o Le Cese devient… le Cese

Le rôle consultatif du Conseil économique, social et environnemental est renforcé, mais son effectif est réduit. Il sera donc moins représentatif de la société française.

On nous avait promis monts et merveilles de cette réforme du Conseil économique, social et environnemental (Cese). En fin de compte, c’est assez limité, puisqu’elle n’a pas modifié les articles 69 à 71 de la Constitution, tels qu’ils avaient été réécrits par les articles 33 à 36 de la loi constitutionnelle n2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la VRépublique.

La réforme a donc dû s’inscrire dans le cadre des huit petites phrases que contiennent ensemble ces trois articles. Elle a pris la forme d’une série de modifications de l’ordonnance n58-1360 du 29 décembre 1958 portant loi organique relative au Conseil économique, social et environnemental, qui entreront en vigueur le 1er avril 2021.

Les suggestions deviennent des recommandations

L’article premier de cette ordonnance, tel que modifié par le présent texte, charge toujours le Cese d’examiner les évolutions en matière économique, sociale ou environnementale, mais celui-ci ne suggère plus les adaptations qui lui paraissent nécessaires : il les recommande. La face du monde en sera sûrement bouleversée…

Le dernier alinéa de cet article, qui avait été modifié un peu à la va-vite en 2010, est mieux réécrit : le Cese ne promeut plus une politique de dialogue et de coopération avec les assemblées consultatives créées auprès des collectivités territoriales, ce qui ne voulait effectivement rien dire. Désormais, pour l’exercice de ses attributions, et après information des collectivités territoriales ou de leurs groupements concernés, il peut consulter une ou plusieurs instances consultatives créées auprès de ces collectivités ou groupements.

En vertu de l’article 4-1 modifié, il peut toujours être saisi par voie de pétition de toute question à caractère économique, social ou environnemental. Cette pétition écrite peut être envoyée par la poste ou par courrier électronique. Les signataires doivent être au moins 150 000 et être âgés d’au moins seize ans, alors qu’ils devaient jusqu’à présent être 500 000, tous majeurs. Les modalités d’identification des signataires seront précisées par décret en Conseil d’État. Les signatures doivent être recueillies dans un délai d’un an, et le Cese ne dispose plus d’un an, mais seulement de six mois pour se prononcer en assemblée plénière sur son contenu, si le bureau a jugé au préalable que la pétition était recevable.

Consulter le public ou l’associer à ses travaux

Le présent texte ajoute ensuite des articles 4-2 et 4-3 : le Cese peut associer le public à l’exercice de ses missions par une consultation ou par la participation aux travaux de ses commissions, selon des modalités qui garantissent la sincérité, l’égalité, la transparence et l’impartialité. La définition du public associé assure une représentativité appropriée à l’objet de la consultation ou de la participation. Le Cese lui assure une information claire et suffisante, il fixe un délai raisonnable pour cette procédure et il veille à ce que les résultats ou les suites envisagées soient rendus publics.

En outre, pour l’exercice de ses missions, le Cese peut recourir à la consultation du public dans les matières relevant de sa compétence, que ce soit de sa propre initiative ou à la demande du Premier ministre, du président de l’Assemblée nationale ou du président du Sénat. Il peut choisir les participants par un tirage au sort supervisé par un ou plusieurs garants. Ce tirage au sort ne sera pas vraiment aléatoire, puisqu’il devra assurer une représentation équilibrée du territoire de la République, y compris l’outre-mer, et garantir la parité entre les femmes et les hommes. Le Cese publie les résultats de ces consultations.

Saisi d’office de ce texte, puisqu’il s’agit d’une loi organique, le Conseil constitutionnel lui a apporté des précisions et des réserves, dont les principales concernent cet article. En premier lieu, il ressort des termes mêmes de ces dispositions qu’une consultation du public ne peut être organisée par le Cese que pour l’exercice de ses missions. Ainsi, une telle consultation ne peut intervenir qu’afin d’éclairer le Conseil dans le cadre de ses attributions consultatives.

D’autre part, le Premier ministre, le président de l’Assemblée nationale ou le président du Sénat, auxquels est reconnue la possibilité de demander au Cese de recourir à la consultation du public, ne peuvent exercer une telle faculté qu’en complément d’une demande d’avis qu’ils ont eux-mêmes formée, sur le fondement des articles 69 ou 70 de la Constitution.

Procédure d’adoption simplifiée pour les avis

Le Cese peut toujours être saisi de demandes d’avis par ces trois mêmes autorités, mais plus de demandes d’études. Cela entraîne la réécriture de l’article 6 de l’ordonnance : les avis sont adoptés par l’assemblée ou par les commissions permanentes ou temporaires.

L’avis peut faire l’objet d’une procédure simplifiée à la demande de l’autorité de saisine : cela impose à la commission saisie de formuler dans un délai de trois semaines un projet d’avis qui est soumis à l’approbation du bureau du Cese. Ce projet devient l’avis du Conseil, sauf si le président ou un tiers des membres du Cese demandent, dans un délai de trente jours, son renvoi en assemblée plénière. Les avis sont transmis par le bureau au Premier ministre, au président de l’Assemblée nationale et au président du Sénat.

La consultation du Cese remplace presque toutes les autres

Un article 6-1 est ajouté : sauf exceptions, quand le Cese est consulté sur un projet de loi portant sur des questions à caractère économique, social ou environnemental, cette consultation se substitue à la plupart des consultations prévues en application de dispositions législatives ou réglementaires. Toutefois, le Cese peut lui-même solliciter l’avis des instances consultatives compétentes sur les sujets faisant l’objet de cette consultation.

La composition du Conseil est modifiée : son effectif total est ramené de 233 à 175 membres. Il y a ainsi 52 représentants des salariés, 52 représentants des entreprises, des exploitants agricoles, des artisans, des professions libérales, des mutuelles, des coopératives et des chambres consulaires, 45 représentants au titre de la cohésion sociale et territoriale et de la vie associative, dont 8 représentants des outre-mers, et 26 représentants au titre de la protection de la nature et de l’environnement.

Un décret en Conseil d’État précisera la répartition et les conditions de désignation des membres du Cese. Chaque organisation ou autorité désigne ou propose autant de femmes que d’hommes, à un siège près. Les membres sont répartis en groupes dans les conditions fixées par le règlement.

Les sections entre lesquelles ces membres étaient répartis sont remplacés par des commissions permanentes, dont les séances ne sont pas publiques. Des délégations permanentes et des commissions temporaires peuvent être créées pour l’étude de questions particulières qui excèdent le champ de compétence d’une commission permanente. Le règlement du Cese fixe la liste, les compétences et la composition des commissions permanentes et des délégations.

Des gens normaux tirés au sort pour siéger dans les commissions

Dans des conditions fixées par ce même règlement, peuvent participer aux travaux des commissions, avec voix consultative et pour une mission déterminée, des représentants des instances consultatives créées auprès des collectivités territoriales ou de leurs groupements, et des personnes tirées au sort selon des modalités respectant les garanties mentionnées à l’article 4-2. Le Conseil constitutionnel a précisé que le nombre de ces personnes ne peut « que constituer une part limitée du nombre des membres d’une commission, fixée de telle sorte qu’il n’en résulte pas un déséquilibre dans sa composition ou son fonctionnement ».

En outre, les commissions peuvent, à leur initiative, entendre toute personne entrant dans leur champ de compétence. Le Conseil constitutionnel a précisé que les demandes d’audition formulées par les commissions ne présentent pas de caractère obligatoire, et que leurs destinataires peuvent les décliner sans s’exposer à des sanctions.

Un article 15-1, petit mais sensible, est ajouté : sur proposition du bureau, le Cese arrête un code de déontologie qui doit être approuvé par décret. Ce code précise les règles applicables aux membres du Conseil ainsi qu’aux personnes extérieures participant à ses travaux. Un organe chargé de la déontologie s’assure de son respect. Sa composition est fixée par le règlement du Conseil.

En complément, un article 10-1 est également ajouté : pour les membres du Cese, constitue un conflit d’intérêts toute situation d’interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés, extérieurs à l’organisation qu’ils représentent, qui est de nature à influencer ou à paraître influencer l’exercice indépendant, impartial et objectif de leurs fonctions.

Dans les deux mois qui suivent leur désignation, les membres du Conseil adressent à l’organe chargé de la déontologie du Conseil et au président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique une déclaration faisant apparaître les intérêts détenus à la date de leur désignation et dans les cinq années précédentes. Toute modification substantielle de ces intérêts détenus donne lieu, dans un délai de deux mois, à une déclaration dans les mêmes formes. Aucun de ces documents n’est rendu public.

Conflits d’intérêts

Lorsque la Haute Autorité constate qu’un membre du Conseil ne respecte pas les obligations prévues à cet article 10-1, elle en informe le président du Cese. Le Conseil constitutionnel a précisé que cette disposition n’habilite pas la Haute Autorité à instituer des règles d’incompatibilité qui ne sont pas prévues par la loi organique. « La Haute Autorité ne saurait davantage adresser et donc rendre publique une injonction tendant à ce qu’il soit mis fin à une situation de conflit d’intérêts que si la personne destinataire de cette injonction est en mesure de mettre fin à une telle situation sans démissionner de son mandat au sein du Conseil. »

Les membres du Cese perçoivent une indemnité représentative de frais, dont l’utilisation doit être en lien avec l’exercice du mandat. Les personnes qui participent aux travaux des commissions avec voix consultative reçoivent une indemnité dont le montant est fixé par décret. Les membres du Cese remettent au président un rapport de leur activité annuelle, qui est rendu public sur le site internet du Conseil.

Loi organique n2021-27 du 15 janvier 2021 relative au Conseil économique, social et environnemental

Conseil constitutionnel : décision n2020-812 DC du 14 janvier 2021 (JO 16 janv. 2021, textes nos 1 et 2.

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