Procédure d’autorisation environnementale pour une ICPE soumise à enregistrement

Le juge administratif a bien du mal à s’y retrouver en présence de deux législations contradictoires : celle sur les autorisations environnementales et celle sur les ICPE soumises à enregistrement. Le Conseil d’État indique ici le raisonnement à appliquer.

Saisi par l’association Limousin nature environnement, le tribunal administratif de Limoges a annulé deux arrêtés du préfet de la Haute-Vienne. Le premier délivrait à la société Enedel 7 un permis de construire pour une unité de méthanisation située au lieu-dit le Francour, sur le territoire du village de Saint-Junien-les-Combes (à ne pas confondre avec la ville de Saint-Junien), le second portait enregistrement de cette même unité et de ses sites de stockage de digestats, au titre de la législation sur les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE).

Un délai pour régulariser une demande d’enregistrement ?

Saisie en appel par la société Enedel 7, la cour administrative d’appel de Bordeaux demande l’avis du Conseil d’État sur ce dossier, en lui posant trois questions :

- l’article L. 181-18 du code de l’environnement, qui permet au juge d’accorder dans certains cas un délai pour régulariser une demande d’autorisation environnementale, s’applique-t-il aux ICPE mentionnées à l’article L. 512-7 du même code, qui « sont soumises à autorisation simplifiée, sous la dénomination d’enregistrement », mais qui ne sont pas soumises à évaluation environnementale et ne constituent donc pas un projet mentionné au deuxième alinéa du II de l’article L. 122-1-1 du même code ?

- dans la négative, si le juge constate que le vice dont est entachée la décision d’enregistrement est tiré de ce que la demande d’enregistrement aurait dû être instruite selon les règles de procédures prévues pour les autorisation environnementales, l’article L. 181-18 est-il cependant applicable ?

- enfin, cet article s’applique-t-il quand le préfet a décidé de soumettre une demande d’enregistrement aux règles de procédure prévues par le code de l’environnement pour les autorisations environnementales ?

En réponse, le Conseil d’État rappelle d’abord que les ICPE sont soumises à un régime d’autorisation, d’enregistrement ou de déclaration en fonction de leur inscription dans les rubriques de la nomenclature des ICPE établie par décret, et suivant la gravité des dangers et des inconvénients que peut présenter leur exploitation.

Pour les installations qui présentent de graves dangers ou inconvénients, la procédure d’autorisation qui s’applique est celle de l’autorisation environnementale, régie par les articles L. 181-1 et suivants du code de l’environnement. En vertu de l’article L. 181-2, cette autorisation environnementale tient lieu d’enregistrement, le cas échéant. Et en vertu de l’article L. 181-17, elle est soumise à un contentieux de pleine juridiction.

De son côté, pour les ICPE soumises à enregistrement, l’article L. 512-7-2 du même code permet au préfet de décider que la demande d’enregistrement sera instruite selon les règles de procédure prévues par les articles L. 181-1 et suivants pour les autorisations environnementales, c’est-à-dire selon le régime de l’autorisation.

Application limitée de l’article L. 181-18 du code de l’environnement

L’article L. 181-18, qui concerne les pouvoirs du juge de l’autorisation environnementale, est applicable aux recours formés contre une décision d’enregistrement d’une ICPE dans le cas où, en application du 7o du paragraphe I de l’article L. 181-2, le projet fait l’objet d’une autorisation environnementale tenant lieu d’enregistrement, ou s’il est soumis à une évaluation environnementale donnant lieu à une autorisation du préfet en application du troisième alinéa du II de l’article L. 122-1-1 du même code.

Dans les autres cas où le juge administratif est saisi de conclusions dirigées contre une décision d’enregistrement d’une ICPE, y compris si la demande d’enregistrement a été instruite selon les règles de procédure prévues pour les autorisations environnementales, en application de l’article L. 512-7-2, l’article L. 181-18 n’est pas applicable.

Pouvoirs du juge de plein contentieux des ICPE

Cependant, en vertu des pouvoirs qu’il tient de son office de juge de plein contentieux des ICPE, si le juge administratif estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu’une illégalité entachant l’élaboration ou la modification de cet acte est susceptible d’être régularisée, il peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu’à l’expiration du délai qu’il fixe pour cette régularisation.

Si la régularisation intervient dans le délai fixé, elle est notifiée au juge qui statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le juge peut préciser, par sa décision avant dire droit, les modalités de cette régularisation, qui implique l’intervention d’une décision corrigeant le vice dont est entachée la décision attaquée. En outre, le juge peut limiter la portée ou les effets de l’annulation qu’il prononce si le ou les vices qu’il retient n’affectent qu’une partie de la décision.

Enfin, lorsque l’annulation n’affecte qu’une partie seulement de la décision, le juge administratif peut déterminer s’il y a lieu de suspendre l’exécution des parties non viciées de cette décision. Et lorsqu’il prononce l’annulation totale ou partielle d’une décision relative à une ICPE soumise à enregistrement, il a toujours la faculté, au titre de son office de juge de plein contentieux, d’autoriser lui-même, à titre provisoire, et le cas échéant sous réserve de prescriptions et pour un délai qu’il détermine, la poursuite de l’exploitation de cette installation, dans l’attente de la régularisation de sa situation par l’exploitant.

Avis n474431 du 10 novembre 2023 (JO 15 nov. 2023, texte n89).

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