On peut exiger une nouvelle évaluation des incidences Natura 2000 en cas de prorogation d’une autorisation

Depuis que des gisements importants de gaz naturel ont été découverts au large des côtes irlandaises, à partir de 1973, leur exploitation a donné lieu à de nombreux conflits entre les sociétés gazières et les défenseurs de l’environnement, désormais cantonnés aux tribunaux.

C’est ainsi que l’association des amis de l’environnement irlandais (Friends of the Irish Environment, FIE) a attaqué un projet de construction d’un terminal de regazéification de gaz naturel liquéfié, au motif qu’il affecterait un site Natura 2000 classé au titre de la directive 92/43/CEE du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que la faune et la flore sauvages, dite directive Habitats. Le projet a été autorisé par An Bord Pleanála (ABP), un organisme sans équivalent en France qui est notamment chargé de délivrer certains permis de construire.

Les travaux autorisés n’ont jamais été réalisés

Certains arguments contre ce projet présentés par FIE nécessitent une interprétation du droit européen, ce qui conduit la Haute Cour d’Irlande à demander une décision préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). Cette demande très détaillée se perd dans les détails, mais la CJUE fait le tri et ne retient que trois points :

• la durée initiale de l’autorisation a expiré au bout de dix ans ;

• les travaux d’aménagement n’ont jamais été réalisés en vertu de cette autorisation initiale ;

• ABP a décidé de proroger la durée de l’autorisation, et c’est cette décision qui est attaquée.

Pour la CJUE, aucun doute : compte tenu de ces trois points, une décision prorogeant le délai initial doit être considérée comme un accord donné à un projet, au sens de l’article 6, paragraphe 3, de la directive Habitats, « lorsque l’autorisation initiale, devenue caduque, a cessé de produire ses effets juridiques à l’expiration du délai qu’elle avait fixé pour ces travaux et que ces derniers n’ont pas été entrepris ».

C’est l’autorité compétente qui doit décider s’il faut une nouvelle évaluation

Dès lors, il appartient à l’autorité compétente d’apprécier si cette décision doit faire l’objet de l’évaluation appropriée des incidences prévue à la première phrase de ce paragraphe. Et cette autorité doit décider si cette évaluation doit porter sur l’ensemble du projet ou sur une partie de celui-ci, « en tenant compte, en particulier, tant d’une évaluation antérieure éventuellement réalisée que de l’évolution des données environnementales et scientifiques pertinentes, mais aussi de la modification éventuelle du projet ou de l’existence d’autres plans ou projets ».

Cette évaluation doit être effectuée lorsqu’il ne peut être exclu, sur la base des meilleures connaissances scientifiques en la matière, que ce projet affecte les objectifs de conservation du site concerné. Toutefois, on peut s’en tenir à l’évaluation réalisée avant l’octroi de l’autorisation initiale, à condition qu’elle contienne « des conclusions complètes, précises et définitives de nature à dissiper tout doute scientifique raisonnable quant aux effets des travaux, et sous réserve de l’absence d’évolution des données environnementales et scientifiques pertinentes, de la modification éventuelle du projet ou de l’existence d’autres plans ou projets ».

Arrêt de la Cour (première chambre) du 9 septembre 2020 (demande de décision préjudicielle de la High Court (Irlande) — Irlande) — Friends of the Irish Environment Ltd / An Bord Pleanála (Affaire C-254/19) (Renvoi préjudiciel – Directive 92/43/CEE – Conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages – Article 6, paragraphe 3 – Champ d’application – Notions de « projet » et d’ « accord » – Évaluation appropriée des incidences d’un plan ou d’un projet sur un site protégé – Décision prolongeant la durée d’une autorisation de construire un terminal de regazéification de gaz naturel liquéfié – Décision initiale fondée sur une réglementation nationale n’ayant pas correctement transposé la directive 92/43) (JOUE C 378, 9 nov. 2020, p. 10)

Voir aussi JOUE C 206, 17 juin 2019, p. 29.

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