o Pas de contrainte pour les moulins construits sur les cours d’eau classés en liste 2

Voté à la fin du quinquennat Hollande, sous la pression des parlementaires ruraux, l’article L. 214-18-1 du code de l’environnement est conforme à la Constitution.

C’est une victoire pour la Fédération française des associations de sauvegarde des moulins (FFAM), inspiratrice de l’article contesté, et une défaite pour la fédération France nature environnement (FNE) et pour la Fédération nationale de la pêche et de la protection du milieu aquatique (FNPF), qui espéraient que cet article L. 214-18-1 du code de l’environnement serait déclaré contraire à la Constitution.

Un article voté par une majorité de circonstance

Rappelons que cet article a connu une gestation laborieuse, avec une première version adoptée au Sénat en janvier 2017 par une majorité transpartisane, malgré l’avis défavorable du rapporteur du texte devenu la loi n2017-227 du 24 février 2017, et celui de Barbara Pompili, alors secrétaire d’État chargée de la biodiversité. Cet amendement, très mal écrit, avait ensuite été remis en forme dans le cadre de la commission mixte paritaire sur ce projet de loi, et il avait en outre reçu la bénédiction de Ségolène Royal, alors ministre de l’environnement et cætera, qui avait désavoué sa secrétaire d’État.

Si l’amendement initial avait été conservé dans le texte final, il aurait sans aucun doute été sanctionné par le Conseil constitutionnel pour non-respect du principe d’intelligibilité de la loi ; mais la rédaction définitive était juridiquement cohérente, et c’est donc bien sur le fond qu’il a été jugé.

L’article contesté dispense les moulins à eau équipés pour produire de l’électricité de respecter certaines règles édictées par l’autorité administrative en application du 2o du I de l’article L. 214-17 du code de l’environnement ; cela concerne donc les ouvrages édifiés sur les cours d’eau classés en liste 2, selon la terminologie courante.

Continuité écologique des cours d’eau

Saisis par le Conseil d’État d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur cet article L. 214-18-1, les Sages ont tranché sans faire évoluer leur jurisprudence concernant la Charte de l’environnement. Le principal argument des associations requérantes était en effet que la préservation de la continuité écologique des cours d’eau serait une composante du droit de vivre dans un environnement équilibré.

Le raisonnement du Conseil constitutionnel ne s’aventure pas aussi loin et reste en terrain connu : « Les limitations apportées par le législateur à l’exercice de ce droit doivent être liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par un motif d’intérêt général et proportionnées à l’objectif poursuivi. » Or le législateur a entendu à la fois préserver le patrimoine hydraulique et favoriser la production d’énergie hydroélectrique qui contribue au développement des énergies renouvelables. « Il a, ce faisant, poursuivi des motifs d’intérêt général. » L’article L. 214-18-1 est donc conforme à la Constitution.

Trois précisions qui limitent la portée de l’article

Toutefois, cette validation est assortie de trois précisions qui encadrent un peu la portée de cet article : cette exemption ne concerne que les moulins à eau équipés pour produire de l’électricité et qui existaient à la date du 25 février 2017 ; elle ne s’applique pas aux ouvrages installés sur les cours d’eau en très bon état écologique, qui jouent le rôle de réservoir biologique ou dans lesquels une protection complète des poissons est nécessaire, autrement dit les cours d’eau en liste 1 ; et elle ne permet de déroger qu’aux règles découlant du 2o du I de l’article L. 214-17, sans faire obstacle à l’application de l’article L. 214-18, qui impose de maintenir un débit minimal garantissant en permanence la vie, la circulation et la reproduction des espèces aquatiques.

On peut déjà prévoir que la prochaine bataille portera sur la version actuelle de l’article L. 214-17, qui a été modifié par l’article 49 de la loi Climat et résilience. Cette modification, toujours inspirée par la FFAM, interdit notamment la destruction des moulins à eau édifiés sur les cours d’eau en liste 2.

Décision no 2022-991 QPC du 13 mai 2022 (JO 14 mai 2022, texte n141).

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