettes et aux dépenses fiscales, et enfin d’aborder le suivi des documents budgétaires portant sur l’affectation des dépenses.

Il faudrait ensuite élaborer un cadre plus large, qui permettrait d’évaluer l’alignement des postes budgétaires sur les objectifs climatiques et environnementaux, avec des définitions, des classifications et des lignes directrices harmonisées sur la manière de les appliquer à des actions spécifiques ; mais cette opération devrait relever du niveau national, voire européen.

Cela implique d’établir, pour les budgets locaux, une liste des postes budgétaires qui ont des incidences environnementales nettes spécifiques, susceptibles d’être considérés globalement comme « verts », ainsi qu’une liste de postes ayant des incidences nettes pouvant être globalement considérés comme « bruns » ou « neutres ».

Cette liste devrait être intégrée dans les lignes directrices et les outils relatifs à la budgétisation verte à l’intention des collectivités locales et régionales qui sont disposées à mettre en œuvre cette budgétisation ou à mettre à niveau leurs pratiques actuelles. Les collectivités territoriales pourraient ainsi évaluer et orienter leurs choix budgétaires, notamment pour défendre la biodiversité et lutter contre la pollution, et mesurer les effets de ces choix.

Des subventions directes de l’Europe aux collectivités locales ?

Le CdR demande donc la création d’une plateforme de coopération interrégionale visant à échanger sur les meilleures pratiques. Cette plateforme permettrait aussi de mettre en place des initiatives de renforcement des capacités afin d’aider les collectivités locales et régionales à verdir leur budget. Elle les guiderait au moyen d’applications pratiques, elle évaluerait les pratiques existantes et elle signalerait les difficultés particulières en matière de verdissement des finances publiques.

En première approche, la budgétisation verte est simplement une évaluation du caractère écologique du budget. Mais elle pourrait aussi viser à augmenter la proportion de parties « vertes » des budgets. En particulier, elle permettrait à l’Union européenne de financer directement les collectivités locales et régionales pour la transition écologique. Le budget de l’Union et ses différents fonds doivent être sensibles à la diversité que présente l’exposition des pays et des régions aux effets du changement climatique ; aussi convient-il que la contribution et le financement de l’Union tiennent compte de la disparité des territoires et de la situation socio-économique de chacun d’entre eux.

Des budgets verts pour attirer les fonds privés

Les collectivités ont en effet besoin d’un financement suffisant grâce à un meilleur accès aux programmes et au soutien à l’élaboration de projets susceptibles d’être financés, en regroupant des petits projets en vue de réaliser les économies d’échelle nécessaires. Il faudra aussi recourir à des financements privés, notamment pour permettre aux collectivités de surmonter leur faible capacité d’ingénierie en raison de leur taille et des ressources disponibles. Ainsi, l’établissement d’un budget vert, avec une méthodologie appropriée, pourrait permettre de financer des projets par l’émission d’obligations vertes.

Le présent avis ose même s’attaquer à un fondement de la construction européenne, en invitant la Commission et les États membres à exempter les investissements « verts » du calcul du déficit public régional et des « règles d’or » limitant la dette, de manière à augmenter ainsi les investissements verts. Ils pourraient aussi inventer un certificat de budgétisation verte, conforme aux exigences de la taxinomie, notamment pour attirer les investisseurs privés qui désirent améliorer leur bilan carbone.

De leur côté, les collectivités territoriales devraient publier des rapports de suivi de la budgétisation verte et développer la budgétisation participative verte, afin de promouvoir l’efficacité, la responsabilité et la transparence des politiques en matière de climat et d’environnement. Et pour garantir l’efficacité à long terme de la démarche proposée par le présent avis, il conviendrait d’organiser régulièrement des audits externes des méthodes de budgétisation verte, en particulier s’ils servent à classer les dépenses et les recettes.

Avis du Comité européen des régions sur le thème « Mise en œuvre des budgets verts aux niveaux local et régional » (JOUE C 375, 30 sept. 2022, p. 41).

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