Une entité à but non lucratif peut concourir pour un marché public

Saisie d’une demande de décision préjudicielle par le tribunal administratif régional du Latium, la Cour de justice de l’Union européenne se penche encore sur la transposition en droit italien de la directive 2014/24/UE du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE. C’est loin d’être sa première décision sur le droit italien des marchés publics, ni sans doute sa dernière, en raison de l’interprétation très folklorique de cette directive par les autorités romaines.

Dans la présente affaire, une réglementation nationale a empêché une entité à but non lucratif de participer à une procédure de passation d’un marché public de services d’ingénierie et d’architecture. Pourtant, le droit italien autorise dans le même temps ces entités à offrir les services visés par le marché concerné, mais uniquement dans le cadre de contrats privés. Ce n’est donc pas leur compétence qui est en cause, mais leur nature juridique.

Deux dispositions de la directive en question traitent de la nature des opérateurs économiques admis à conclure des marchés publics. C’est d’abord le paragraphe 1 de l’article 19 : « Les opérateurs économiques qui, en vertu de la législation de l’État membre dans lequel ils sont établis, sont habilités à fournir la prestation concernée ne peuvent être rejetés au seul motif qu’ils seraient tenus, en vertu de la législation de l’État membre dans lequel le marché est attribué, d’être soit des personnes physiques, soit des personnes morales. »

Et plus spécifiquement, pour les concours, c’est le b du paragraphe 2 de l’article 80 : l’accès à la participation aux concours n’est pas limité « au motif que les participants seraient tenus, en vertu de la législation de l’État membre où le concours est organisé, d’être soit des personnes physiques, soit des personnes morales ».

Les sociétés commerciales ne sont pas les seuls opérateurs économiques

Toutefois, la CJUE s’appuie surtout sur le considérant 14 de cette directive, auquel il donne ainsi une certaine force juridique qui restera à préciser : « La notion d’ “opérateur économique” devrait s’interpréter au sens large, de manière à inclure toute personne ou entité qui offre la réalisation de travaux, la fourniture de produits ou la prestation de services sur le marché, quelle que soit la forme juridique sous laquelle elle a choisi d’opérer.

« Dès lors, les sociétés, les succursales, les filiales, les associations, les sociétés coopératives, les sociétés anonymes, les universités, qu’elles soient publiques ou privées, ainsi que d’autres formes d’entités que les personnes physiques, devraient toutes relever de la notion d’opérateur économique, qu’il s’agisse ou non de “personnes morales” en toutes circonstances. »

En vertu de ces deux articles, et surtout de ce considérant, la CJUE décide que la disposition en cause du droit italien n’est pas conforme à la directive, et qu’on ne peut donc pas empêcher les entités sans but lucratif de participer à une procédure de passation d’un marché public de services d’ingénierie et d’architecture, dès lors que ces entités sont habilitées par le droit national à offrir les services visés par le marché concerné.

Arrêt de la Cour (dixième chambre) du 11 juin 2020 (demande de décision préjudicielle du Tribunale Amministrativo Regionale per il Lazio — Italie) — Parsec Fondazione Parco delle Scienze e della Cultura / Ministero delle Infrastrutture e dei Trasporti, Autorità nazionale anticorruzione (ANAC) (Affaire C-219/19) (Renvoi préjudiciel – Marchés publics de travaux, de fournitures et de services – Directive 2014/24/UE – Procédure d’adjudication d’un marché de services – Services d’architecture et d’ingénierie – Article 19, paragraphe 1, et article 80, paragraphe 2 – Législation nationale limitant la possibilité de participer aux seuls opérateurs économiques constitués sous certaines formes juridiques) (JOUE C 271, 17 août 2020, p. 15).

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