Éditorial : Pas de baignade ?

Deux échecs : la Seine ne se laisse pas si facilement apprivoiser par les nageurs qui tentent de contribuer à la répétition générale des Jeux olympiques de Paris. Après une première tentative du 4 au 6 août, annulée pour cause de dépassement du taux d’Escherichia coli dans l’eau du fleuve, des essais avaient pu se dérouler sans difficulté jeudi et vendredi derniers, car le taux était repassé sous la valeur limite de 1 000 UFC/100 ml. Mais samedi et dimanche, un nouveau dépassement a imposé une nouvelle annulation.

Le souci principal des organisateurs, c’est qu’ils ne connaissent pas la cause de cette seconde non-conformité. Au début du mois, le problème venait du déversement des trop-pleins des égouts parisiens, et les Français ont pu assurer aux instances olympiques que cette mésaventure ne se reproduirait pas en 2024, puisque le grand réservoir d’Austerlitz, avec son volume de 50 000 m3, serait alors prêt à retenir les premiers flots d’orage. Mais il n’y a pas eu de déversement d’eaux usées brutes les 19 et 20 août, ni les jours précédents. Les responsables français ne savent plus à quel saint se vouer pour déterminer la cause de ce dépassement.

L’explication la plus simple est qu’un fleuve lent et à petit débit ne peut pas rester propre en permanence quand il traverse une agglomération de dix millions d’habitants, surtout l’été. Mais admettre cette raison, ce serait condamner les épreuves dans la Seine au cœur de Paris, qui ont constitué un argument de poids pour l’attribution des JO à la capitale française. C’est pourquoi les organisateurs répètent sur tous les tons que ces épreuves se dérouleront là et qu’il n’y a pas de plan B. Il y en a pourtant deux : la Manche et la mer du Nord. En un an, on peut tout à fait sélectionner un site de secours en mer, vers Caen ou Dunkerque, et l’équiper. Mais les responsables préfèrent croiser les doigts et espérer que la météo de l’été 2024 sera plus clémente que cette année. On verra bien si ce pari risqué sera gagné ou perdu.

Ce qui semble en revanche déjà perdu, c’est le pari de permettre aux Parisiens de se baigner dans l’eau de la Seine à partir de l’été 2025, comme l’a promis leur maire actuelle. Dans l’eau de la Seine, et non dans la Seine elle-même, puisque le fleuve est à Paris l’une des principales voies navigables françaises, y compris le dimanche avec les bateaux touristiques. Comme je l’ai déjà expliqué, ces baignades seront physiquement séparées de la Seine, mais il est prévu qu’elles soient alimentées avec l’eau du fleuve. C’était le cas de la défunte piscine Deligny jusqu’en 1919 ; par la suite, cette eau fut filtrée, puis remplacée par de l’eau potable traitée comme dans toutes les autres piscines.

La Seine est sans doute beaucoup plus propre aujourd’hui qu’en 1919, mais la réglementation a aussi beaucoup évolué. Désormais, une baignade en rivière, ou alimentée avec l’eau d’une rivière, doit respecter la directive 2006/7/CE du 15 février 2006 concernant la gestion de la qualité des eaux de baignade. Pour qu’une telle baignade soit autorisée, elle doit respecter les normes fixées par ce texte, non seulement quand elle est ouverte, mais aussi pendant les trois années précédentes. Cette conformité est évaluée selon des modalités complexes détaillées aux annexes I et II de ce texte ; je ne vous ennuierai pas ici avec les percentiles et les antilogs qui permettent de la calculer. Ce qui importe, c’est que les analyses de ces derniers jours devront être prises en compte pour établir le profil de l’eau de baignade de la Seine à Paris, et donc pour ouvrir la baignade en 2025 ou pour reporter cette ouverture d’un an ou deux. Ces dépassements récurrents de la norme sur les E. coli ne plaident pas en faveur d’une ouverture rapide.

René-Martin Simonnet

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