Testament sénatorial

Le Sénat rêve d’inverser la logique actuelle : limiter les compétences de l’État et débrider celles des collectivités locales.

La semaine dernière était la dernière durant laquelle le Sénat pouvait fixer librement son ordre du jour avant les prochaines élections sénatoriales. Pour caresser les grands électeurs dans le sens du poil, les sénateurs ont donc adopté une dernière résolution à leur louange.

Ce texte commence par affirmer qu’il est nécessaire de clarifier la répartition des compétences, en inversant la logique actuelle : l’État ne devrait plus être compétent que dans les matières qui seraient inscrites dans la Constitution, tandis que toutes les autres matières relèveraient de la compétence locale. La Constitution devrait aussi garantir la clause de compétence générale des communes.

Il serait nécessaire d’approfondir la décentralisation, notamment en faisant de la région l’autorité de gestion du Fonds social européen territorialisé et, plus largement, de l’ensemble des fonds structurels européens.

Une loi de financement des collectivités territoriales

Le Sénat considère que les transferts et l’exercice de compétences doivent s’accompagner à moyen terme de la mise en place d’un cadre financier stable et pluriannuel. Pour ce faire, il propose la création d’une loi de financement des collectivités territoriales, en cohérence avec le projet de loi de finances, qui fixerait les dispositions financières, budgétaires et fiscales affectant les collectivités, et qui permettrait d’assurer une meilleure lisibilité et une transparence du financement des collectivités.

Il demande aussi que les transferts de charges de l’État vers les collectivités fassent l’objet de compensations intégrales et évolutives, ce qui implique une mesure systématique de l’impact financier des dispositions normatives qui concernent celles-ci.

Le Sénat estime en particulier que ce cadre financier doit tenir compte de la nécessité de la transition écologique et de la soutenabilité environnementale des politiques publiques. Cela devrait se traduire par la création pour chaque niveau de collectivité d’une dotation verte territoriale, susceptible d’être abondée partiellement par des placements citoyens du type « livret d’épargne pour la transition locale ».

Investir massivement pour la gestion durable de l’eau

Le gouvernement est invité à mettre en place un « plan de rebond territorial », qui permettrait aux collectivités locales d’engager des investissements massifs, notamment en faveur de la transition écologique, dont la gestion durable de l’eau, le développement du fret fluvial et la production locale d’énergies renouvelables.

Pour permettre aux collectivités de mener à bien les politiques publiques locales, le Sénat souhaite la création de nouveaux leviers d’action affirmant la primauté de la subsidiarité. En particulier, les transferts de compétences des communes vers les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) devraient être assouplis, et une même compétence devrait pouvoir être exercée, à la carte, par chaque commune, ou par des communes d’un même EPCI regroupées librement, ou encore par l’EPCI lui-même.

Donner un pouvoir réglementaire aux élus locaux

Les collectivités devraient pouvoir déterminer les modalités d’application de la loi dans leurs domaines de compétences : chacune serait compétente en cas de non-renvoi au pouvoir réglementaire de l’État ou en complément de celui-ci. Le pouvoir de saisine du conseil régional, prévu par la loi Notre pour proposer des adaptations réglementaires, serait étendu aux autres niveaux de collectivités.

En parallèle, l’État est invité à réformer son organisation territoriale, en clarifiant son champ d’intervention et en éliminant les doublons dans les domaines où les compétences sont transférées aux collectivités territoriales. L’autorité du préfet de département sur les services déconcentrés devrait être renforcée, et les préfets de région, préfets de département et sous-préfets devraient devenir les seuls interlocuteurs des élus locaux.

Sénat : résolution adoptée en application de l’article 34-1 de la Constitution (JO 26 juin 2020, texte n68).

Retour