Concessions hydroélectriques : toujours pas d’accord avec Bruxelles

La France envisage de les attribuer à une quasi-régie de l’État, sans mise en concurrence. La Commission européenne semble très réticente.

Question de Max Brisson, sénateur (LR) des Pyrénées-Atlantiques :

Dans l’Union européenne, les grands barrages hydroélectriques relèvent d’un régime d’autorisation, qui évite tout recours à la concurrence, sauf dans trois États membres où ils relèvent du régime de la concession. Mais l’Italie et le Portugal en ont repoussé l’ouverture à la concurrence.

Il semblerait que la Commission européenne ait souhaité faire de la France un modèle d’application des exigences européennes. En 2015 et 2019, notre pays a ainsi fait l’objet de deux mises en demeure. Et si le projet Hercule de réorganisation d’EDF a été renvoyé aux calendes grecques, le flou demeure sur la volonté du gouvernement français de se plier ou non à ces exigences, mettant les actuels concessionnaires dans l’incertitude.

Parmi eux, la Société hydroélectrique du Midi (SHEM) devrait être soumise au renouvellement de ses concessions dans trois vallées pyrénéennes. Or l’ouverture à la concurrence risque de mettre en danger la pérennité des emplois liés aux activités hydroélectriques. Ainsi, cela pourrait provoquer la fermeture de l’atelier de maintenance de Laruns, employant cinquante personnes, avec de lourdes conséquences sur l’économie de l’ensemble de la vallée d’Ossau.

Quelles modalités de mise en concurrence pourraient-elles être fixées pour éviter de mettre en péril l’emploi dans les vallées pyrénéennes ? Et en cas de changement de concessionnaire, quels engagements le Gouvernement est-il prêt à prendre pour garantir la protection des emplois liés aux activités hydroélectriques dans la vallée d’Ossau ?

Réponse de la ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement, au nom de la ministre de la transition écologique :

En effet, la Commission européenne a engagé un contentieux vis-à-vis de la France, portant notamment sur l’absence de renouvellement par mise en concurrence des concessions hydroélectriques échues. Une telle situation nuit aux investissements dans le secteur, et elle est source d’incertitude pour les entreprises, les salariés et les collectivités.

C’est dans ce contexte de contentieux européen que le Gouvernement explore plusieurs scénarios pour le renouvellement des concessions hydroélectriques. Aucune décision n’a encore été prise. En lien avec les réflexions autour de la réorganisation du groupe EDF, nous explorons, entre autres solutions, une voie permise par le droit des concessions, consistant à attribuer sans mise en concurrence les concessions à une structure publique dédiée et contrôlée par l’État : c’est le régime de la quasi-régie. Les échanges avec la Commission européenne sur les différents scénarios se poursuivent. Aucun accord n’a été trouvé à ce stade.

Le Gouvernement sera particulièrement attentif à ce que la solution retenue permette la pérennisation et le développement du parc hydraulique français et des emplois liés à ce secteur d’activité. L’hydroélectricité est en effet cruciale pour notre transition énergétique, mais également pour la gestion de la ressource en eau.

Les concessions de la SHEM ne seront pas sacrifiées

Une telle activité est essentielle dans le contexte du changement climatique. Comme vous le rappelez, elle contribue également à l’économie locale, au travers des emplois créés. Le Gouvernement apportera bien entendu une attention particulière au personnel des sociétés exploitantes et à leurs sous-traitants.

Quelle que soit la solution retenue pour la gestion des concessions hydroélectriques françaises, nous serons très attentifs au potentiel énergétique, technique et humain de la SHEM et des concessions exploitées par elle. Le ministère de la transition écologique est en contact régulier avec elle et avec son actionnaire, Engie, sur le sujet.

Réplique de Max Brisson :

Je me réjouis que votre réflexion avance. Il faudra veiller à retenir une solution qui ne fasse pas du critère financier l’unique déterminant des règles et des conditions d’attribution. Il en va de l’emploi dans nos vallées et, en cas d’arrivée de prestataires étrangers, de notre souveraineté énergétique.

Sénat, 19 oct. 2021.

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